Les ministres de l’Agriculture de l’UE se sont réunis à Bruxelles le 14 novembre 2011 à l’occasion d’un Conseil qui s’est tenu sous présidence polonaise. Romain Schneider, qui représentait le Luxembourg parmi ses pairs, y a défendu la position du Grand-Duché, notamment lors du débat qui a eu lieu sur la future PAC après 2013.
"Nous soutenons le principe des deux piliers", a affirmé le ministre luxembourgeois de l’Agriculture qui estime cependant que "le verdissement n’a pas sa place dans le premier pilier parce que les mesures agro-environnementales du second pilier, volontaires et basées sur des contrats, sont plus efficaces en termes d’impact positif sur l’environnement". Romain Schneider craint en effet qu’il n’y ait "une incohérence entre le paiement écologique proposé par la Commission européenne et les mesures du deuxième pilier".
Son inquiétude tient surtout au fait que certains agriculteurs ont fait de "grands efforts dans le passé pour mettre en application les mesures agro-environnementales", et le ministre juge qu’ils ne doivent "en aucun cas être pénalisés". Romain Schneider considère même au contraire que ces efforts devraient être pris en considération dans le cadre d’un éventuel verdissement du premier pilier afin d’exclure des conséquences négatives pour les agriculteurs qui mettent en œuvre des mesures agro-environnementales.
Romain Schneider propose donc pour compromis, mais aussi dans l’objectif de réduire la charge administrative, une fusion du paiement de base et du paiement écologique, avec une conditionnalité renforcée par de nouvelles mesures de greening, à choisir par les Etats membres sur une liste communautaire. Une option qui pourrait être envisagée selon lui tout en veillant à ce que ce dispositif soit plus efficace et plus ciblé sur l’activité agricole.
"Nous sommes ouverts à l’idée d’un paiement pour les zones défavorisées, s’il reste volontaire", a encore indiqué Romain Schneider qui a déclaré aussi que le Luxembourg soutenait le paiement spécifique pour jeunes agriculteurs. Quant à la mise en place du paiement pour les petites exploitations, elle doit selon lui "rester volontaire également pour les Etats membres".
En ce qui concerne la question de la répartition des paiements directs entre les Etats membres, Romain Schneider a commencé par constater que la proposition de la Commission "induira une baisse de notre enveloppe nationale, même si nous nous situons actuellement au niveau de la moyenne communautaire pour le taux par hectare de paiement direct". Une baisse évaluée à hauteur de 0,5 à 1 %, ce qui fait que le Luxembourg n’a pas l’intention de faire une controverse sur ce point, ainsi que le rapporte Marisandra Ozolins dans le Tageblatt daté du 15 novembre 2011. Romain Schneider a cependant insisté pour que la question de la distribution de paiements directs entre Etats membres soit tranchée en prenant ensemble les enveloppes du 1er et du 2e piliers.
La réunion des ministres de l’Agriculture a vu aussi se débloquer la situation tendue sur la question du Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD), l’Allemagne ayant accepté une solution de compromis qui a mis fin à la minorité de blocage.
La minorité de blocage constituée par six pays qui avait empêché de trouver un accord le 20 septembre dernier, conduisant la Commission à mettre sur la table une nouvelle proposition de compromis le 3 octobre 2011, avait maintenu l’avenir du programme pour 2012 et 2013 dans l’impasse lors du Conseil du 20 octobre 2011.
L’enjeu était de pouvoir financer le programme en 2012 et 2013 : "sans accord, il n’y aura que 100 millions d’euros environ pour 2012, et il risque de ne rien y avoir du tout en 2013", avait mis en garde le commissaire Dacian Ciolos.
Finalement, la ministre allemande de l'Agriculture Ilse Aigner a annoncé en marge de la réunion être prête à une solution transitoire, "par égard pour les organisations caritatives" qui comptent sur ces fonds. "Mais il faut que ce soit très clair : à partir du premier janvier 2014, il n'y aura pas de politique sociale à l'échelle européenne", a-t-elle posé comme condition.
L'accord de dernière minute a pu être trouvé à l'issue d'une négociation in extremis entre Ilse Aigner et son homologue français Bruno Le Maire. Ce dernier a cependant admis avoir "accepté de reconnaître avec l'Allemagne que les conditions n'étaient pas réunies pour une poursuite de l'aide alimentaire après 2014 pour les prochaines perspectives financières". Pour Bruno Le Maire, le compromis trouvé était le seul possible : "Nous n'avons laissé aucune possibilité de côté" pour sauver ce programme, a-t-il affirmé.
Les conclusions du Conseil stipulent donc qu’une majorité qualifiée pourrait être confirmée ultérieurement en faveur de la poursuite temporaire du PEAD, ce qui devrait garantir le fonctionnement du programme en 2012 et 2013 sous des conditions spécifiques. Le sujet sera donc à l’ordre du jour de l’une des prochaines réunions du Conseil.
Le commissaire à l'Agriculture, Dacian Ciolos, s'est réjoui de ce que "la raison l'a emporté" en annonçant le "déblocage des plans 2012 et 2013 de distribution alimentaire aux plus démunis". Il a promis de faire en sorte que "tout soit prêt afin d'assurer la continuité du programme cet hiver". "18 millions d'Européens attendaient cette décision", s'est réjoui pour sa part le ministre polonais de l'Agriculture Marek Sawicki, évoquant les actuels
bénéficiaires de ces quelque 500 millions d'euros annuels, tirés des fonds agricoles européens, qui financent des banques alimentaires et des soupes populaires.
Les principales associations caritatives françaises, comme les Restos du Coeur, ont exprimé lundi leur "soulagement" devant ce répit de deux ans, tout en soulignant la nécessité d'inventer un nouveau programme au-delà de 2014. La Croix-rouge française a ainsi plaidé pour la création d'"une vraie politique sociale de solidarité européenne".