De retour de Grèce, où il a emmené, du 6 au 8 mars 2012, la troïka alternative envoyée par le groupe S&D, l’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels a présenté le 22 mars 2012 à la presse les fruits de la mission qu’il a conduite sur le terrain hellène.
Cette mission, composée de Robert Goebbels mais aussi de ses pairs Elisa Ferreira et Ivailo Calvin, était mandatée pour essayer de trouver des alternatives aux mesures d’austérité imposées par la troïka UE-BCE-FMI dont les socialistes déplorent non seulement les mesures peu sociales, mais aussi le manque d’efficacité.
Pendant cette mission, les trois parlementaires, tous anciens ministres, ont rencontré experts, hommes politiques et citoyens pour essayer d’identifier les meilleurs alternatives pour que la Grèce puisse renouer avec la croissance. Il faut des réformes, admettent les socialistes, mais il faut "les bonnes réformes" ainsi que l’a indiqué le président du groupe S&D Hannes Swoboda.
La première exigence exprimée par la troïka des socialistes et démocrates, c’est que la troïka UE-BCE-FMI soit responsable et rende des comptes, et qu’elle informe donc régulièrement le Parlement européen de ses activités, de ses propositions et des résultats de ses actions. Les socialistes et démocrates proposent que la troïka soumette un rapport trimestriel au Parlement européen et qu’il soit présenté et débattu en plénière. Parallèlement, le groupe conduit par Robert Goebbels demande à ce que les autorités grecques soient elles aussi invitées au Parlement européen pour un débat public.
"Qui parle au nom de l'Union européenne au sein de la 'troïka' ? Ces hauts fonctionnaires brillants vont une semaine en Grèce, imposent des mesures radicales. Ils doivent aussi rendre des comptes. Nous avons été élus, ces gens ont été nommés", a expliqué Robert Goebbels.
Hannes Swoboda s’est chargé de faire remonter cette revendication au sein de la conférence des présidents du Parlement européen, et il est prévu que la troïka vienne présenter son travail lors d’une réunion jointe des commissions Affaires économiques et monétaires (ECON) et Emploi et Affaires sociales (EMPL) qui se tiendra le 27 mars prochain.
Soucieuse d’observer avec attention l’évolution des affaires sociales en Grèce, la troïka alternative propose aussi l’établissement d’une plate-forme sociale européenne pour la Grèce à laquelle participeraient la CES, BusinessEurope, le Comité économique et sociale et l’OIT, ainsi que les partenaires sociaux grecs. L’objectif serait d’assurer le respect des droits sociaux tels qu’ils sont définis par le droit européen.
Autre élément essentiel défendu par le groupe S&D, la trajectoire d’assainissement budgétaire de la Grèce doit être réaliste et cohérente et doit refléter l’importance du programme de réformes structurelles. Il faudra du temps pour mettre en œuvre les réformes et pour obtenir des résultats concrets, observent les membres de la troïka socialiste qui soulignent aussi que des mesures qui aggravent la récession risquent de grever ce processus essentiel. Leur proposition est donc de ne pas exiger de nouvelles mesures d’austérité budgétaire tant que la croissance n’est pas de retour.
Les eurodéputés S&D appellent aussi à une recapitalisation rapide des banques grecques, dans la mesure où la plupart des entreprises grecques font face à un grave resserrement du crédit qui menace leur existence et leur reprise. Les 50 milliards d’euros nécessaires pour la restructuration et la recapitalisation du secteur bancaire doivent donc être mis à disposition aussi vite que possible, plaident les parlementaires de retour de Grèce. Ils appellent aussi à mettre en place les instruments qui permettront de garantir aux PME l’accès au financement, y compris pour leur fonds de roulement.
La troïka socialiste propose la création d’une agence pour l’investissement et la croissance en mesure de mettre en œuvre une nouvelle stratégie de développement qui permettrait de sortir la Grèce de la récession. Cette agence non gouvernementale pourrait coordonner les investissements nécessaires à la reprise dans les secteurs à haut potentiel comme l’agriculture, le transport maritime, le tourisme, la médecine, les soins gériatriques, l’énergie, l’industrie pharmaceutique et l’éducation. Elle serait conduite par un ressortissant grec, dotée d’un conseil d’administration large constitué par des représentants des institutions européennes, de la BEI et du FMI, ainsi que du gouvernement grec et des partenaires sociaux, imaginent les parlementaires socialistes. Ils insistent aussi pour que cette agence soit dotée de ses propres fonds de développement, alimentés par la BEI et les fonds structurels, et pourquoi pas par le FMI.
Les parlementaires partis en mission en Grèce réclament aussi la mise en œuvre immédiate des 181 projets prioritaires identifiés par la task force de la Commission européenne avec les autorités grecques. Ils appellent à ce qu’ils soient financés en grande partie par les 10 milliards d’euros de fonds structurels européens non utilisés. Leur préoccupation est de passer à l’action pour surmonter les obstacles administratifs et autres en vue d’une mise en œuvre rapide. Enfin, ils plaident pour que la BEI soit encouragée à renforcer sa base de capital d’au moins 10 milliards d’euros afin de financer plus d’investissements en Grèce et ailleurs en Europe.
La troïka emmenée par Robert Goebbels se base sur les propositions du Parti social européen (PSE) pour suggérer la création d’une garantie pour la jeunesse en Grèce sur la base de l’expérience autrichienne. Il s’agit de donner aux jeunes de moins de 25 ans le droit à un emploi, une formation dans un délai de quatre mois après qu’ils se retrouvent sans emploi, ensuite, ils pourraient se voir offrir des places en apprentissage dans le secteur public. Le coût de cette garantie devrait être financé pendant cinq ans par des fonds européens, plaident les parlementaires qui soulignent que l’expérience montre que cela reviendrait moins cher que ne coûte le chômage des jeunes en Grèce à l’heure actuelle.
Les parlementaires du groupe S&D insistent aussi sur la nécessité de la lutte contre l’évasion fiscale, identifiée comme une des faiblesses budgétaires chroniques de la Grèce. Alors que la Grèce est en train de chercher à signer des accords bilatéraux avec des pays, et notamment la Suisse, pour freiner l’évasion fiscale, les eurodéputés appellent de leurs vœux des mesures ambitieuses de l’UE pour lutter contre l’évasion fiscale, dans la ligne du rapport "Closing the European Tax Gap" qui montre que les Etats membres de l’UE perdent 1 trillion d’euros par an à cause de la fraude et de l’évasion fiscale. Les eurodéputés appellent l’UE à réduire ce chiffre de moitié d’ici 2020, ce qui générerait de nouvelles ressources publiques à hauteur de 500 milliards d’euros par an et offrirait une claire alternative à la poursuite des mesures d’austérité. Le groupe S&D souhaite aussi voir finalisé dans les prochains mois la proposition d’accord fiscal avec la Suisse, de façon à ce qu’il soit mis en œuvre en 2013. Quant à la Grèce, elle doit poursuivre une réforme radicale de sa levée de l’impôt.
Le groupe emmené par Robert Goebbels a par ailleurs noté que la configuration des prix, notamment de la nourriture, laisserait entrevoir des abus dans la chaîne d’approvisionnement, qui est dominée par cinq entreprises étrangères. La troïka socialiste appelle donc la Commission à mener une enquête sur de possibles abus de marché et de prendre les mesures nécessaires.
La troïka alternative insiste enfin sur la nécessité de réduire le chômage et de soutenir la croissance au niveau de l’UE, car les perspectives de reprise de la croissance grecque dépendent grandement de la bonne santé des marchés européens, dont beaucoup frôlent la récession quand ils ne la connaissent pas déjà. Pour que la Grèce puisse renouer avec la croissance, il faut donc des politiques d’investissement pour la croissance et l’emploi dans toute l’UE, plaide le groupe S&D qui propose une alternative économique basée sur un programme d’investissement européen coordonné et financé par des instruments comme les euro-obligations, les projects bonds, la TTF et, au-delà, la lutte contre l’évasion fiscale.