Le 22 février 2012, le commissaire en charge du Commerce extérieur, Karel de Gucht, a annoncé à l’issue de la réunion hebdomadaire des membres du collège de la Commission européenne que cette dernière allait saisir la Cour de Justice au sujet de l’accord ACTA sur la contrefaçon, un accord international controversé qui a été signé le 26 janvier dernier par l’UE et une vingtaine de ses Etats membres.
"Nous avons l'intention de demander à la plus haute Cour en Europe si Acta est, d'une manière ou d'une autre, incompatible avec les droits fondamentaux et les libertés fondamentales de l'Union européenne, comme la liberté d'expression, d'information ou la protection des données, et le droit de la propriété, intellectuelle dans ce cas", a déclaré Karel de Gucht à la presse.
"Je crois que la Commission européenne a la responsabilité de livrer aux parlementaires et au grand public les informations les plus détaillées et les plus précises", a expliqué Karel de Gucht pour justifier la décision de laisser à la CJUE le soin de "clarifier en toute indépendance la légalité de cet accord".
Comme l’a rappelé le commissaire, la procédure en est déjà au stade de la ratification de l’accord par les gouvernements nationaux, le Conseil ayant adopté ACTA à l’unanimité en décembre 2011 et ayant autorisé les Etats membres à le signer. Le Parlement européen doit encore débattre du sujet, le début des discussions étant prévu dans les prochains jours.
Conscient du débat soulevé en Europe par cet accord ces dernières semaines, Karel de Gucht a dit partager les préoccupations exprimées au sujet des libertés fondamentales, et il juge donc "nécessaire" de mettre ACTA devant la CJUE. "Ce débat doit être basé sur des faits et non sur la désinformation ou les rumeurs qui ont dominé les sites de médias sociaux et les blogs ces dernières semaines", a-t-il expliqué.
Mais le commissaire rappelle aussi qu’ACTA a pour objectif d’élever les standards de respect des droits de la propriété intellectuelle dans le monde, des standards qui sont déjà entérinés dans le droit européen. "Ce qui nous importe c’est que d'autres pays les adoptent pour que les entreprises européennes puissent se défendre contre les vols criants de leurs produits et œuvres quand elles font des affaires dans le monde", a expliqué Karel de Gucht.
Pour le commissaire, "ACTA ne va rien changer dans l’UE, mais aura de l’importance pour l’UE" dans la mesure où "la propriété intellectuelle est la principale matière première de l’Europe" et qu’il s’agit de la protéger. ACTA "va nous aider à protéger des emplois qui sont actuellement perdus parce que des produits contrefaits ou piratés inondent les marchés du monde à hauteur de 200 milliards d’euros", affirme le commissaire.
Karel de Gucht assure donc qu’ACTA "ne changera rien à la manière dont nous utilisons les sites Internet aujourd’hui", puisqu’il n’introduit aucune nouvelle règle mais a pour vocation d’aider à appliquer les règles qui existent déjà. "ACTA ne va pas censurer des sites Internet ou les fermer, ACTA ne va pas entraver la liberté d’Internet ou la liberté de parler", défend encore le commissaire.
Il appelle donc à "trancher dans ce brouillard d’incertitude" en soumettant "ACTA à la lumière de notre plus haute autorité judiciaire indépendante, la Cour de Justice". Son objectif est de pouvoir avoir "une discussion calme, argumentée, ouverte et démocratique sur ACTA, tant au niveau national qu’européen".