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Éducation, formation et jeunesse - Marché intérieur
Dans deux avis politiques adoptés à main levée dans le cadre du contrôle de subsidiarité, les parlementaires luxembourgeois rappellent que l’UE ne dispose pas de compétences législatives en matière d’enseignement
06-03-2012


Le 6 mars 2012, les députés réunis en plénière ont adopté deux résolutions portant sur des propositions législatives faites par la Commission européenne en matière d’éducation et de formation.

Erasmus pour tous : les députés s’inquiètent de la visibilité accordée aux mesures destinées à la Jeunesse dans le cadre du futur programme, tout en s’interrogeant sur "l'opportunité de procéder par voie de règlement dans un domaine, en l'occurrence celui de l'enseignement, où l'Union européenne ne possède pas de compétences législatives"

Ben Fayot a ainsi déposé une première résolution portant sur la proposition de règlement établissant le futur programme de l’UE pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport qui va s’appeler "Erasmus pour tous". Cette résolution, adoptée à main levée, fait suite à un avis politique adopté par la commission de l'Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports et celle de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, des Media, des Communications et de l'Espace lors de leurs réunions respectives des 2 et 6 février 2012. Un avis politique prononcé dans le cadre de la procédure de contrôle de subsidiarité.Erasmus pour tous, le nouveau programme sur l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport proposé par la Commission européenne pour la période 2014-2020

Les députés reconnaissent "le caractère utile et bénéfique" des programmes et instruments qui vont être réunis dans le cadre du programme "Erasmus pour tous" dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel. Ils n’entendent par ailleurs pas "remettre en cause l'objectif de la Commission européenne consistant à créer une structure rationalisée et simplifiée qui est susceptible de renforcer l'efficacité de gestion et l'impact des actions cofinancées", les députés ne pouvant "qu'approuver la volonté de réduire les chevauchements d'activités et la fragmentation". Ils se félicitent par ailleurs de l’intégration d’un volet consacré aux sports dans ce programme.

Mais la Chambre des députés se demande cependant "si le regroupement des deux programmes `Education et formation tout au long de la vie´ et `Jeunesse en action´ en une structure unique ne risque pas d'engendrer un amalgame d'initiatives et d'activités concernant des domaines de prime abord distincts, si bien que les différents publics cibles pourraient ne plus s'y retrouver". "Ce sont surtout les actions relatives au domaine de la jeunesse qui sont susceptibles d'être réduites aux seuls domaines avoisinant l'éducation, alors que le programme actuel `Jeunesse en action´ comporte des objectifs plus vastes, dépassant le domaine de l'éducation formelle", s'inquiètent en effet les parlementaires. A leurs yeux, il ne faut pas perdre de vue que la politique de la jeunesse se trouve à l'intersection de plusieurs autres domaines politiques, et que les objectifs d'une politique de la jeunesse sont autres que ceux d'une politique de l'éducation.

Les députés jugent "primordial que le nouveau programme soit cohérent avec les stratégies politiques existantes et qu'il ne réduise pas les jeunes à leur rôle d'apprenants, en omettant notamment les aspects liés à la citoyenneté active des jeunes, qui n'est pas seulement un apprentissage, mais surtout une pratique politique, inhérente à la politique de la jeunesse". Ils appellent donc à "distinguer clairement, à l'intérieur de ce programme unique, les domaines respectifs de l'éducation et de la jeunesse, afin de conserver également la visibilité de ce dernier aspect". Des arguments qui font en partie écho aux critiques et recommandations formulées fin janvier 2012 par le Conseil supérieur de la Jeunesse.

La Chambre des députés s’intéresse aussi au choix de l’instrument juridique proposé, en l’occurrence un règlement. Les députés relèvent en effet que les mesures relatives aux programmes en matière d’éducation, de formation et de jeunesse ont jusqu’ici été prises dans le cadre de "décisions". Et ils s’interrogent sur "l'opportunité de procéder par voie de règlement dans un domaine, en l'occurrence celui de l'enseignement, où l'Union européenne ne possède pas de compétences législatives". L'article 165, paragraphe 4, du TFUE, dont relève ce domaine d’action, dispose en effet que pour la réalisation des objectifs faisant l'objet de cet article, "le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, adoptent des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres".

Proposition visant à modifier la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles : la Chambre "met en garde les instances européennes contre la tentation de s'immiscer dans les compétences nationales en matière d'éducation et de formation professionnelle par le biais de la reconnaissance des qualifications professionnelles"

La seconde résolution adoptée, toujours à main levée, par les députés, a elle aussi été déposée par Ben Fayot, et relève de la même procédure de contrôle de subsidiarité. Elle fait suite à l’avis politique adopté par la commission de l'Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports et celle de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, des Media, des Communications et de l'Espace au sujet de la proposition, mise sur la table par la Commission européenne en décembre 2011 en vue de modifier la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur.

Dans cet avis politique, les députés commencent par rappeler que la Chambre a adopté, le 15 septembre 2011, par le biais d'une résolution, un avis politique au sujet du Livre vert "Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles". "Bon nombre des éléments évoqués dans cet avis politique n'ont pas trouvé de véritable répercussion dans la proposition de directive précitée", constatent-ils.

Les députés rappellent que, de leur point de vue, l'introduction préconisée par la Commission d'une carte professionnelle ne peut être utile qu'à condition qu'elle rende la procédure de reconnaissance plus simple ou qu'elle apporte plus d'informations utiles aux services pour prendre leurs décisions en la matière. Mais, mettent-ils en garde, la mise en place d'un nouvel instrument risque d'entraîner de nouvelles charges bureaucratiques pour les Etats membres.

Si une telle carte professionnelle devait être introduite, elle devrait dans tous les cas être limitée à des professions clairement circonscrites, préconisent les députés luxembourgeois qui jugent par ailleurs que la durée de validité maximale de deux ans prévue de ladite carte constitue un maximum absolu qui ne doit en aucun cas être dépassé.

Les députés rappellent en outre avoir pris position contre l'introduction du principe de l'accès partiel dans la directive. "Il n'est guère souhaitable que des jugements de la Cour de justice européenne déterminent en fin de compte l'orientation de la formation professionnelle", estiment-ils. Dans ce contexte, la Chambre "attire l'attention sur le fait que des jugements de la Cour de justice européenne ont donné aux Etats membres la possibilité d'accorder un accès partiel, sans que la Cour y ait vu une nécessité". Dans le cadre de la proposition de directive en question, "l'on bascule d'une possibilité vers une nécessité", dénoncent les députés qui ne sont "pas favorables à cette démarche". Selon eux, le principe des mesures compensatoires (stage d'adaptation ou épreuve d'aptitude) offre suffisamment de flexibilité dans le cas où une formation présente des différences substantielles. Ils sont d'avis qu'une trop grande segmentation ou spécialisation des qualifications professionnelles peut nuire à la mobilité sur le marché du travail et rendre excessivement compliquée la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Si le principe de l'accès partiel devait néanmoins inscrit dans le texte de la directive, les députés insistent pour que les conditions suivantes soient respectées :

  • L'accès partiel ne devrait aucunement être accordé dans le cas où la formation visée n'est pas réalisée comme le laisse entendre le libellé de l'article.
  • Il serait indispensable de limiter l'application de ce principe à une liste précise de professions.

Les députés insistent par ailleurs sur l'importance de la question des connaissances linguistiques, qui est particulièrement sensible dans le domaine des professions de santé. "Comme le Luxembourg est un pays où trois langues (luxembourgeois, français, allemand), voire plus, sont parlées couramment et concomitamment, il importe que les professionnels en contact direct avec les patients soient à même de communiquer avec ceux-ci dans une langue qui leur est familière et qui peut être l'une des trois", rappellent-ils, appelant de leurs vœux "une certaine flexibilité en matière de langues du chef des professionnels" qui est "dans l'intérêt primordial des patients sans qu'elle puisse pour autant servir à élever des barrières linguistiques infranchissables".

Dans cette optique, les députés notent que la proposition de directive vise à préciser que dans le cas des professions ayant des implications en matière de sécurité des patients, les Etats membres peuvent conférer aux autorités compétentes le droit d'effectuer un contrôle linguistique auprès de tous les professionnels concernés s'il est expressément demandé par le système national de soins de santé. Ils considèrent toutefois qu'il y a lieu de compléter comme suit la disposition du troisième alinéa qu'il est prévu d'ajouter à l'article 53 de la directive 2005/36/CE : "Le contrôle linguistique se limite à la connaissance de l'une des langues officielles ou administratives de l'Etat membre selon le choix de la personne concernée".

D’après les députés, l’ajout de la mention des langues administratives permettrait de tenir compte du régime linguistique tel qu'il a été établi au Luxembourg par la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues. Sans introduire la notion de "langue(s) officielle(s)", la loi précitée dispose en effet que le luxembourgeois est la langue nationale, tandis que le français, l'allemand et le luxembourgeois font figure de langues administratives et judiciaires, précisent-ils.

Enfin, la Chambre "met en garde les instances européennes contre la tentation de s'immiscer dans les compétences nationales en matière d'éducation et de formation professionnelle par le biais de la reconnaissance des qualifications professionnelles". "Les Traités n'accordent pas de compétence législative à l'Union européenne dans ces matières", soulignent les députés qui rappellent que chaque Etat membre poursuit ses objectifs en matière de formation professionnelle, notamment au niveau des professions de santé, tout en tenant compte des développements internationaux en la matière.

Les parlementaires luxembourgeois observent ainsi "avec une certaine inquiétude que par les actes délégués prévus par la proposition de directive, la Commission européenne se voit entre autres attribuer, pour les professions relevant de la reconnaissance automatique, un certain droit de regard en ce qui concerne le contrôle de l'adéquation des connaissances et des compétences à la qualification en question". Ils s’en réfèrent à l’article 165 TFUE, qui stipule que l'Union européenne ne possède pas de compétences législatives en matière d'enseignement, le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif relevant de la responsabilité des Etats membres.