Le 11 octobre 2011, le député Jacques-Yves Henckes (ADR) adressait au ministre des Finances une question parlementaire, dont le caractère urgent n’avait pas été reconnu, au sujet d’une restructuration de la dette grecque qui était alors en discussion et qui, selon les dires de Jean-Claude Juncker sur la chaîne de télévision autrichienne ORF2, aurait pu atteindre 50 ou 60 %.
Le député s’enquérait donc auprès de Luc Frieden de l’impact que pourrait avoir une telle restructuration sur le budget de l’Etat luxembourgeois en termes de garanties et d’engagements bilatéraux, en termes d’engagements européens, mais aussi de ses possibles répercussions sur la place financière luxembourgeoise.
Entre le moment où la question a été posée et la date de la réponse, communiquée à la Chambre le 18 novembre 2011, un accord a été trouvé le 26 octobre 2011 par les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro qui, ainsi que l’indique Luc Frieden, est venu confirmer les faits évoqués dans l’entretien. Le ministre des Finances cite ainsi les conclusions de ce sommet de la zone euro pour rappeler que "parallèlement à un programme de réforme ambitieux pour l'économie grecque, la participation du secteur privé devrait garantir la diminution du ratio de la dette grecque au PIB, l'objectif étant de parvenir à un taux de 120 % d'ici 2020". Dans ces conclusions, la Grèce, les investisseurs privés et toutes les parties concernées sont invitées "à mettre en place un échange volontaire d'obligations avec une décote nominale de 50 % sur la dette nationale grecque détenue par les investisseurs privés".
"Les États membres de la zone euro contribueront à l'ensemble des mesures relatives à la participation du secteur privé à hauteur de 30 milliards d'euros", poursuivent les conclusions du sommet du 26 octobre, précisant que "sur cette base, le secteur public est disposé à fournir un financement supplémentaire au titre du programme pour un montant allant jusqu'à 100 milliards d'euros jusqu'en 2014, y compris la recapitalisation requise des banques grecques".
Les chefs d’Etat et de gouvernement, qui demandent au FMI de continuer de contribuer au financement du nouveau programme grec, prévoient que le nouveau programme soit arrêté d'ici la fin de 2011 et que l'échange d'obligations soit mis en œuvre au début de 2012.
"L'aide accordée à la Grèce s'élève à environ 100 milliards jusqu'en 2014 et est constituée d'une contribution par les Etats membres par les prêts bilatéraux (ce qui est actuellement le cas pour le 1er Programme), d'une contribution par la Facilité européenne de stabilité financière (EFSF) (ce qui sera le cas pour le 2e Programme) et également par une contribution du FMI", explique Luc Frieden dans sa réponse avant de préciser que "c'est le secteur privé qui est visé par les décisions prises le 26 octobre 2011".
"Ces décisions n'ont en effet pas d'impact sur les prêts bilatéraux que le Luxembourg a accordés à la République hellénique étant donné que la décote visée par l'extrait reproduit ci-dessus s'applique uniquement à la dette détenue par les investisseurs privés", affirme le ministre des Finances, ajoutant que "l'application de la décote susmentionnée n'a pas d'implications directes pour le budget de l'Etat".
Luc Frieden précise aussi que cette décote "n'a pas d'implication pour les engagements implicites de l'Etat luxembourgeois vis-à-vis de l’EFSF étant donné que l’EFSF n'a pas encore accordé de prêts à la République hellénique". "C'est toutefois par une garantie via l’EFSF que les Etats membres de la zone euro contribueront à l'effort du secteur privé et ceci à hauteur de 30 milliards d'euros", reconnaît le ministre des Finances. Mais, ajoute-t-il, "cette garantie via l’EFSF n'aura pas d'impact budgétaire direct".
Luc Frieden explique aussi que l'Etat luxembourgeois ne dispose pas d'informations chiffrées concernant l'impact de l'application de cette décote sur les titres grecs détenus dans le portefeuille de la BCE dans la mesure où, indique-t-il, "la BCE n'a pas de comptes à rendre aux gouvernements de la zone euro sur la conduite indépendante de la politique monétaire".
Par ailleurs, rappelle le ministre, l'Etat luxembourgeois, en tant qu'Etat membre du FMI, participe indirectement aux prêts accordés à la République hellénique par le FMI. Mais, précise-t-il, le financement par le FMI d'une assistance financière à un pays n'a pas d'implications budgétaires directes pour les Etats membres du FMI, le FMI étant une "quota-based international financial institution". Luc Frieden ajoute encore qu’en cas d'augmentation de capital du FMI, l'Etat luxembourgeois y contribue conformément à sa quote-part dans le capital du FMI., mais il relève aussi que les prêts accordés par le FMI bénéficient du statut de créancier privilégié (preferred creditor status) et qu’ils ne sont pas affectés par l'application d'une décote sur les engagements détenus par des créanciers privés.
"Une restructuration de la dette publique grecque ne pose pas de risques pour la stabilité financière de la place financière de Luxembourg", affirme encore Luc Frieden qui explique que les expositions des banques, fonds d'investissement et entreprises d'assurance luxembourgeoises à la dette souveraine grecque sont relativement modérées et que les pertes éventuelles pourront être absorbées par les institutions financières luxembourgeoises sans pour autant affecter leur solvabilité.