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Justice, liberté, sécurité et immigration
Alors que la polémique sur Schengen est relancée en France, le Parlement européen dit clairement que les contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen doivent rester un dernier recours
25-04-2012


SchengenSchengen reste au cœur des discussions en Europe depuis le début du printemps arabe et l’arrivée de vagues massives dans l’UE de réfugiés en provenance des pays touchés par les troubles civils et les répressions en Afrique du Nord, au Proche et au Moyen Orient. S’y ajoutent les demandeurs d’asile issus de minorités des Balkans occidentaux, sans oublier les citoyens de l’UE de pays de l’UE qui ne sont pas encore membres de la zone Schengen et dont les déplacements ont suscité de grandes irritations en France, au Suisse, en Italie et des poussées populistes un peu partout en Europe. Résultat : il y a eu en 2011 des rétablissements retentissants de contrôles aux frontières entre la France et l’Italie, et entre le Danemark, la Suède et l’Allemagne.

Il y a quelques jours, Schengen et le rétablissement des contrôles aux frontières est redevenu un sujet des élections présidentielles françaises, et donc un sujet européen qui a suscité entre autres des prises de positions du ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn et une réprobation assez générale dans la Grande Région, côté luxembourgeois, belge et allemand.

La Commission européenne a vu dès le mois de mai 2011 la nécessité d’intervenir avec une nouvelle législation et a fait des propositions dans ce sens en septembre 2011.

Le 25 avril 2012, les députés européens de la commission de travail sur les libertés civiles (LIBE) ont adopté, en votant en faveur d’un rapport de Renate Weber (ALDE) par 47 voix pour, 7 contre et 2 abstentions, un texte amendé de la proposition de la Commission européenne, qui veut permettre aux Etats membres de rétablir des contrôles aux frontières en cas de menace pour la sécurité, pour un maximum de dix jours. Mais au-delà de ces dix jours, la décision devra être collective. Renate Weber a reçu par ce vote un mandat pour négocier avec le Conseil.

D’ores et déjà, les accords de Schengen, qui font partie de l’acquis communautaire, permettent aux Etats membres de réintroduire des contrôles au niveau de leurs frontières intérieures. Cette clause, utilisée à 26 reprises, peut être invoquée "en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure".

Dans le rapport qu’ils ont adopté, les députés rappellent que "la migration et le franchissement des frontières extérieures par un grand nombre de ressortissants de pays tiers ne devraient pas être considérés, en eux-mêmes, comme une menace pour l'ordre public ou la sécurité intérieure". Ils insistent sur le fait que la réintroduction des contrôles aux frontières doit rester une mesure exceptionnelle et de dernier recours.

Le rapport distingue plusieurs scénarios pouvant justifier une réintroduction des contrôles: en cas de menace imminente pour l'ordre public ou pour la sécurité publique, les contrôles pourraient être réintroduits pour une durée maximum de six mois.

Mais contrairement à ce que voulait la Commission, les députés souhaitent laisser la responsabilité de la décision aux Etats membres, et non à la Commission européenne. En guise de compromis, ils proposent un fonctionnement mieux coordonné et plus collégial. Cela devrait selon Renate Weber "empêcher, autant que possible, les initiatives nationales unilatérales et de tenir compte de l'ensemble des intérêts européens dans la sécurisation de l'espace Schengen".

En cas de situation d'urgence nécessitant une action immédiate, la Commission voudrait qu’un Etat membre puisse réintroduire, de son propre chef, les contrôles pour un délai maximum de cinq jours seulement. Un délai que les députés de la commission LIBE souhaitent quant à eux porter à dix jours.

Enfin, en cas de "graves manquements persistants" d'un Etat membre dans la gestion d'une section de sa portion de la frontière extérieure de l'Union, la Commission pourrait décider de réintroduire des contrôles.

Reste que pour la rapporteure, qui s’inscrit en faux contre une certaine façon de considérer l'immigration, celle-ci "ne constitue pas en soi une menace pour l'ordre public et la sécurité nationale". Renate Weber "s'oppose dès lors catégoriquement à toute tentative visant à introduire de nouveaux motifs, tels que les flux migratoires, pour justifier le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures." Elle pense que certains événements récents "sont symptomatiques du fait que le système Schengen actuel, qui s'appuie sur un système intergouvernemental d'évaluation par les pairs, n'est pas assez solide pour remédier aux faiblesses de certains de ses membres et pour prévenir d'éventuels abus."

Pour elle, "la libre circulation est un principe constitutif de l'Union européenne, et la possibilité de circuler à l'intérieur de l'Union sans avoir à se soumettre à des contrôles aux frontières intérieures est l'une de ses réalisations les plus abouties."

Une nouvelle législation pour permettre le rétablissement temporaire des visas

Les députés ont également adopté le rapport d'Agustín Díaz de Mera (PPE), par 51 voix pour, 3 contre et 3 abstentions. Le texte porte sur une proposition législative séparée, visant à intégrer une clause de sauvegarde permettant de suspendre, rapidement et temporairement, l'exemption de visa en faveur d'un pays tiers en cas de situation d'urgence.

Les députés préfèrent parler de "mécanisme de suspension rapide et temporaire", et précisent, là encore, que la mesure ne doit s'exercer qu'en dernier recours. En cas d'augmentation "soudaine et substantielle" du nombre de ressortissants de ce pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire, ou du nombre de demandes d'asile rejetées, et si cela affecte gravement la situation migratoire de l'Etat membre concerné, la Commission européenne pourra rétablir l'exigence de visa.

La proposition vise également à renforcer le "mécanisme de réciprocité" qui prévoit de rétablir l'exigence de visa pour les ressortissants d'un pays tiers si celui-ci fait de même à l'égard d'un Etat membre.

Après ces votes d'orientation, les rapporteurs vont entamer des discussions avec le Conseil afin de trouver un accord en première lecture.