Alors que le Conseil ECOFIN donnait le 24 janvier 2012 son feu vert à d'éventuelles sanctions financières contre la Hongrie pour cause de déficit excessif, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a rencontré le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso pour parler des "lois cardinales" controversées contre lesquelles la Commission européenne a lancé le 17 janvier 2012 une procédure d’infraction. La Commission s’était basée sur une évaluation de ces lois qui les avait jugées contraires au droit de l'Union, dans la mesure où elles remettent en cause l'indépendance de la banque centrale, des instances nationales de protection des données et du système judiciaire. Budapest a un mois pour modifier ces textes sous peine de se voir poursuivi devant la CJUE.
Au Conseil ECOFIN, il a été question de "de réelles tensions politiques" entre la Hongrie et ses partenaires, selon une source diplomatique européenne. "Le déficit est une chose mais il y a aussi plus globalement des préoccupations sur la direction prise politiquement par la Hongrie", a souligné cette même source. Plus fondamentalement, le Premier ministre Viktor Orban est accusé de dérives autoritaires par ses opposants.
C’est dans un tel contexte que Viktor Orban a rencontré le 24 janvier 2012 le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, puis le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. A l’issue de la réunion, le président de la Commission européenne a déclaré que la Commission "veillera à ce que la Hongrie respecte, comme tout autre Etat membre, la lettre et l’esprit du droit de l’Union". La Commission continuera donc d’insister à ce le gouvernement hongrois livre une déclaration officielle et écrite sur ses intentions. Car, pense José Manuel Barroso, "cet entretien ne pourra pas remplacer le processus formel d’une procédure en infraction". C’est au bout de ce processus formel prévu par les traités que des décisions seront prises.
Avant cette réunion, Viktor Orban avait dit qu’il était prêt à assouplir sa position tout en cherchant à ramener les contentieux à des points juridiques pour échapper aux critiques sur les atteintes à la démocratie dans son pays. Son ministre de l'administration publique et de la justice, Tibor Navracsics, avait minimisé l'importance de ces rencontres lors d'une interview qu’il avait donnée quelques heures auparavant à la radio hongroise MR1, jugeant que l'enjeu n'était pas « énorme". "Je ne pense pas que nous devrions faire des concessions", avait-il ajouté.
Sur ce point, le nouveau président du Parlement européen, le socialiste allemand Martin Schulz, a accusé Viktor Orban, de jouer un double jeu à l'égard de l'Union européenne. Le Premier ministre hongrois "se montre efficace en utilisant la rhétorique européenne à Bruxelles puis en blâmant cette même rhétorique quand il se trouve à Budapest", a estimé Martin Schulz, mais il doit "prendre en considération le fait que les leaders européens ne sont pas idiots".
Viktor Orban, qui a aussi rencontré le président du Parlement européen, n’a pas accepté que Martin Schulz lui reproche de mener une "politique de la confrontation". Pour lui, son gouvernement "essaie d’unifier le peuple derrière un programme économique et social et non de le diviser". Et il a ajouté : "Je suis sûr que M. Schulz sera de mon avis après au mo ins plusieurs douzaines d’entretiens."
Pour marquer le point lors de la visite de Viktor Orban, la commissaire européenne chargée des nouvelles technologies, Neelie Kroes, a apporté son soutien au président de la radio hongroise d'opposition Klubradio, promettant de continuer à exhorter le gouvernement hongrois à agir de manière démocratique.
"Je viens juste de rencontrer le président de Klubradio, un radio hongroise qui diffuse de nombreux commentaires politiques souvent critiques et qui a perdu huit fréquences rien qu'en 2011", écrit dans un communiqué Neelie Kroes, sans préciser où et quand cette rencontre avait eu lieu. "Ces faits m'inquiètent quant au pluralisme et à la liberté des médias en Hongrie", ajoute-t-elle, insistant sur le fait qu'il ne s'agit "pas seulement de l'application techniquement correcte de la législation européenne et nationale mais aussi et surtout de mettre en pratique et de promouvoir dans les faits ces principes fondamentaux".
Neelie Kroes rappelle que le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a promis la semaine dernière de continuer à "exhorter le gouvernement hongrois à agir de manière responsable et démocratique, dans l'intérêt de tous les citoyens hongrois"."Je ferai en sorte que la Commission tienne cette promesse", conclut-elle.
Neelie Kroes avait déjà écrit le 18 janvier 2012 au gouvernement hongrois pour lui faire part de sa "préoccupation" concernant la situation des médias. La fréquence de Klubradio, seule radio d'opposition en Hongrie, a été retirée par le puissant Conseil des médias hongrois à compter de mars 2012. Les services de Neelie Kroes ont indiqué qu'ils cherchaient à savoir si cela constituait une infraction à la législation européenne, en particulier la directive autorisation, datant de 2002 et qui couvre les autorisations des réseaux et services de communications électroniques.
Juridiquement, si la Commission ne peut se prononcer sur le nombre de licences accordées, la directive "autorisation" (2002/20/CE) modifiée en 2009 (2009/140/CE) prévoit qu’un gouvernement est libre d’établir des conditions d’intérêt général lorsqu’il octroie des licences si "ces droits d’utilisation sont octroyés par le biais de procédures ouvertes, transparentes et non discriminatoires". Mais la Commission ne dispose pas de preuves tangibles en ce qui concerne le respect de ces conditions. Elle continue donc de surveiller le processus en concentrant aussi son examen sur le droit de recours contre les décisions d’attribution des licences radio, conformément à la directive.
Concernant le respect pluralisme des médias, un problème rattaché à la question de l’attribution des fréquences, la Commission a exhorté les autorités hongroises à respecter le jugement de la Cour constitutionnelle hongroise du 19 décembre 2011 sur la loi des médias. Adoptée le 1er janvier 2011, celle-ci a été amendée en mars 2011, à la demande de la Commission suite à un compromis trouvé en février 2011. Dans son jugement, la Cour estime notamment que ladite loi a limité de manière inconstitutionnelle la liberté de la presse écrite. Le Parlement hongrois a jusqu’au 31 mai 2012 pour changer les différents aspects de la législation.