Le 4 avril 2012, le CLAE présentait à la presse les actes du Congrès des associations issues de l’immigration qui s’est tenu en novembre 2011 à Luxembourg. Les actes de ce congrès, qui a réuni plus de 70 structures associatives, prennent la forme d’un catalogue de propositions et de revendications dont l’objectif est de "contribuer à la construction d'une société qui tend à réduire les différences entre les citoyens, une société où tout citoyen devrait être acteur de la vie sociale, culturelle, politique et économique du pays afin de définir ensemble un projet commun, de faire société ensemble".
Les actes publiés par le CLAE contiennent ainsi nombre de propositions touchant les domaines les plus divers. Il s’agit par exemple de garantir la libre circulation effective au sein de l’Union pour les résidents issus des pays tiers, l’égalité de traitement, et le droit de vivre en famille, ou encore d’assurer un accès direct au travail pour les citoyens des pays entrés récemment au sein de l’Union européenne (Bulgarie, Roumanie) et pour tous les pays qui adhèreront à l’avenir.
Les associations réunies en congrès ont appelé les États à cesser de criminaliser l’immigration irrégulière, mais aussi invité le Luxembourg à privilégier des mesures moins contraignantes que la rétention en cas d’infraction aux règles de l’immigration et de l’asile. "Toute forme de discrimination légale concernant l’accès au travail et à la formation doit disparaître", revendiquent encore les associations qui invitent les députés européens luxembourgeois à être attentifs à ces questions dans la mesure où "les directives européennes actuelles ou en discussion sont loin de garantir l’égalité de traitement entre travailleurs".
Les actes du congrès pointent aussi l’importance de la formation professionnelle continue, ou encore la nécessaire égalité des chances dans un système scolaire qui devrait prévoir des "rééquilibrages linguistiques" dans le but de combattre l’échec scolaire. Le CLAE insiste aussi sur la reconnaissance des apports culturels de l’immigration à l’école, mais aussi dans toute la société.
Les actes dénoncent par ailleurs le mécanisme de bourses et de prêts instaurés par le gouvernement en juillet 2010 et remplaçant le système d’allocations familiales pour les enfants de plus de 18 ans ayant terminé leurs études secondaires, jugé discriminatoire envers les travailleurs frontaliers et les travailleurs immigrés dont les enfants ne résident pas au Luxembourg.
Sur le plan social, les associations réunies en congrès ont plaidé l’inscription du droit au logement dans la Constitution luxembourgeoise, sans oublier de soulever la question des nombreux retraités issus de l’immigration qui font le choix de rester au Luxembourg.
Le CLAE revendique aussi que "les citoyens de nationalité étrangère qui résident au Luxembourg, qui participent et contribuent à la création de la richesse économique et culturelle du pays soient associés à toutes les prises de décisions politiques, y compris le droit de vote aux élections législatives, ces dernières engageant l’avenir de tous les habitants du Grand-Duché de Luxembourg". Les actes se font ainsi plaidoyer pour une "citoyenneté de résidence" qui permettrait de faire le lien entre les dimensions juridique, sociale, culturelle, politique et identitaire.
Autre élément mis en avant par le CLAE, le fait que "la langue luxembourgeoise ne doit pas devenir un facteur d’exclusion, mais au contraire qu’un apprentissage facilité pour les personnes de nationalité étrangère, grâce à des horaires de cours adaptés et une prise en compte du parcours individuel de chacun, soit gage d’une meilleure égalité des chances".
C’est sur ces deux dernières revendications, ainsi que sur la question de l’afflux au Luxembourg de citoyens de l’UE fuyant les effets de la crise dans leur pays, qu’a souhaité réagir Fernand Kartheiser, député et président de l’ADR, dans une lettre ouverte adressée le 11 avril 2012 aux directeur et président du CLAE.
"Nous sommes certainement d’accord pour dire que la lutte contre la xénophobie est importante et que la vigilance est particulièrement de mise durant les périodes économiques plus difficiles. Ceci est d’ailleurs indiqué au paragraphe 27 du programme électoral de mon parti que vous connaissez certainement. Mon parti s’engage pour une relation harmonieuse entre les différentes communautés au Luxembourg et il ne cesse de propager une politique d’intégration volontariste et proactive en faveur des résidents étrangers", indique, en guise d’introduction à sa lettre, Fernand Kartheiser.
Viennent ensuite les observations du député aux revendications du CLAE dont il a pris connaissance par voie de presse.
Aux yeux du président de l’ADR, "la participation des étrangers aux décisions politiques au Luxembourg est déjà une réalité" : elle "inclut le droit de vote aux élections pour les chambres professionnelles, aux élections communales et aux élections européennes pour les citoyens européens", précise-t-il. S’il ne manque pas de souligner que l’ADR compte parmi ses membres des ressortissants étrangers et que de nombreux étrangers ou citoyens d’origine étrangère ont figuré sur ses listes lors des récentes élections communales, Fernand Kartheiser affirme, au nom de son parti, que "le droit de vote actif et passif aux élections législatives nationales doit rester lié à la nationalité luxembourgeoise". "Cette exigence est prévue par la Constitution luxembourgeoise", argue-t-il, sans oublier de souligner que "les autres Etats européens lient également la nationalité au droit de vote aux élections législatives".
Fernand Kartheiser relève par ailleurs que "la législation portant sur la double nationalité a facilité l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise puisqu’elle n’impose plus le renoncement à la nationalité d’origine". "L’ADR est d’avis que la faculté de participer aux décisions politiques du Luxembourg doit rester liée à une réelle volonté d’intégration et à l’attachement aux valeurs du Luxembourg dûment constatés par l’acquisition de la nationalité luxembourgeoise", poursuit le député qui se dit "convaincu que la durée de résidence ne devrait pas être réduite et que l’exigence d’un examen de langue, qui est d’ailleurs très facile, doit rester maintenue".
Aux yeux de Fernand Kartheiser, "la langue luxembourgeoise n’est pas un facteur d’exclusion mais le plus important facteur d’inclusion" et elle est même "l’outil par excellence pour promouvoir l’intégration". "Seule la maîtrise de la langue luxembourgeoise permet aux résidents non-luxembourgeois de participer aussi largement que possible à la vie quotidienne au Luxembourg et à pouvoir bénéficier d’une plus grande variété d’emplois", observe le député dont le parti "se félicite que de nombreuses personnes issues de l’immigration ayant appris le luxembourgeois ont accédé à des postes-clés au sein de la société luxembourgeoise dans les secteurs de l’économie, de l’administration, de la vie associative, culturelle et politique".
L’ADR plaide "non pour une modification du système scolaire luxembourgeois, mais pour une intégration plus poussée des enfants étrangers afin de leur permettre de réussir pleinement dans le système scolaire tel qu’il existe actuellement" et il demande aux autorités nationales "que tous les efforts soient entrepris pour faciliter l’apprentissage du Luxembourgeois, le cas échéant par des horaires mieux adaptés pour les cours, la gratuité des cours et plus de facilités au niveau du congé linguistique". Fernand Kartheiser affirme donc au CLAE être "prêt à appuyer des revendications de vos associations allant dans ce sens". "Dès l’inscription dans une commune luxembourgeoise, les personnes ne parlant pas le luxembourgeois devraient être informées des possibilités de l’apprendre", plaide le député pour qui "l’intégration nécessite des efforts et des autorités luxembourgeoises et des étrangers qui viennent s’établir au Grand-Duché".
Enfin, abordant la question des "problèmes liés à l’afflux de nombreuses nouvelles arrivées, en particulier en provenance du Portugal, d’Espagne et d’Italie", soulevée, selon lui "à raison" par le CLAE, Fernand Kartheiser met l’accent sur le fait que "la crise frappe également le Grand-Duché de Luxembourg, contraint désormais à contracter des emprunts pour boucler le budget de son administration centrale".
"Le chômage, y compris celui des jeunes, ne cesse de battre des records et un nombre croissant d’habitants – toutes nationalités confondues – passe sous le seuil de pauvreté", indique le député. Ainsi, l’ADR est "d’avis que le combat contre le chômage au Luxembourg doit avoir une plus grande priorité que l’immigration".
Quant aux difficultés qu’il y a à trouver un logement à un prix abordable, problème "soulevé à juste titre par les associations d’étrangers", elles concernent "toutes les nationalités, y compris le nombre grandissant de Luxembourgeois et de personnes issues de l’immigration obligés de s’exiler hors des frontières du Grand-Duché pour pouvoir encore se permettre de se loger", relève le président de l’ADR.
Pour Fernand Kartheiser, "le Luxembourg est disposé à accueillir tous ceux qui, comme salarié ou indépendant, veulent s’établir légalement au Luxembourg pour y apporter une contribution utile à sa vie économique et au renforcement de son système de sécurité sociale". Mais l’ADR s’oppose à "une pratique qui consiste à faire venir un nombre croissant de personnes sans pouvoir leur assurer ni un travail ni un logement convenable, avec la conséquence de grossir le nombre de chômeurs voire d’assistés du système de sécurité sociale", affirme le président du parti.
"Tout comme le CLAE, l’ADR adhère au principe de libre circulation de tous les citoyens de l’Union européenne", poursuit Fernand Kartheiser qui ne manque pas de rappeler que ce principe, au-delà d’une durée de séjour de trois mois, implique le fait de disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil.
Ainsi, aux yeux de Fernand Kartheiser, "l’aide des associations d’étrangers à leurs compatriotes, en vue d’un séjour permanent ou de longue durée au Luxembourg, devrait consister en premier lieu en une information juste et honnête sur les potentialités réelles qu’offre le Luxembourg".