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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
L’évolution des salaires luxembourgeois dans un contexte européen, l’unité du gouvernement et la crise grecque au menu d’une conférence de presse de Jean-Claude Juncker
17-02-2012


Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a donné le 17 février 2012 une conférence de presse à l’issue du Conseil de gouvernement au cours de laquelle il a abordé divers sujets liés à l’UE.

Jean-Claude Juncker répondant aux questions de la presse lors du briefing du 17 février 2012Au début de la conférence de presse, le Premier ministre a fait distribuer un verbatim d’un discours du ministre des Finances, Luc Frieden, que ce dernier avait prononcé le 4 février 2012 à la Journée des Ingénieurs, un discours qui avait suscité de nombreuses controverses, notamment au sujet du salaire minimum. Le ministre avait constaté que le salaire minimum est "beaucoup plus élevé que dans les pays avoisinants" et qu’il fallait tenir compte du fait que "nous sommes dans une situation de concurrence". Et il avait ajouté : "Et c’est aussi dans ce contexte-là que tous les débats sur les salaires minima en Europe doivent être menés." Il avait dit que ces salaires sont nécessaires pour vivre et qu’il fallait également réfléchir s’ils permettent de créer des emplois pour des jeunes non qualifiés et s’ils sont appropriés pour attirer de nouvelles industries au Luxembourg.

Le Premier ministre prône la "modération salariale" pour le Luxembourg, mais défend le salaire minimum

Jean-Claude Juncker a voulu avec ce geste contrer l’impression qu’il y avait des différences fondamentales au sein du gouvernement au sujet du salarie minimum. La position unanime de tous les membres du gouvernement, a-t-il rappelé, est la décision prise en octobre 2011 d’augmenter le salaire minimum et la décision du 16 décembre 2011 sur l’indexation des salaires. Le Premier ministre s’est opposé à ce que l’on établisse un lien entre la désindustrialisation et le salaire minimum et entre une nouvelle industrialisation et une baisse de ce salaire minimum. Pour lui, "une telle baisse ne serait pas une bonne idée". 

Reste que le salaire minimum luxembourgeois est le plus élevé de la zone euro. Le ministre Frieden avait admis qu’au Luxembourg, pays au coût de vie "assez élevé",  il est difficile de vivre avec le salaire minimum "que nous avons". Et Jean-Claude Juncker a déclaré de son côté qu’il était difficile de vivre, de travailler et de couvrir ses frais même avec le salaire minimum le plus élevé de la zone euro. Pour le Premier ministre, l’évolution des salaires sur le long terme est en général préoccupante au Luxembourg et la plus intense dans la zone euro. Il doute que le pays puisse évoluer encore longtemps sur cette trajectoire, alors que les autres pays de la zone euro ont pris le chemin de la "modération salariale". Il reste opposé au "dumping salarial" et est d’avis que "tout ici est question de mesure". Car les salaires ne sont qu’un facteur de compétitivité pour lui. Il y a aussi l’efficience du système d’éducation, les avantages du site Luxembourg, des infrastructures performantes, une politique culturelle de son temps, des éléments qui ont un effet sur l’attractivité du pays.

Dans ce contexte, Jean-Claude Juncker a contesté l’objection d’une journaliste qui invoquait que le Luxembourg était dans le cadre de la procédure sur les déficits macroéconomiques dans le rouge à cause de la forte hausse du coût salarial unitaire nominal (+17,8 %, alors que le seuil maximal pour la zone euro est de + 9 %), ce qui traduit une perte de compétitivité liée à de fortes hausses de salaires et une faible croissance de la productivité. Le Premier ministre a dit qu’il n’était pas juste d’isoler un seul facteur et que le Luxembourg ne faisait pas partie des pays pour lesquels la Commission revendiquait des réformes fondamentales, mais que la modération salariale restait une option du gouvernement.

Grèce : "Ne pas ajouter des conditions aux conditions"

En ce qui concerne l’aide à la Grèce, Jean-Claude Juncker a déclaré en sa qualité de président de l’Eurogroupe que l’on était encore loin d’atteindre l’objectif d’arriver une réduction de la dette grecque à 120 % du PIB en 2020, et ce malgré les aides prévues à la Grèce de l’ordre de 130 milliards, l’implication du secteur privé et les efforts du gouvernement grec. Jean-Claude Juncker a ajouté que tous les efforts étaient en cours pour arriver à une solution à la réunion de l’Eurogroupe du 20 février 2012. "Je suis persuadé que la nécessité est grande de trouver un accord d'ensemble au moins sur l’implication du secteur privé, lors de [cette] réunion", a-t-il fait savoir, ajoutant qu'il serait "sage, judicieux et recommandable qu'on se mette également d'accord (…) sur le contour du deuxième programme".

Quant au gouvernement luxembourgeois, a-t-il insisté, sa position comme celle donc de son ministre des Finances est qu’il ne veut pas que la Grèce se retire de la zone euro, mais qu’au contraire, la Grèce reste dans la zone euro.

Quand aux conditions imposées à la Grèce, Jean-Claude Juncker s’est dit satisfait des réformes structurelles annoncées par le gouvernement grec dont il s'agira de vérifier à la fin du mois de février 2012 la véritable mise en œuvre,  mais aussi de "la signature des deux présidents des deux partis de la coalition, montrant l'intention des partis concernés de poursuivre au-delà de l'échéance électorale d'avril 2012, la mise en application des décisions qui ont été votées par le Parlement hellénique."

Le Premier ministre considère qu'il ne faut toutefois "pas ajouter des conditions aux conditions". Il s'en explique : "A chaque fois que le gouvernement grec a rempli des conditions, il y a des excités qui demandent d'autres conditions. Je ne marche pas à cette mélodie. Enfin, le gouvernement grec est conscient du fait qu'évidemment, il doit produire des résultats que nous attendons de ses différentes initiatives politiques, sur lesquelles le parlement grec est d'accord, y compris les partis qui l'appuient au parlement."

De même Jean-Claude Juncker n'a pas l'intention de demander des lettres d'engagements d'autres partis grecs que les deux grands partis, le PASOK socialiste et la Nea Demokratia conservatrice, qui forment la coalition. "Je sais que certains collègues demandent que tous les partis grecs nous fassent connaître par écrit leur intention de mettre en application les décisions prises. Je ne me range pas dans ce cortège d'exigences."

Ne pas favoriser l'extrême-droite

"Je ne vais tout de même pas, après avoir négocié avec le PASOK et le parti conservateur, négocier avec l'extrême gauche et l'extrême droite. Je sais  bien qu'au sein de l'Union européenne, il y a des gouvernements qui ne se gênent aucunement de flirter avec l'extrême-droite mais moi je ne le fais pas. Je ne vais tout de même pas donner à l'extrême droite la possibilité de s'opposer par écrit aux décisions qui ont été prises par le gouvernement hellénique, de montrer aux Grecs en interne, qu'ils représentent la partie qui dit non à l'Europe, pour voir, après le suffrage universel qui s'exprimera en avril, leur nombre de voix augmenter."

"Nous sommes ne train de scinder en deux nos sociétés modernes"

Jean-Claude Juncker s'en est pris également aux écarts qui se creusent au sein des sociétés européennes. Considérant l'information récente selon laquelle les grands chefs des entreprises répertoriées au DAX allemand, ont vu leur rémunération augmenter de 30 %, le Premier ministre déplore que  "personne ne crie au scandale alors que la source du sentiment d'injustice sociale réside là.

Il y a "ceux qui ont sont en train d'avoir chaque jour plus" et "ceux qui doivent vivre dans des conditions matérielles dont les autres n'ont aucune idée, ceux qui voient leur revenu disponible diminuer". Il a poursuivi : "Le scandale est là. Nous sommes en train de scinder en deux nos sociétés modernes : une minorité, mais une absolue minorité, qui nage dans le fric et la majorité qui doit changer de mode de vie, vu que la crise impose ses terribles lois."

"Les riches en Grèce ne sont pas mis à contribution dans la mesure où il le faudrait "

Jean-Claude Juncker se montre de ce fait déçu du comportement des personnes fortunées. "Moi je n'ai jamais compris pourquoi ceux qui gagnent beaucoup, en fait trop, ne sont pas disponibles pour renoncer à une partie de leur salaire, ce qui ne changera aucunement le niveau de vie des autres, mais ce qui tout de même, ne prête pas au scandale, la même remarque s'appliquant à la Grèce. Je ne veux pas intervenir, puisque d'autres le font, dans la politique intérieure grecque. Je pense tout de même que les riches en Grèce ne sont pas mis à contribution comme il le faudrait."

La hausse des salaires ne suffit pas nécessairement à relancer la consommation

Interrogé sur l'analyse de Heiner Flassbeck, ancien secrétaire d'Etat d'Oskar Lafontaine quand lui-même était ministre des Finances, qui a avancé lors d’une conférence à Luxembourg le 9 février 2012 que la crise de la zone euro est non pas celle de la dette, mais celle des divergences de comportements des Etats membres vis-à-vis de l'objectif de l'inflation annuelle de 2 % fixée par la BCE, Jean-Claude Juncker s’est montré perplexe. D’un côté, il s’est dit peu attiré par la politique salariale allemande et une politique économique prioritairement orientée vers l'exportation. Mais "malgré cela, c'est un fait que l'inflation est  le plus grand danger pour les gens qui ont des revenus faibles ». D’autre part, une hausse acceptée de l'inflation ne serait pas forcément suivie d'une hausse similaire du développement salarial. Il a cité le cas du Luxembourg pour étayer son propos : "Si nous avions 4,5, voire 5 % d'inflation par an, et si nous appliquions la loi sur l'indexation, deux tranches indiciaires tomberaient et nous pourrions perdre autour de 10 000 emplois.". Ainsi, "il faut considérer la situation différemment pays par pays, parce que notre productivité ne progresse pas dans la même mesure que l'indexation des salaires en raison d'une forte inflation Tout ce que dit M. Flassbeck n'est pas faux, vraiment pas. Et beaucoup également n'est pas juste."