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Agriculture, Viticulture et Développement rural
Conseil Agriculture - Romain Schneider affiche une position critique à l’égard des plans de réforme de la réforme de l’organisation commune des marchés (OCM)
23-01-2012


Conseil "Agriculture", le 23 janvier 2012 à Bruxelles source: ConsiliumLors du Conseil "Agriculture" du 23 janvier 2012, les ministres européens de l’Agriculture ont tenu un large débat d’orientation sur les propositions de réforme relatives à l’organisation commune des marchés. L’objet de la discussion était la proposition de règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement "OCM unique") dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). 

Le contexte

En 2008, le règlement "OCM unique" a remplacé les 21 OCM alors en place, qui concernaient différents produits agricoles. Ce fut une étape décisive dans le processus de rationalisation et de simplification de la PAC, qui a permis de regrouper l'ensemble des mesures de marché dans un seul texte.

La proposition relative à une nouvelle OCM unique entre dans le cadre du train de mesures visant à réformer la PAC, présenté par la Commission lors de la session du Conseil "Agriculture", en octobre 2011. À cette occasion, le Conseil a tenu un premier débat public sur la totalité de ce train de mesures.

Avec les propositions relatives aux paiements directs, au développement rural et au financement de la PAC, la proposition de règlement "OCM unique" est l'une des quatre principales propositions devant être adoptées par le Conseil et le Parlement européen (selon la procédure législative ordinaire).

Au Conseil, le débat s'est articulé autour de deux questions, la première portant sur les mesures exceptionnelles à prendre en cas de perturbations des marchés, la deuxième sur les mesures proposées en vue de rendre la chaîne d'approvisionnement alimentaire plus compétitive et plus performante, en particulier via le renforcement des organisations de producteurs.

Les mesures exceptionnelles proposées apportent-elles une réponse aux situations de perturbation et de crise des marchés et, si oui, dans quelle mesure?

En ce qui concerne les mesures devant permettre de réagir rapidement en cas de crise agricole, la plupart des États membres ont estimé que la proposition allait dans la bonne direction. Si certaines délégations ont salué la création d'un fonds de crise spécifique en cas de graves perturbations affectant toutes les productions agricoles, d'autres délégations ont souligné la nécessité de limiter l'utilisation de ce fonds à des circonstances exceptionnelles à définir précisément. De plus, certains États membres se sont interrogés sur le financement de ce fonds de crise.

Dans son intervention, le ministre luxembourgeois de l’Agriculture, Romain Schneider, a rappelé que le Luxembourg avait salué dès octobre 2011, lors d’un premier débat, "le maintien des principales mesures de gestion des marchés, dont l’intervention et le stockage privé comme filet de sécurité". Pour lui, "les récents événements sur les marchés ont démontré que nous avons besoin de mécanismes réactifs et efficaces afin de pouvoir réagir en cas de crise comme ce fut le cas l’année dernière avec la problématique de l’EHEC." Il a donc remercié la Commission d’avoir proposé un élargissement du dispositif relatif aux mesures exceptionnelles et il a salué le fait que les mesures liées à une perte de confiance des consommateurs, en raison de risques pour la santé publique ou végétale, s'appliqueront à l’avenir à tous les produits agricoles. Le ministre s’est dit confiant dans le fait "que la Commission fera un usage approprié de ces outils afin d’endiguer efficacement les difficultés éventuelles sur les marchés et leurs conséquences sur les revenus des producteurs." Mais il a ensuite plaidé pour plus de clarifications dans le projet de règlement. Il appelle aussi de ses vœux "un catalogue de mesures précises à prendre dans l’acte de base afin de disposer d’un cadre plus transparent". Romain Schneider voudrait également que les différentes mesures de gestion de crise soient regroupées selon le type de risque couvert, cela au nom de plus de cohérence. Finalement, la liste harmonisée pour les différentes mesures à adopter en cas de crise devrait être établie "avec l’implication forte des Etats membres".

Que pensez-vous des mesures proposées visant à rendre la chaîne d'approvisionnement alimentaire plus compétitive et plus performante ?

En ce qui concerne le renforcement des organisations de producteurs et le rôle à confier aux organisations interprofessionnelles, de nombreux pays se sont déclarés en faveur des propositions de la Commission, estimant que cela devrait contribuer à mieux contrebalancer le pouvoir de négociation des producteurs dans la chaîne alimentaire. Certains États membres ont insisté sur le fait que cela ne devait pas fausser le jeu de la concurrence. Toutefois, un certain nombre de délégations ont souligné que les nouvelles règles concernant les organisations de producteurs devraient être facultatives, afin de pouvoir s'adapter aux différentes situations nationales. Cela a été le cas du Luxembourg.

Romain Schneider a expliqué au Conseil et à la Commission que "le regroupement des producteurs agricoles dans le cadre de coopératives est une longue tradition au Grand-Duché", de sorte que le pays "n’est pas demandeur d’une extension obligatoire du principe d’organisation de producteurs et d’organisations interprofessionnelles à tous les producteurs de tous les secteurs". Mais il est ouvert à ce que cette voie soit explorée à l’avenir. Il a aussi indiqué qu’actuellement "rien n’indique que ces structures vont améliorer les positions de négociation des producteurs". "C’est pourquoi", a expliqué Romain Schneider, "nous ne pouvons pas être favorables à ce stade à l’obligation pour les Etats membres de mettre en œuvre ces systèmes au niveau national".

Cette position de Romain Schneider s’explique par le fait que les producteurs luxembourgeois sont souvent eux-mêmes leurs premiers acheteurs et transformateurs de produits alimentaires, par exemple dans le secteur du lait. Des structures qui marchent et servent les producteurs ne devraient pas être empêchées de fonctionner. D’autre part, le modèle des organisations de producteurs proposé par la Commission est fortement inspiré par le système français. Or, certains spécialistes du secteur agricole font mention du fait que le regroupement des producteurs ne sert pas forcément ces derniers face à des acheteurs très puissants, et peut les desservir même, parce que ces derniers peuvent exercer une pression sur les prix plus concentrée.

Par ailleurs, Romain Schneider a soutenu que "le principe de l’extension des règles et décisions internes d’une organisation de producteurs représentative à tous les agriculteurs d’une région n’est pas opportun et non souhaitable pour le Luxembourg". Et il a ajouté que "le concept de dominance d’une association de producteurs soulève également bon nombre de questions, notamment dans le contexte de régions économiques transfrontalières".

Pour comprendre cette position, l’exemple du chou-fleur de Bretagne est utile : une organisation de commercialisation regroupe 80 % de la production de ce légume dans cette région de France, de sorte qu’elle est reconnue comme dominante. Les autres producteurs, qui ne sont pas membres de cette organisation, doivent néanmoins respecter les normes de celle-ci selon le principe de l’extension des règles et décisions internes. La proposition de la Commission veut étendre ce qui existe dans le domaine des fruits et légumes à tous les marchés, si une organisation regroupe 50 % des producteurs et 75 % de la production. Mais qu’en est-il, veut ici savoir le Luxembourg, en cas de régions économiques transfrontalières, comme la Grande Région ? Comment se définit ici le marché ? Quels produits pourraient être concernés ? Qui imposerait les normes ? 

Finalement, Romain Schneider est très critique par rapport à ce qu’il nomme "un appel plus général aux actes délégués proposé par la Commission dans le cadre de l’OCM unique". Il ne croit pas que cela soit favorable à une meilleure compétitivité et performance de la chaîne de production alimentaire, mais croit plutôt que la mise en œuvre de l’OCM deviendra "moins transparente pour les acteurs professionnels à travers le recours aux actes délégués" et que cela "sera plutôt un frein au bon fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement." Il craint aussi que certaines spécificités ne soient plus prises en compte et que les Etats membres soient moins impliqués dans les processus décisionnels. Sa recommandation : "Les règles et dispositions pour tous les éléments essentiels doivent figurer dans l’acte de base, ce qui permettra une application plus efficace à moyen terme aux acteurs du marché."

De quoi s’agit-il ? Le traité de Lisbonne a créé une distinction entre les actes législatifs, comme ici la proposition de règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement "OCM unique"), et les activités non législatives. L'article 290 TFUE autorise le Parlement et le Conseil à déléguer à la Commission le pouvoir d'adopter des actes non législatifs de portée générale qui complètent ou modifient certains éléments non essentiels de l'acte législatif. Les actes non législatifs ainsi adoptés par la Commission sont appelés "actes délégués".  Seules les parties non essentielles d'un acte législatif peuvent être complétées ou modifiées par la Commission. Les parties essentielles ne peuvent être déléguées. C’est pourquoi le ministre Romain Schneider a insisté sur le fait que les règles, les dispositions et les mesures pour tous les éléments essentiels figurent dans le texte de base, afin de donner aux acteurs des marchés les moyens d’une planification efficace à moyen terme, et ce pour que les spécificités d’un pays, d’une région, d’une filière alimentaire soient mieux prises en compte

Droits de plantation

Finalement, le ministre a indiqué que la question du maintien des droits de plantation dans le secteur viticole pourrait être examinée utilement dans le cadre du groupe à haut niveau "vin" que la Commission entend mettre en place prochainement.