Le 16 novembre 2011, le Parlement européen, réuni en plénière à Strasbourg, a accueilli dans l’hémicycle Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, pour un débat qui devait porter sur la gouvernance économique européenne.
Herman Van Rompuy a rappelé son mandat qui est de renforcer l’union économique de façon à la porter au niveau de l’union monétaire en renforçant la convergence économique, en améliorant la discipline budgétaire et en approfondissant l’union économique, sans exclure la possibilité de changements limités aux traités.
La Commission se prépare à lancer le 2e semestre européen, mais aussi à mettre sur la table des propositions sur la surveillance renforcée des Etats membres, sur la représentation extérieure de la zone euro, ainsi qu’un livre vert sur des "obligations de stabilité", a annoncé José Manuel Barroso.
"Si nous voulons le gouvernement économique de l’Europe, nous devons avoir l’ambition d’un gouvernement", a déclaré pour sa part Jean-Claude Juncker, appelant à un retour du politique dans les méthodes de travail.
Chez les eurodéputés, préoccupés par la nécessité de la croissance et le souci de convaincre les citoyens, toute modification du traité, pour laquelle personne ne s’est montré particulièrement enthousiaste, ne peut se faire que dans le cadre d’une convention. L’idée d’introduire des euro-obligations continue de séduire nombre de parlementaires, et ils ont été nombreux aussi à se soucier de convergence en termes sociaux et fiscaux.
Sans perdre de vue l’urgence de la situation, Herman Van Rompuy a insisté sur l’importance de réformes à long terme du système de gouvernance économique qui sont la garantie même de la crédibilité des mesures prises à court-terme. Ainsi qu’il l’a rappelé, les conclusions du sommet du 26 octobre 2011 ont chargé Herman van Rompuy, José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker d’identifier des pistes pour renforcer l’union économique de façon à la porter au niveau de l’union monétaire en renforçant la convergence économique, en améliorant la discipline budgétaire et en approfondissant l’union économique, sans exclure la possibilité de changements limités aux traités.
Herman Van Rompuy a présenté son calendrier, annonçant qu’il présenterait un rapport intermédiaire au Conseil européen du 9 décembre, qui discutera donc de cette feuille de route qui déterminera comment procéder en respectant les prérogatives des institutions, Parlement inclus. Un rapport final sera mis sur la table en mars ou en juin 2012. "Notre tâche est claire à mes yeux : nous devons parachever l’UEM", a indiqué le président du Conseil européen, désireux d’entendre les vues du Parlement européen sur le sujet.
Herman Van Rompuy a ensuite fait le point sur tout ce qui a déjà été fait au cours des 20 derniers mois avant d’aborder ce qu’il conviendra de faire pour l’avenir.
Ce qui a été réalisé est souvent sous-estimé, note Herman Van Rompuy qui en appelle à la plus grande vigilance dans la mise en œuvre des décisions prises. Celles-ci ont permis à ses yeux de mettre en place une réforme à plusieurs facettes combinant pression institutionnelle (par l’établissement des autorités de supervision des marchés, mais aussi par la réforme du pacte de stabilité et de croissance, par la procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques et enfin par l’établissement de l’EFSF sur un principe de stricte conditionnalité), pression des pairs (beaucoup ont pris conscience de l’interdépendance entre les Etats, la pression peut s’exercer au plus haut niveau dans le cadre des sommets de la zone euro, mais elle s’exerce aussi dans le cadre du semestre européen et du pacte europlus) et pression des marchés.
Pour Herman Van Rompuy, la combinaison de ces trois pressions "produit déjà des résultats", comme en témoignent à ses yeux les engagements pris par les gouvernements de la zone euro le 26 octobre dernier, à savoir par exemple l’inscription des règles du pacte de stabilité dans la législation nationale d’ici 2012, le fait que les budgets nationaux sont basés sur des prévisions de croissance indépendantes ou encore l’engagement à consulter ses pairs et la Commission avant l’adoption de toute réforme politique majeure en matière budgétaire et économique. Sans compter le fait que les Etats membres connaissant une procédure de déficit excessive seront soumis à un examen de leur projets de budgets nationaux, ainsi que l’a souligné Herman Van Rompuy.
"L’Eurogroupe restera, avec la Commission et la BCE, au cœur de la gestion quotidienne de la zone euro, ainsi que le mentionnent explicitement les conclusions", a ajouté Herman Van Rompuy, saluant au passage le travail et l’engagement du président de l’Eurogroupe.
Le renforcement de la coopération à 17 qui est souhaité crée-t-il une Europe à deux vitesses ? Pour Herman Van Rompuy, il convient de dédramatiser ce débat. "Il est parfaitement naturel qui ceux qui partagent une monnaie commune prennent des décisions ensemble", a-t-il déclaré, soulignant que les traités prévoient d’ailleurs des dispositions spécifiques pour les Etats de la zone euro. Il s’agit donc là, selon lui, "d’une partie parfaitement normale des dispositions institutionnelles actuelles, d’une méthode de travail spécifique". A ses yeux, une zone euro mieux structurée est dans l’intérêt de tous, y compris des 27.
"J’ai l’intention de faire de l’organisation de sommets de la zone euro à la suite des Conseils européens une règle", a déclaré Herman Van Rompuy, qui estime que cela permettra aux 27 de contribuer aux discussions abordées ensuite à 17. Il assure par ailleurs que la Commission et le Parlement vont continuer à jouer leur rôle essentiel et qu’il rendra compte au Parlement des sommets de la zone euro.
Pour la suite, Herman Van Rompuy a insisté sur la nécessité d’identifier les objectifs avant de se fixer sur les instruments requis pour les atteindre. A ses yeux, beaucoup peut être fait sans changer les traités, en utilisant par exemple des instruments comme la coopération renforcée.
Pour ce qui est du renforcement de la convergence, il convient, selon Herman Van Rompuy, d’examiner la nécessité d’aller au-delà du paquet sur la gouvernance en termes de surveillance macroéconomique, de voir comment renforcer le cadre des engagements pris dans le cadre du pacte euro plus et d’identifier des domaines dans lesquels une coopération renforcée serait souhaitable parmi les 17 dans des domaines cruciaux pour la compétitivité.
En ce qui concerne le renforcement de la discipline budgétaire, la question est de savoir s’il faut aller plus loin en termes d’automaticité des sanctions prises dans le cadre de la procédure de déficit excessif. Faut-il prévoir, dans des cas extrêmes, des sanctions allant jusqu’à la suspension des droits de vote, la suspension de fonds structurels, voire de donner le pouvoir à une autorité centrale pour intervenir dans les procédures budgétaires nationales ?
Enfin, en termes d’approfondissement de l’union économique et monétaire, Herman Van Rompuy demande si une harmonisation dans des domaines comme la fiscalité ou le social ne serait pas requise. Faut-il une mutualisation limitée de la dette publique ? Quelles régulations supplémentaires sont nécessaires dans le secteur financier ?
Autant de questions qui sont interdépendantes aux yeux du président du Conseil. "La crise exige de nous d’en faire plus", a conclu Herman Van Rompuy, appelant à articuler discipline et intégration en se concentrant sur la croissance. "Nous devons démontrer que nous partageons une destinée commune", a-t-il plaidé, ce qui implique un partage de souveraineté, mais aussi de trouver un équilibre entre intrusion et légitimité, discipline et stimulants, efficacité et responsabilité.
José Manuel Barroso a évoqué "une situation terrible dans l’UE" au vu des dernières prévisions de croissance de la Commission, mais aussi des chiffres du chômage et des turbulences sur les marchés obligataires. Les défis sont donc grands et il s’agit de restaurer la confiance dans cette crise qu’il a qualifiée de systémique. "Nous avons besoin de plus de discipline, mais nous avons besoin de plus de convergence", a résumé José Manuel Barroso, qui a aussi mis en balance la nécessité de stabilité financière et celle de croissance économique, appelant tant à la responsabilité qu’à la solidarité.
La Commission va présenter son examen annuel de la croissance dès le 23 novembre 2011, lançant ainsi le deuxième exercice du semestre européen. Pour 2012, les priorités seront de poursuivre la consolidation budgétaire, de renforcer encore le secteur financier, de favoriser la croissance en réduisant la fragmentation du marché pour rendre l’Europe plus attractive, de prendre soin du capital humain et social, en veillant notamment aux jeunes qui ne trouvent pas de travail, et enfin de moderniser les administrations publiques.
Mais José Manuel Barroso a aussi annoncé que seraient présentées le même jour deux propositions visant à renforcer la gouvernance économique de la zone euro, cette dernière "définissant les périmètres" de l’action menée. L’approche intergouvernementale qui a été prédominante lui paraît être trop lente alors que les marchés observent non seulement les déficits et les dettes, mais aussi la capacité de la zone euro et de l’UE à prendre des décisions.
Ces deux initiatives, qui seront basées sur l’article 136 du traité, seront complétées par une livre vert sur des "obligations de stabilité". A la fin de l’année, la Commission présentera une communication sur la représentation extérieure de la zone euro qui sera basée sur l’article 138, paragraphe 2 du traité. L’objectif est de renforcer la voix de l’Europe et sa crédibilité dans le monde.
Le premier règlement basé sur l’article 136 va porter sur la surveillance renforcée d’Etats membres faisant face à des difficultés financières ou demandant une assistance financière. Il va s’agir d’une interface entre une aide financière intergouvernementale et une surveillance basée sur les traités, l’inscrivant ainsi dans le cadre communautaire. L’enjeu est d’assurer la cohérence entre la gouvernance renforcée au sein de la zone euro et l’acquis communautaire, c’est-à-dire d’augmenter la convergence des 17 sans porter préjudice aux intérêts de l’UE.
Le second règlement basé sur l’article 136 concerne la surveillance renforcée d’Etats membres connaissant une procédure de déficit excessif. Il s’agit là d’un des engagements du 26 octobre. Il établira des étapes graduelles et des conditions de suivi des politiques budgétaires nationales, permettant au Conseil et à la Commission d’examiner les projets de budget ex-ante et d’adopter un avis avant leur adoption par les parlements nationaux. La Commission devrait aussi pouvoir suivre l’exécution budgétaire et suggérer, si nécessaire, des amendements en cours d’année.
"Le dernier mot sur les budgets nationaux reviendra toujours aux parlements nationaux", qui doivent cependant "être conscients des règles européennes", a assuré dans ce contexte José Manuel Barroso, insistant sur le rôle que peut jouer le Parlement européen en matière de dialogue et de coopération interparlementaires.
Quant au livre vert sur les obligations de stabilité, il va présenter et évaluer les options d’une émission d’obligations communes dans la zone euro, mais aussi explorer les options de gouvernance y associées. "Je crois que ces obligations de stabilité apparaîtront naturelles lorsque nous aurons atteint notre objectif de gouvernance renforcée, de discipline et de convergence dans la zone euro", a déclaré José Manuel Barroso voyant là une "démonstration concrète des principes de responsabilité et de solidarité".
La leçon fondamentale de la crise aura été une leçon sur l’interdépendance, estime José Manuel Barroso qui estime que la nécessité d’aller de l’avant fait maintenant consensus au sein des Etats membres. Mais il a souligné l’engagement de la Commission à faire en sorte que ces changements se fassent de façon transparente, démocratique, communautaire.
A l’avenir, nous aurons besoin de renforcer encore l’intégration, a indiqué José Manuel Barroso, ce qui va nécessiter des modifications du traité. "Je suis en faveur d’une modification du traité, si elle doit renforcer l’UE, la méthode communautaire, les institutions européennes dans le sens d’un objectif commun", a-t-il déclaré, soulignant cependant que de telles modifications prennent du temps et ne sauraient être considérées comme la solution immédiate à la crise actuelle.
José Manuel Barroso a conclu son intervention par un plaidoyer en faveur de la méthode communautaire, une approche qui vaut aussi pour l’euro, ce dernier étant au cœur de l’UE. A ses yeux, renforcer la gouvernance de l’euro revient en effet à renforcer l’UE.
Pour Jean-Claude Juncker, le débat devait porter sur la gouvernance de la zone euro, et donc les méthodes de travail choisies, ainsi que l’interarticulation entre elles. "À vrai dire, je ne fais guère de différence entre la forme et le fond, parce qu’en Europe j’ai souvent constaté que la forme, c’est le fond qui remonte à la surface", s’est amusé le président de l’Eurogroupe qui observe que "si vos méthodes de travail sont intergouvernementales, c’est que votre volonté n’est pas entièrement communautaire".
Faisant le point sur le semestre européen, Jean-Claude Juncker, qui n’est pas déçu par ce premier exercice mais qui considère que les résultats pourraient être améliorés, juge un peu prématuré de tirer des conclusions définitives d’une première expérience qu’il juge "hâtive, un peu superficielle". "Je crois qu’au moment où les gouvernements présenteront leurs projets de budget pour 2012, cet exercice de consultation ex ante et a priori nous permettra de vérifier si, oui ou non, les gouvernements ont suivi entièrement ou partiellement les recommandations qui leur furent adressées lors du premier semestre européen", a-t-il déclaré.
Son message est cependant un appel à ce que cet exercice devienne "plus politique, plus inclusif et moins technique".
"Si nous voulons le gouvernement économique de l’Europe, nous devons avoir l’ambition d’un gouvernement", a lancé Jean-Claude Juncker sous les applaudissements de l’hémicycle. Cela signifie pour lui que "les différentes formations du Conseil doivent être mieux impliquées" dans le semestre européen, et que "toutes les sensibilités qui s’expriment à travers les différentes formations du Conseil doivent être mieux entendues". Un gouvernement économique ne saurait en effet selon lui se résumer à gestion budgétaire restant dans les mains exclusives des ministres des Finances.
Vue l’importance de la dimension de la croissance, Jean-Claude Juncker plaide pour que soient impliqués dans la préparation des différents sommets "tant le Conseil affaires sociales, que le Conseil compétitivité, que le Conseil recherche, que les ministres qui s’occupent de l’Énergie, des Transports et de l’Innovation, de la lutte pour l’emploi, de la lutte contre la pauvreté", afin qu’ils puissent "intervenir avec la même vigueur dans le débat que ne le font les ministres des Finances".
"Je voudrais que, dans toutes nos démarches, nos méthodes de travail deviennent plus politiques", a poursuivi le président de l’Eurogroupe qui constate que "très souvent, au niveau des ministres des Finances, parfois au niveau des Premiers ministres, nous avalisons des textes que nous n’avons pas nous-mêmes préparés, et que nous n’avons pas discutés entre nous". Jean-Claude Juncker plaide donc pour que, dans les différentes formations du Conseil, "les situations spécifiques des différents États membres" puissent être discutées plus en détail, mais aussi pour qu’un "dialogue vertueux" soit possible lorsque des recommandations sont faites à un gouvernement. La capacité "d’entretenir entre nous-mêmes une riche controverse sur l’essentiel des choix politiques" apparaît aux yeux du Premier ministre luxembourgeois comme une condition pour mettre en place un gouvernement économique.
Jean-Claude Juncker plaide par ailleurs pour que le Parlement européen soit "le plus étroitement possible associé" à la surveillance budgétaire et macroéconomique. Selon lui, dans le cadre du "dialogue économique", terme sur lequel Conseil et Parlement ont des difficultés à s’entendre, les différents présidents des différents Conseils devraient pouvoir être invités par le Parlement européen pour discuter des grands choix qui auront été opérés par les États membres et par le Conseil des ministres. Mais il estime aussi que les Etats membres devraient avoir la possibilité de venir au Parlement européen pour s’expliquer. "Il est prévu que le Parlement peut inviter un État membre, l’État membre n’est pas obligé de venir", rappelle-t-il avant d’affirmer que "ceux qui demandent la solidarité, et qui doivent faire preuve de solidité, doivent également s’expliquer au Parlement européen, ne fusse que pour avoir une meilleure perception de l’image de marque et du degré de difficulté que les autres États membres, que les membres du Parlement comprendront mieux, si un gouvernement s’explique en direct, live and in colours au Parlement européen".
Sur la gouvernance proprement dite, Jean-Claude Juncker a insisté une fois encore sur le fait qu’il n’y a pas de concurrence entre sommet de l’euro et Eurogroupe : "l’Eurogroupe reste la machine essentielle lorsqu’il s’agit d’organiser en détail la gestion quotidienne, c’est à dire mensuelle, de la coordination des politiques économiques ; il doit préparer les réunions du Conseil de l’euro", rappelle-t-il. Lorsque son mandat de président de l’Eurogroupe sera arrivé à échéance, au 1er juin 2012, la question se posera ensuite de savoir s’il convient de "transformer la présidence de l’Eurogroupe en une présidence permanente, en prenant appui sur le protocole 14 du traité, qui ne dit pas qu’un membre de l’Eurogroupe doit présider l’Eurogroupe, mais qu’un autre président de l’Eurogroupe peut-être choisi, même en dehors des membres de l’Eurogroupe".
Jean-Claude Juncker souhaiterait dans tous les cas que le président de l’Eurogroupe working group, sous-groupe du Comité économique et financier, soit à l’avenir un full-time job basé à Bruxelles afin de pouvoir organiser le quotidien des relations entre la Commission et les Directions générales et l’Eurogroupe.
Jean-Claude Juncker a par ailleurs annoncé que les amendements à l’accord-cadre sur l’EFSF, qui visent notamment à jouer de l’effet de levier de ce fond, étaient en voie de finalisation. Klaus Regling est "en train de regarder en détail les différentes qui doivent être prises sous examen", a-t-il précisé, émettant l’espoir que ce travail pourra être finalisé "avant la fin du mois de novembre".
Quant à la question du versement de la sixième tranche de l’aide à la Grèce, le président de l’Eurogroupe a annoncé qu’elle serait discutée "avant la fin du mois, pour prendre une décision définitive". Ainsi qu’il l’a rappelé, l’Eurogroupe avait décidé le 7 novembre 2011 de soumettre ce versement "à l’accomplissement de tous les éléments, de toutes les décisions qui ont été prises les 26 et 27 octobre". "Nous nous attendons à être saisis d’une lettre par le Premier ministre grec, nous renseignant sur les intentions exactes, maintenant et dans la durée, des autorités grecques lorsqu’il s’agit de répondre présent aux recommandations et aux décisions qui ont été faites le 26 et le 27 octobre", a précisé Jean-Claude Juncker.
Jean-Claude Juncker a par ailleurs indiqué que des efforts seraient faits pour accélérer la finalisation des amendements qu’il faut apporter au traité en ce qui concerne le mécanisme européen de stabilité. "Nous aurons à examiner la difficile question de l’implication du secteur privé, de la participation du secteur privé dans de futures opérations d’appui", a-t-il expliqué, évoquant une question "qui est simple en apparence mais qui est très difficile lorsqu’on l’examine de plus près".
Pour Joseph Daul, qui constate que la crise bouleverse la donne et conduit à une accélération impressionnante des changements, la solution, c’est plus d’Europe, c’est plus d’intégration. Selon son analyse, la crise n’est pas une crise de l’euro, mais le résultat d’une erreur politique qui a consisté à mettre en place une monnaie unique sans gouvernance. Joseph Daul a donc salué à cet égard le travail du Conseil, même s’il convient que les choses ne vont pas assez vite.
Le chef du groupe PPE pointe l’importance de la gestion de la crise qui est source de divisions en Europe et il insiste sur la nécessité de ne pas mettre sur la touche les pays qui ne font pas partie de la zone euro mais dont certains, comme la Pologne, font cependant des efforts courageux. "N’abandonnons pas la méthode communautaire", résume-t-il, estimant que tous les Etats membres peuvent apporter leur contribution. Joseph Daul a donc lancé un appel à la Commission à préserver la cohésion de l’Europe.
S’il convient qu’il faudra certainement une adaptation majeure du traité, Joseph Daul le conditionne cependant à un débat ouvert et démocratique et à l’établissement d’une convention. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue selon lui l’objectif, à savoir mettre en place une gouvernance crédible, mais aussi mettre en œuvre rapidement les décisions prises et viser une intégration qui soit à la fois économique et sociale.
Martin Schulz, qui a témoigné de la solidarité du Parlement européen pour les hommes et les femmes d’Italie et de Grèce, deux pays qui font face à des défis historiques selon lui, a insisté sur le besoin d’investissements et de croissance. "Sinon, ces pays ne se remettront pas", craint en effet le chef de file des socialistes au Parlement européen. Rappelant que la démocratie a besoin de temps, il a appelé à faire le nécessaire pour stabiliser les pays qui sont en proie aux spéculateurs.
Pour ce qui est d’une éventuelle révision des traités, Martin Schulz est dubitatif. "Je ne sais pas si Mario Monti a besoin d’un tel débat en ce moment", s’est-il en effet demandé, estimant que la discussion est sur la table à la demande exclusive de l’Allemagne. Et, dans tous les cas, a-t-il lui aussi avancé, s’il devait y avoir une révision des traités, une convention est nécessaire. Martin Schulz a insisté sur l’importance du rôle du Parlement européen, sans lequel il ne saurait y avoir de réforme efficace de l’UE qui apporterait cohérence et cohésion.
"Va-t-on poursuivre la méthode communautaire si on va vers une révision des traités ?", s’est inquiété encore Martin Schulz qui a appelé à ne pas faire de la dérogation une règle et qui a expliqué que la méthode communautaire est aussi une philosophie qui permet à tous les Etats membres, quelle que soit leur taille, d’être sur un pied d’égalité.
Guy Verhofstadt, chef de file des démocrates et libéraux, a évoqué "un moment très dangereux" où tout est possible, y compris le scénario le plus dramatique. Il convient à ses yeux d’aller au-delà des décisions du 21 juillet et du 26 octobre pour développer une approche commune portée par la Commission visant à créer une Union économique et fiscale.
A ses yeux, la Commission doit avoir un rôle clef dans ce gouvernement économique qui doit reposer sur un plan de convergence établissant des standards applicables aux principaux piliers des économies des Etats membres. Guy Verhofstadt a appelé aussi à renforcer le pacte de stabilité au-delà du paquet sur la gouvernance (le six-pack) tout en jugeant nécessaire une nouvelle stratégie de croissance pour l’UE. L’eurodéputé libéral a plaidé pour la création d’un Fonds monétaire européen, mais aussi pour la mise en place d’obligations de stabilité. A ce titre, il a évoqué la proposition faite par cinq économistes allemands –les "cinq sages" – de créer un fonds collectif de désendettement permettant de mutualiser la dette dans la zone euro à hauteur de 60 %. Un fonds qui pourrait être combiné avec l’EFSF pour accroître la force de frappe de l’Europe.
En clair, seul un réel gouvernement économique combiné avec une forme d’euro-obligations peut, selon Guy Verhofstadt, stopper la crise.
Pour ce qui est de la nécessité de changer les traités, Guy Verhofstadt juge que l’on pourrait déjà faire beaucoup sans modifier les traités. Mais si une telle modification devait s’avérer nécessaire, alors une Convention est requise, estime lui aussi Guy Verhofstadt.
Daniel Cohn-Bendit, chef de file des écologistes, a commencé par prendre à partie Herman Van Rompuy, se disant "abasourdi" par le bilan tiré par le président du Conseil qu’il a interpellé comme "comptable" de ses jours travaillés. "Cela ne suffit pas", a lancé Daniel Cohn-Bendit, critiquant la méthode intergouvernementale, mais aussi des "politiques qui démissionnent", pensant que "ce qui va nous sauver c’est l’intelligence de la BCE"
A ses yeux, il convient d’avancer vers la création d’euro-obligations, mais aussi sur les investissements nécessaires. "Il faut mettre Keynes à Bruxelles, les Etats nations ne peuvent pas investir seuls", a-t-il déclaré. Il a pointé du doigt "un spread" qui n’est pas celui entre les taux d’intérêt, mais celui entre les salaires minimaux, s’en prenant vivement à la politique économique de l’Allemagne, caractérisée selon lui par des déséquilibres commerciaux et de fortes inégalités sociales et qui est à ses yeux pure "folie".
Quant à un éventuel changement de traité, là-encore, cela ne serait possible pour Daniel Cohn-Bendit qu’à condition que Parlement européen et parlements nationaux, c’est-à-dire une convention, en soient les artisans.
Lothar Bisky (GUE) a quant à lui dénoncé le manque de volonté politique des Etats membres, avant de se demander quelle ampleur devrait prendre la crise pour que s’impose la mise en place d’euro-obligations. Il s’inquiète du temps qu’il va falloir pour discuter des modalités de leur mise en place. La croissance et l’emploi doivent rester des priorités, juge Lothar Bisky aux yeux duquel "les mesures d’économie approfondissent la crise".
Le socialiste Stephen Hughes a appelé à la mise en place d’une stratégie européenne coordonnée pour lutter contre le chômage des jeunes en mettant en place un fonds ciblé, mais il a aussi plaidé pour des euro-obligations à mettre en place d’ici fin 2012. Stephen Hughes a aussi appelé à une stratégie d’investissement qui devrait porter sur 5,2 % du PIB et dans le cadre de laquelle la Commission devrait se voir attribuer des pouvoirs spéciaux pour veiller à la mise ne place de plans d’investissements nationaux.
Sylvie Goulard (ADLE) a insisté pour que le Parlement européen soit associé afin de "dissiper l’impression d’un manque de démocratie", se faisant l’écho d’une préoccupation récurrente des parlementaires. Jean-Paul Gauzès (PPE) a insisté en ce sens, rappelant qu’il faut "avant tout convaincre les citoyens, avant de chercher à convaincre des marchés qui ne seront jamais satisfaits".
"Nous attendons des mesures ambitieuses pour ce qui est d’une représentation extérieure de la zone euro et pour les euro-obligations", a lancé encore Sylvie Goulard, résumant ainsi la position de nombre d’eurodéputés.
Jacek Sariusz-Wolski (PPE) a dénoncé un risque de désunion, se prononçant contre une Europe à deux vitesses. Selon l’eurodéputé polonais, les sommets de la zone euro devraient plutôt précéder les Conseil européens que les suivre.
La socialiste Pervenche Bérès a plaidé pour que l’examen annuel de croissance de la Commission devienne "une orientation annuelle de croissance durable" à laquelle devrait être associé le Parlement européen.
Jan Zahradil (ECR) a critiqué "la dictature fiscale" appliquée en Europe au nom de l'idéologie, dénonçant une méthode communautaire qui n’est selon lui qu’illusion. Pour cet eurodéputé tchèque, tout changement de traité nécessite l’approbation unanime des 27 Etats membres car "ce qui se passe dans la zone euro nous concerne tous". "Si vous rouvrez les traités, préparez vous à devoir négocier ferme", a-t-il mis en garde. Nigel Farage (EFD) a critiqué "un discours bureaucratique" marqué selon lui par "un déni de l’échec de l’euro" avant de pendre à partie les trois invités du Parlement européen en les accusant de n’avoir "aucune légitimité démocratique".
La réaction de Jean-Claude Juncker à ce débat a été vive. Il a dénoncé un "hors-sujet" de la plupart des eurodéputés dont certains ont selon lui prononcé des discours nourris par des raisons de politique intérieure. Jean-Claude Juncker a rappelé son engagement en faveur de la création d’euro-obligations, précisant toutefois qu’il n’a pas la compétence pour les introduire. Pour le Premier ministre luxembourgeois, il faut redéfinir le cadre afin de pouvoir faire preuve de la plus grande souplesse possible et de pouvoir réagir rapidement. A ses yeux, il faudrait supprimer la règle de l’unanimité, introduire une taxe sur les transactions financières. Mais ces idées ne font pas consensus.
José Manuel Barroso, qui a rebondi sur les appels nombreux à favoriser la croissance, a rappelé qu’il fallait la volonté politique pour pouvoir augmenter les ressources nécessaires par une fiscalité juste et appropriée qui porterait par exemple sur la consommation excessive d’énergie ou sur les grandes fortunes. Le moment est venu pour le Conseil et les Etats membres d’agir en matière de fiscalité, a jugé José Manuel Barroso. A ses yeux, la question qui se pose aujourd’hui est de savoir si la zone euro est prête à prendre les décisions nécessaires pour assurer sa pérennité. "L’heure de vérité, c’est maintenant", a lancé le président de la Commission aux Etats membres pour qu’ils s’acquittent de leurs tâches et fassent le nécessaire pour faire de l’union monétaire une union politique.
Herman Van Rompuy a rappelé que la discipline budgétaire était inévitable, l’intégration ne pouvant se faire sans cette condition. Pour une intégration budgétaire, il faut selon lui procéder par étapes car le nombre trop important de divergences économiques, sociales et budgétaires fait que "nous ne sommes pas prêts". Pour ce qui est de la division thématisée par certains eurodéputés, le président du Conseil européen a souligné que la plus grande division que l’on pourrait avoir serait celle que l’on aurait si l’on ne parvenait pas à préserver la stabilité de la zone euro. Enfin, à ses yeux, la première condition de la croissance est le rétablissement de la confiance dans la zone euro tant auprès des investisseurs que des consommateurs.
Le Luxemburger Wort se fait l’écho de réactions de trois des six eurodéputés luxembourgeois à ce débat dans son édition datée du 17 novembre 2011.
Frank Engel (PPE) appelle de ses vœux la convocation d’une convention de façon à réorganiser le financement du budget de l’UE en vue de la prochaine période de programmation financière 2014-2020. "Cette convention en devrait pas durer longtemps, six mois serait une période adaptée", a-t-il confié au journaliste Jakub Adamowicz, appelant à ce que cette convention réunisse des représentants des parlements nationaux, des institutions européennes et des experts financiers. L’objectif, inscrire dans au niveau communautaire des domaines politiques qui relèvent de la compétence des Etats comme la défense, la représentation extérieure ou les investissements en matière d’infrastructures. Cela permettrait à ses yeux d’investir plus efficacement cet argent. Au niveau national, il y a un potentiel d’économies de l’ordre de 4 % du PIB de l’UE, estime-t-il, de l’argent qui pourrait être apporté au budget de l’UE.
Frank Engel souhaite par ailleurs transformer le fonds de sauvetage en une agence de la dette européenne qui pourrait être dotée de missions ambitieuses à l’occasion de la convention qui l’appelle de ses vœux et réduire ainsi de moitié la dette des Etats membres de l’UE sur la période 2014-2020. "Cet objectif peut être atteint par des prescriptions résolues venant d’en haut", juge Frank Engel qui imagine que cela poserait les jalons d’une croissance durable à l’avenir.
Astrid Lulling (PPE) a souligné quant à elle l’importance de la volonté politique pour surmonter les défis budgétaires auxquels fait face l’UE. Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt feraient selon elle mieux que les responsables politiques actuels pour surmonter la crise. "Car ils sont des Européens convaincus au plus profond d’eux-mêmes", explique l’eurodéputée.
Pour Astrid Lulling, le Luxembourg a besoin d’agir vite pour ce qui est de réduire sa dette. "Malgré une dette encore réduite, le modèle économique et social luxembourgeois ne peut vivre que s’il dégage des excédents", juge-t-elle, se prononçant donc en faveur de l’introduction d’une règle d’or contraignante.
Claude Turmes (Verts/ALE) exige lui aussi la convocation d’une convention pour que les institutions européennes puissent participer à l’élaboration des innovations. "La prise de décision en matière de politique économique et monétaire devrait s’orienter sur le modèle du protocole de Schengen", a expliqué l’eurodéputé au journaliste, refusant tout monopole d’initiative franco-allemand de facto dans la politique européenne. Claude Turmes plaide pour la codécision dans ces matières, afin que le Parlement européen soit pleinement impliqué.