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Parlement européen - Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Taxe sur les transactions financières – Le Parlement européen a adopté une résolution appelant à la création d’une taxe sur les transactions financières
23-05-2012


Le Parlement européen, réuni en plénière, a adopté le 23 mai 2012, à quelques heures à peine d’un sommet informel qui devait être consacré à la croissance, une résolution appelant à la création d’une taxe sur les transactions financières (TTF). Le rapport, rédigé par l’eurodéputée socialiste Anni Podimata, se basait, en l’amendant, sur la proposition que la Commission européenne a présentée en septembre 2011.

La résolution, qui a une valeur consultative, avait été adoptée en commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) le 25 avril dernier. Elle a finalement été adoptée par 487 députés, 142 ayant voté contre et 46 s’étant abstenus.

Le vote des parlementaires luxembourgeois reflète la complexité du dossier : si Georges Bach (PPE), Robert Goebbels (S&D) et Claude Turmes (Verts) ont voté en faveur de cette résolution, Frank Engel (PPE) et Charles Goerens (ALDE) ont préféré s’abstenir. Quant à Astrid Lulling (PPE), qui s’en est expliquée par voie de communiqué, elle s’est opposée à une résolution qu’elle n’a pas réussi à faire amender selon ses vœux.

L’enjeu : envoyer un message fort au Conseil

L'enjeu, selon Anni Podimata, était d'envoyer "un message fort au Conseil à l'heure où il tient un sommet informel sur la croissance". "La TTF fait partie intégrante d'une sortie de la crise. Elle permettra de distribuer de manière plus équitable le poids de la crise", a expliqué auparavant Anni Podimata en assurant que "cette taxe n'entraînera pas de délocalisation en dehors de l'UE car le coût d'une délocalisation sera plus élevé que le paiement de la taxe". "Un système ambitieux de TTF nous permettra de disposer d'un outil en vue de réduire les spéculations et de veiller à ce que le secteur financier remplisse à nouveau son rôle original - à savoir servir les PME et d'autres entreprises et non parier de l'argent", a-t-elle encore auguré à l’issue du vote.Anni Podimata en plénière le 23 mai 2012, jour où son rapport sur la TTF a été adopté © European Union 2012 - European Parliament

Le projet de la Commission prévoit l'instauration d'une taxe sur les transactions financières dans toute l'UE, au taux de 0,1 % pour les actions et  les obligations et de 0,01 % sur les autres produits financiers. Elle pourrait générer jusqu'à 57 milliards d'euros, si elle est appliquée dans toute l'UE, selon l'exposé des motifs de la résolution.

La question de l'affectation des recettes n'a pas été tranchée : elles pourraient servir à renforcer les ressources propres de l'UE, financer des projets spécifiques ou aller aux budgets nationaux. La résolution indique que si les revenus de cette taxe en venaient à être affectés au budget de l'UE, les contributions nationales à ce budget seraient alors réduites. Anni Podimata affirme qu'elles pourraient être réduites jusqu'à 50 %.

La résolution du Parlement élargit l'assiette de taxation proposée par la Commission, en l'étendant aux transactions de devises, et en imposant tous les échanges de produits émis dans un pays soumis à la taxe, même lorsqu'ils ont  lieu à l'étranger. Malgré les différentes demandes d’exemptions faites par nombre d’eurodéputés, les fonds de pension devraient être l'unique secteur exempté de la taxe.

L'avis maintient la proposition originale d'exempter les transactions effectuées sur le marché primaire (c'est-à-dire l'achat de titres par l'émetteur lorsque de tels titres sont d'abord placés sur le marché). Cette mesure garantirait que les investissements qui bénéficient à l'économie réelle ne soient pas taxés.

La résolution propose aussi qu'en cas de blocage de certains Etats, la TTF puisse être mise en œuvre dans une partie seulement de l'UE, suivant le mécanisme de la coopération renforcée.

Le sujet reviendra sur la table de l’Ecofin le 22 juin 2012 à l'occasion d'une réunion prévue à Luxembourg, a dit devant les députés la représentante de la présidence danoise, Margrethe Vestager.

Les eurodéputés luxembourgeois font montre de leurs divisions sur un dossier qui pourrait avoir des conséquences sur la place financière

En attendant, nombre de parlementaires ont salué cette résolution comme un signal fort envoyé aux dirigeants européens.

C’est le cas aussi de Claude Turmes qui a salué par voie de communiqué le vote du Parlement européen. "L’Europe ne peut sortir de la crise de façon sociale et sûre qu’en enrayant la spéculation financière et en créant de nouvelles ressources : la TTF est un pas dans cette direction", se félicite l’eurodéputé écologiste luxembourgeois. Il a saisi l’occasion pour appeler la place financière luxembourgeoise à utiliser ses nombreuses forces et compétences de manière intelligente pour faire face à ce défi plutôt que de poursuivre une politique de blocage qui ne peut que mettre le Luxembourg hors-jeu. Quant au gouvernement luxembourgeois, il l’a appelé à faire pression au Conseil pour une introduction rapide de la TTF. "Socialistes et conservateurs de tous les pays se sont aujourd’hui prononcés en faveur de la taxe", a souligné Claude Turmes qui en conclut qu’il devrait donc être possible pour la coalition CSV-LSAP de s’engager en faveur de la TTF au Luxembourg.

Il est vrai que les deux principaux groupes politiques du Parlement européen, le PPE et les S&D, se sont très largement prononcés en faveur de la résolution d’Anni Podimata, suivis en cela par une très large majorité de Verts. Le socialiste Robert Goebbels a ainsi lui aussi voté en faveur du texte. Les libéraux et démocrates se sont montrés divisés sur le sujet, un dilemme que Charles Goerens a choisi d’éluder en s’abstenant.

Mais les trois membres luxembourgeois du PPE ont cependant fait des choix différents.

Georges Bach, marqué sans doute par son engagement syndical, s’est rangé derrière la majorité du groupe en votant en faveur de la résolution.

Frank Engel, qui avait été chargé de rédiger l’avis de la commission IMCO sur ce texte, s’est abstenu. Sa requête d’exempter les fonds de pension de la TTF a été entendue, mais il plaidait pour que la taxe s’applique sur tout le territoire de l’UE et abonde le budget de l’UE. Et il proposait aussi de revoir à la baisse le taux de taxation des OPCVM. Autant d’éléments donc sur lesquels il n’aura pas trouvé satisfaction.

Quant à Astrid Lulling, elle a tenté de demander une exemption des OPCVM du champ d'application de la TTF. Un amendement déposé au nom du groupe PPE qui a pourtant été rejeté par les députés. Ce qui a conduit l’eurodéputée luxembourgeoise à s’opposer au rapport final.

Astrid Lulling en plénière le 23 mai 2012, lors du débat sur la taxe sur les transactions financières © European Union 2012 - European ParliamentPour Astrid Lulling, il y a une contradiction inhérente à la résolution adoptée : "Comment en effet partir d'une intention louable qui est de freiner la spéculation financière réputée si nocive pour punir au final les instruments financiers qui ont pour objet de collecter l'épargne à long terme ?", se demande-t-elle. Si les fonds de pension ont été exclus du champ d'application de la directive, il aurait fallu aller au bout de la logique, estime Astrid Lulling en soulignant que ces derniers investissent en très grande majorité dans les instruments d'épargne collective.

Par ailleurs, Astrid Lulling dénonce une "inégalité insupportable" dans le traitement des différentes institutions financières : "les fonds d'investissement sont conduits par nature à opérer constamment des transactions sur leurs portefeuilles. C'est leur raison d'être. Taxer chaque opération au même titre par exemple que "le trading à haute fréquence", c'est donc introduire une imposition en cascade tellement désavantageuse que l'industrie des fonds européenne serait vite condamnée face à la concurrence des pays tiers qui se réjouit déjà", a-t-elle expliqué à ses pairs pour tenter de les convaincre. Sans cet amendement excluant les OPCVM du champ d’application, le texte est, pour Astrid Lulling "inacceptable et préjudiciable aux intérêts européens".

Un sondage Eurobaromètre dont les résultats ont été publiés à la veille du sommet informel du 23 mai montre que l’idée d’introduire une taxe sur les transactions financières a plutôt la côte auprès des résidents du Luxembourg : 30 % des personnes interrogées se sont dites "pleinement en faveur" du principe, 43 % sont "plutôt en faveur", tandis que 13 % seulement y sont "plutôt opposées" et 7 % "pleinement opposées". Mais entre le principe et les réalités, les eurodéputés ont eu à composer.