Alors que les tractations se poursuivaient à Athènes en vue de constituer un gouvernement d’union nationale, les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis à Bruxelles le 7 novembre 2011. La situation grecque, mais aussi les tensions sur le marché obligataire italien ont occupé la part belle dans ces discussions qui ont eu lieu sous la présidence de Jean-Claude Juncker. Mais il a aussi été question de maximiser la capacité de l’EFSF, un premier document ayant été mis sur la table par le directeur de l’EFSF, Klaus Regling suite aux décisions des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro du 26 octobre 2011.
"Nous saluons l’intention de former un gouvernement d’union nationale", a indiqué Jean-Claude Juncker à l’issue de la réunion au cours de laquelle le ministre grec des Finances, Evangelios Venizelos, a informé ses pairs des discussions en cours à Athènes. En fin de soirée, le porte-parole du gouvernement sortant, Ilias Mosialos, a annoncé dans un communiqué que les discussions avaient dégagé "des approches positives pour la désignation du nouveau Premier ministre".
"L'unité aurait dû être réalisée il y a des mois", a commenté Jean-Claude Juncker qui regrette que l’opposition grecque ait bloqué les mesures d’austérité nécessaires pendant longtemps. "Il est terriblement difficile d’expliquer aux citoyens allemands, néerlandais, belges, autrichiens et luxembourgeois que nous devons faire preuve de solidarité quand il n’y a pas la volonté en Grèce même de trouver un consensus national", a-t-il confié à la presse.
On perçoit un certain soulagement quant à l’issue à la crise politique amorcée la semaine dernière avec l’annonce de la tenue d’un référendum en Grèce, idée finalement abandonnée, puis la tenue d’un vote de confiance vendredi 4 novembre qui a permis d’aboutir, le dimanche 6 novembre 2011, à un accord des deux principaux partis politiques pour former un gouvernement de transition. Ce dernier sera chargé de "mettre en œuvre" les mesures décidées le 26 octobre 2011, avant des élections anticipées qui devraient avoir lieu en février 2012, tandis que Georges Papandréou a d’ores et déjà annoncé sa démission.
Mais au-delà de ce soulagement, les ministres des Finances de la zone euro ne relâchent pas la pression sur les autorités grecques. "Nous allons demander aux autorités grecques d'envoyer une lettre signée par les deux principaux partis, afin de réaffirmer" l'engagement du pays à respecter les mesures décidées pour assainir les comptes publics du pays ainsi que le plan de sauvetage décidé le 27 octobre, a en effet déclaré Jean-Claude Juncker. Cette lettre est donc la condition posée au déblocage de la prochaine tranche de prêts de 8 milliards d'euros du premier plan d’aide à la Grèce. Ainsi que l’a rappelé Jean-Claude Juncker, l’Eurogroupe avait déjà donné son accord de principe quant au versement de cette somme. "Notre décision est toujours valide", a-t-il affirmé, précisant attendre désormais "la confirmation par écrit que le gouvernement adopte tout cet ensemble de décisions". Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques, a indiqué que ce versement pourrait intervenir "dans le courant de novembre" si cette condition est remplie. En attendant, il est selon lui "essentiel que la classe politique toute entière restaure la confiance" dans les engagements pris par la Grèce.
Dans un communiqué publié à Bruxelles, Evangelos Venizelos a confirmé que le versement des 8 milliards d'euros interviendrait "dans la mesure où et dès que le nouveau gouvernement et les forces politiques qui le soutiennent confirmeront par écrit les engagements du pays liés aux décisions" prises le 26 octobre. Une équipe d'experts de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI, la troïka, se rendra sur place "immédiatement après" la formation du gouvernement d’union nationale et ses engagements exprimés par écrit pour finaliser les détails du deuxième plan de sauvetage du pays décidé lors du sommet de la fin octobre.
Ainsi que l’indique Evangelos Venizelos dans son communiqué, l’Eurogroupe a par ailleurs décidé d’entamer tous les processus liés à la participation du secteur privé au nouveau programme d’aide à la Grèce.
En ce qui concerne l’Italie, soumise à des pressions toujours plus fortes des marchés, les ministres des Finances ont jugé "essentiel que l'Italie respecte ses engagements budgétaires et intensifie les réformes structurelles". Si Jean-Claude Juncker a salué les mesures annoncées par le gouvernement de Silvio Berlusconi dans la lettre adressée aux chefs d’Etat et de gouvernement du 26 octobre dernier, il a aussi salué, au nom de l’Eurogroupe, "la décision de la Commission européenne d'intensifier sa surveillance de l'économie italienne en coopération avec la Banque centrale européenne", ainsi que celle de l'Italie d'inviter le FMI à vérifier la mise en œuvre des mesures politiques sur une base trimestrielle.
"Le ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, nous a réassurés de l’engagement de l’Italie à mettre en œuvre les mesures annoncées dans la lettre", a rapporté Olli Rehn dont les services attendent de la part des autorités italiennes des réponses à une série de questions sur ces mesures d’ici la fin de la semaine. Une mission technique devrait arriver à Rome dans les prochains jours en vue d’intensifier cette surveillance.
Les ministres des Finances ont planché par ailleurs sur le renforcement de l’EFSF décidé par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro dans la nuit du 26 au 27 octobre 2011. Klaus Regling a ainsi mis sur la table un document présentant les principaux éléments concernant les deux options discutées pour doter l’EFSF d’un effet de levier permettant au fonds d’avoir une plus grande force de frappe sans pour autant augmenter les garanties apportées par les Etats membres de la zone euro.
La première option consiste à rehausser le crédit des émissions obligataires des Etats membres, incitant ainsi les investisseurs à acheter de la dette de pays fragiles en garantissant une partie de leurs éventuelles pertes. L'autre, appelée "approche du co-investissement", qui serait ou non combinée à la première, consisterait à créer des structures spéciales liées à l’EFSF et éventuellement adossées au FMI, pour accueillir les financements d'investisseurs européens ou des pays émergents.
"L’EFSF va maintenant consulter les acteurs du marché pour parvenir à l'arrangement le plus efficace possible", a déclaré Jean-Claude Juncker. "Nous avons l'intention de finaliser les détails opérationnels des deux options d'ici à fin novembre, sous la forme de lignes directrices qui seront approuvées par l'Eurogroupe afin que l'entrée en vigueur puisse se faire en décembre", a-t-il ajouté.
"A la suite des déclarations des dirigeants du G20 à Cannes, nous avons brièvement discuté des moyens d’augmenter les ressources du FMI pour augmenter ses capacités de prêt envers les membres de la zone euro et éventuellement la puissance de feu de l’EFSF", a rappelé Jean-Claude Juncker, précisant que "le travail est en cours sur ce sujet" et qu’il "faudra certainement encore y revenir". "Les travaux devraient être terminés d'ici au prochain G20 ministériel à la mi-février", estime-t-il.