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Economie, finances et monnaie
Rapport de la Banque centrale de Luxembourg : une année 2011 marquée par les tumultes de la crise de la dette souveraine
02-04-2012


Le 2 avril 2012, la Banque centrale du Luxembourg présentait son rapport annuel pour 2011 avec deux mois d'avance sur la date à laquelle elle dressait habituellement le bilan ces dernières années. Pour cause, le rapport ne contient plus sa part d'analyse de la situation économique et financière qui donnait fréquemment l'occasion à son directeur général, Yves Mersch, de prendre des propositions très tranchées en faveur de réformes structurelles qui ne manquaient pas de susciter le débat.BCL

Pour cet exercice d'un nouveau genre, le président de la BCL s'est donc plus longuement épanché sur le bilan de la banque en elle-même. Or, la lecture des comptes et résultats pour l'exercice 2011 se distingue des autres années par des chiffres démesurés par les tensions qui ont agité les marchés principalement à partir de l'été, en raison des problèmes provoqués par la crise de la dette souveraine européenne. "Dans ce climat tendu, aussi bien les instruments de politique monétaire que les opérations intra-Eurosystème ont connu une diversification prononcée", déclarait Yves Mersch, en préambule à une conférence suivie par de nombreux banquiers et journalistes.

Des comptes capricieux

L'année 2011 est ainsi marquée par l'augmentation, parfois vertigineuse, de toutes les rubriques du bilan. Ce phénomène culmine dans le montant record de la somme de bilan qui atteint 127 milliards d'euros à la clôture de l'exercice 2011. L'Irlande, l'Italie, la Grèce, dépassent cette somme de bilans en raison des tensions apparues sur le marché. Mais Yves Mersch souligne le fait que la banque centrale de Luxembourg est devant sa sœur belge pour mieux s'en étonner : "Qui aurait pu le croire il y a quinze ans ?"

Pour cause, "les banques ont moins besoin d'emprunts que ce n'est le cas dans d'autres pays.(...) Elles ont plutôt utilisé la Banque centrale pour déposer leurs excédents de liquidités".

Le volume des opérations de politique monétaire a été proche de doubler en 2011 par rapport à 2010. Par exemple, les concours aux établissements de crédit, qui représentent 4,1 % du bilan, affichent ainsi 5,199 milliards d'euros durant cet exercice contre 2,7 milliards en 2010.

Parallèlement, le volume des "engagements en euros envers les contreparties du secteur financier de la zone euro" a augmenté de 431 %. Il est passé de 9,6 milliards d'euros en 2010 à 51,2 milliards d'euros en 2011.

Au titre de l'actif, on observe encore que les créances envers l'eurosystème sont passées de 70 milliards à 108,4 milliards d'euros. "Ce chiffre représente des situations différentes. Nous recevons de certains pays et envoyons vers d'autres", a expliqué Yves Mersch. "En tout cas, cela signifie que notre pays est une plaque tournante de la finance internationale."

La hausse de l'activité de la Banque centrale se traduit par l'augmentation de sa marge sur intérêts, nourrie notamment par l'augmentation des revenus provenant des titres, qui progresse de 24 millions d'euros (à 206 millions). La partie de cette marge provenant des opérations de politique monétaire, tout aussi en augmentation, est  redistribuée au sein de l'Eurosystème, au nom de "la répartition du revenu monétaire".

La surveillance macro-prudentielle

L'un des nouveaux rôles assignés aux banques centrales consistent à surveiller les risques systémiques encourus par le secteur financier. "La surveillance macro-prudentielle est en fort développement au Luxembourg depuis la mise en place du Comité européen du risque systémique (CERS)", a ainsi fait remarquer Yves Mersch. Le président de la BCL est président votant du Comité qui s'est réuni pour la première fois en 2011.

Durant le mois de mars 2012, le comité a d'ailleurs publié sa troisième recommandation. Cette dernière invite les services de macro-surveillance à suivre attentivement les expositions aux risques de financement et de liquidité en dollars des États-Unis pris par les établissements de crédit, avant qu'ils n’atteignent des niveaux excessifs et, dans un même temps, à pousser et suivre la mise en place des plans de financement d’urgence par ces établissements de crédit.

Une année 2012 qui s'annonce moins mouvementée

Si le rapport de la BCL ne laisse donc plus de place à l'analyse de la situation économique et financière désormais réservée à son bulletin trimestriel et sa Revue de stabilité financière, le mot du président qui ouvre le rapport pour 2011 donne quelques indications sur la conjoncture de l'année 2012, à la lueur des phénomènes observées durant le premier trimestre.

"Depuis le début de l'année 2012, des signaux apparaissent d'une stabilisation économique et d'un retour lent et progressif de la confiance des marchés", écrit ainsi Yves Mersch. "Les mesures prises par les autorités, au niveau de la zone euro et des Etats membres, commencent à produire leurs effets, même si beaucoup de chemin reste à parcourir."

Il donne la substance des efforts à réaliser dans un premier temps : "La priorité est, dans l'immédiat, de coordonner effectivement les politiques économiques et budgétaires des Etats membres à travers le semestre européen, ainsi que d'assurer la prévention et la correction des déficits excessifs et de surveiller les déséquilibres macroéconomiques excessifs, conformément aux décisions du six-pack; il convient aussi d'adopter des règles budgétaires contraignantes harmonisées" suite à la signature du nouveau traité budgétaire signé le 2 mars 2012.

De même prévient-il que "des tensions subsistent sur les marchés de la dette souveraine" tandis que "l'atonie de la demande globale, tout comme les mesures nécessaires en vue d'équilibrer les finances publics et de rétablir la compétitivité, font que les prévisions de croissance pour la zone euro en 2012 restent encore faiblement négatives".

Deux semaines après s'en être pris durement au climat socio-économique luxembourgeois, Yves Mersch est resté à ce sujet très placide.

Il n'a placé qu'au détour d'une phrase durant la séance de questions-réponses qu'il "aimerai[t] que [s]on pays soit au niveau des réformes menées dans d'autres pays".

Toutefois, dans le texte d'introduction au rapport, il n'oublie pas de rappeler qu'à ses yeux, des "réformes structurelles d'envergure" doivent être menées : "le financement du système des pensions, le marché du travail, le système éducatif, la promotion de la recherche et développement ainsi que le développement des infrastructures".

Un destin personnel en suspens

Interrogé par un journaliste sur son avenir professionnel, le directeur général de la BCL, qui est candidat à un poste au directoire de la Banque centrale européenne, s'est contenté d'une réponse laconique : "J'ai un contrat à la Banque centrale luxembourgeoise qui court jusqu'en 2016. Et je n'ai pas d'autres informations."

Yves MerschSeule une question revenant sur la qualité des 109 milliards d'euros enregistrés en tant que "créances envers l'eurosystème" l'a rendu plus disert. Pour cause, en Allemagne, la même ligne, qui est chiffrée à 500 milliards à l'actif de la Banque centrale allemande, a déchaîné la polémique sur la signification de la banque, à l'instigation de l'économiste Hans-Werner Sinn. Ce dernier a remarqué que l'Allemagne était engagée à hauteur de cette somme envers d'autres pays. "C'est un débat curieux et peu informé car c'est un chiffre qui se compose des évolutions des paiements entrants et sortants de tous les pays de la zone euro", a rétorqué Yves Mersch. "Comme nous sommes dans une zone euro, cette menace n'a aucun sens. C'est une convention statistique, une méthode de comptabilisation. Le débat sur ce chiffre n'a de sens que dans le cadre d'un débat sur l'explosion de la zone euro, ce qui n'est pas notre hypothèse de départ. Je trouve donc cela insensé." Il a ensuite poursuivi en soulignant que, sur ces 109 milliards, les montants liés à la Grèce sont très réduits tandis que ceux concernant l'Allemagne "continuent à être extrêmement importants".