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Justice, liberté, sécurité et immigration
"Si François Hollande gagne l’élection, le débat sur Schengen va se terminer rapidement", augure Jean Asselborn dans un entretien au Spiegel dans lequel il dénonce la lettre franco-allemande envoyée en vue du Conseil JAI du 26 avril 2012
23-04-2012


A quelques jours à peine des élections présidentielles en France, plusieurs grands médias allemands et français, parmi lesquels l’AFP ou encore la Süddeutsche Zeitung, annonçaient détenir une copie d’un courrier co-signé par le ministre de l’Intérieur français, Claude Guéant, et son homologue allemand Hans-Peter Friedrich, demandant la possibilité de pouvoir rétablir des contrôles aux frontières nationales pendant un mois en cas de défaillance à une frontière extérieure de l'espace Schengen. Une lettre dans laquelle les deux ministres indiquent vouloir expliquer leur position à leurs pairs à l’occasion du Conseil JAI qui aura lieu le 26 avril 2012 à Luxembourg.

"Nous avons besoin d'un mécanisme de compensation pour le cas ou un Etat membre, en dépit de l'aide qui lui a été apportée, se révèle incapable d'assurer ses obligations au titre de la protection des frontières extérieures de l'UE", souligne la lettre franco-allemande. Les deux gouvernements réclament "la possibilité, en dernier ressort, de réintroduire des contrôles aux frontières internes pour une période n'excédant pas 30 jours" dans le cadre de ce "nouveau mécanisme" intégré sous forme "d'amendements aux codes frontières Schengen". "A l'issue de ces trente jours, il reviendrait à la Commission européenne de recommander au Conseil de poursuivre ou d'interrompre les contrôles aux frontières internes", précisent-ils. Mais "la décision elle-même appartiendrait" au Conseil ", insistent-ils. Les deux ministres entendent ainsi redimensionner le rôle de la Commission, qui, accusent-ils, "s'est attribué la faculté de décider elle même de la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières en cas de menace à la sécurité et à l'ordre public". "Cette prérogative relève de la souveraineté nationale (...) et c'est là un point non négociable", avertissent-ils.Der Spiegel

Dans un bref entretien qu’il a accordé à la rédaction du Spiegel, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, n’a pas caché son opposition à de tels projets. Lorsque les journalistes lui demandent, dans cette interview publiée le 23 avril 2012, si la proposition de réintroduire les contrôles aux frontières intérieures a ses chances en Europe, le chef de la diplomatie luxembourgeoise répond en effet qu’il espère bien que non. "Le monde entier nous envie notre liberté de circulation", argue en effet le ministre, comme il l’a fait à chaque fois que les accords de Schengen ont été remis en question ces derniers mois. "Pour les citoyens de l’Europe, c’est la plus grande conquête dans l’histoire de l’UE", souligne-t-il encore. Pour Jean Asselborn, ce serait "dramatique, y compris pour l’économie, si de grands pays comme l’Allemagne ou la France pouvaient fermer leurs frontières de leur propre chef et déprécier de la sorte le traité de Schengen".

Certes, admet Jean Asselborn, "il est vrai que 90 % des réfugiés entrent par la Grèce", mais, poursuit-il, "l’UE est une union solidaire". Le chef de la diplomatie luxembourgeoise plaide donc, plutôt que de "miser sur des solutions nationales", pour que l’on "aide les Grecs à prendre en main le problème de frontières". "Les contrôles aux frontières ne peuvent permettre de maîtriser le problème des réfugiés", précise encore Jean Asselborn.

Le ministre luxembourgeois se souvient que, lorsque la France a mis sur la table une proposition du même genre il y a un an de cela, l’Allemagne s’y était opposée. "Maintenant elle soutient ce populisme", déplore Jean Asselborn qui trouve "indécent" le moment choisi pour lancer ce débat. ("Der Zeitpunkt der Debatte stinkt zum Himmel", dit Jean Asselborn dans le texte.) "Ce n’est pas un hasard si cette lettre est publiée précisément dans la phase critique des élections présidentielles françaises", explique-t-il, estimant que ce courrier "sert l’idéologie de droite" et a pour objectif de détourner au profit du président sortant les voix du Front national.

La rédaction du Speigel, qui pointe la crise de l’euro et la remise en question de la liberté de circulation, demande au ministre si l’UE "menace de se briser". "L’UE est très résistante", rétorque Jean Asselborn qui ne cache pourtant pas son inquiétude devant le renforcement des "forces centrifuges populistes en Europe".

"C’est aussi un gouvernement conservateur qui a temporairement réintroduit les contrôles aux frontières au Danemark l’an dernier", se souvient le ministre qui souligne que les sociaux-démocrates les ont abolis aussitôt après leur victoire électorale. "Si François Hollande gagne l’élection, le débat sur Schengen va se terminer rapidement", augure par conséquent Jean Asselborn.