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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Les eurodéputés de la commission IMCO ont adopté un avis rédigé par Frank Engel sur la proposition de taxe sur les transactions financières
20-03-2012


Alors qu’au Luxembourg, l’idée d’introduire une taxe sur les transactions financières au niveau européen rencontre une vive opposition, notamment dans les milieux financiers, et que les débats au Conseil Ecofin n’ont pas permis de s’approcher d’un accord, les discussions avancent au Parlement européen.La Commission européenne a mis sur la table une proposition de taxe sur les transactions financières le 28 septembre 2011

Algirdas Semeta, commissaire en charge de la fiscalité, qui a présenté la proposition de la Commission, est venu en débattre avec les membres de la commission des Affaires économiques et monétaires au Parlement européen (ECON) le 20 mars 2012. Ce sont en effet les membres de cette commission qui seront chargés de suivre le dossier. Anni Podimata (S&D), qui en est le rapporteur, a félicité le commissaire de ne pas avoir cédé à la pression de certains États membres en faveur d'autres modèles de fiscalité pour le secteur financier. Elle a également demandé au commissaire son avis sur la progression de l’idée d’appliquer la TTF en utilisant la coopération renforcée et pourquoi la Commission n'avait pas encore publié son évaluation d'impact supplémentaire, qui montre qu'une taxe sur les transactions financières aurait un effet positif sur la croissance. Emily Turunen (Verts) a expliqué au commissaire qu'en ne publiant pas cette étude d'impact, la Commission pâtirait de la campagne du lobby financier, qui a comparé cette taxe à une "bombe nucléaire".

Algirdas Semeta a insisté sur le fait que les États membres devraient veiller à ne pas dévier sensiblement des propositions de la Commission et s'est engagé à publier l'étude d'impact avant la prochaine réunion des ministres des Finances. Il a ajouté qu'il était surpris par la manière dont le lobby financier semblait incapable de fournir des chiffres afin d'étayer ses propos, selon lesquels une taxe sur les transactions financières aurait un effet néfaste. Tout en étant en faveur d'un accord avec les 27 Etats membres, Algirdas Semeta n'a pas entièrement exclu la possibilité d'une législation sur la taxe sur les transactions financières qui s'appliquerait seulement à une partie de l'UE.

Frank Engel se félicite de la proposition de la Commission

Le même jour, la commission Marché intérieur et protection des consommateurs (IMCO), qui doit livrer un avis sur cette proposition de la Commission, a adopté un avis rédigé par l’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel (PPE), qui avait été nommé rapporteur au sein de cette commission parlementaire le 17 octobre dernier. Cet avis, soutenu par une large majorité de députés, ainsi que le rapporte Frank Engel, va devoir être pris en compte par la commission ECON.

Dans son projet d’avis, Frank Engel salue la proposition de la Commission, qui constitue, souligne-t-il, "la réponse aux appels lancés de manière répétée dans l'ensemble de l'Union européenne pour demander que le secteur financier paie également le prix de la crise actuelle" et qui répond par ailleurs "à la demande du Parlement européen de prendre des mesures dans ce domaine".

"Une TTF a trait, par définition, au marché unique", explique Frank Engel dans la "justification" introductive de son projet d’avis. "L'établissement d'un cadre juridique européen pour cette TTF poursuit un double objectif : un objectif de justice, dans la mesure où les taxes sur les transactions financières restent particulièrement rares, contrairement à celles imposées à toutes les autres transactions économiques, et un objectif d'harmonisation, car il y a lieu de développer une approche européenne unique en matière de taxation des transactions financières en appliquant des taux uniques dans toute l'Union, ou pour le moins comparables et fixés selon un taux minimal commun", poursuit l’eurodéputé luxembourgeois.

Une taxe qui doit s’appliquer à tout le territoire de l’UE et qui doit abonder le budget de l’UE

Aux yeux de Frank Engel, la TTF est aussi "étroitement liée à l'objectif visant à libérer tout le potentiel du marché unique afin de renouer avec la croissance en Europe et de nous permettre ainsi d'atteindre les objectifs établis dans le cadre de la stratégie Europe 2020". "Il y a lieu que des investissements soient réalisés au sein du marché unique et qu'ils proviennent d'une source de financement européenne", poursuit-il, concluant qu’une taxe "dont les recettes s'ajoutent au budget général de l'Union contribue à renforcer les moyens financiers nécessaires pour des investissements européens consistants destinés à revigorer l'économie de l'Union".

"Les recettes fiscales générées par la TTF alimentent le budget général de l'Union européenne", propose-t-il ainsi d’ajouter au texte proposé par la Commission. Un message on ne peut plus explicite d’un eurodéputé qui n’a de cesse de demander un accroissement du budget de l’UE et qui veille à ce que la proposition de la Commission sur ses ressources propres soit bel et bien liée à ce projet de directive sur la TTF.

Pour Frank Engel, "il va de soi que la TTF doit s'appliquer à tout le territoire de l'Union européenne". "Celle-ci possède un marché unique et un budget, ce qui n'est pas le cas de la zone euro", argue le parlementaire luxembourgeois qui estime que "la TTF, qui alimente le budget de l'Union et constitue, par conséquent, un instrument au service d'un marché unique dynamique, doit impérativement être perçue dans l'ensemble de l'Union et être applicable sur toutes les grandes places financières européennes". "Toute dérogation à ce principe pourrait entraîner des distorsions inacceptables dans le fonctionnement du marché unique", ajoute-t-il, comme en écho aux inquiétudes formulées au Luxembourg quant à une introduction de la TTF n’impliquant pas, par exemple, la place financière londonienne.

Dans un communiqué diffusé à l’issue de la réunion de la commission IMCO, Frank Engel explique par ailleurs que l’élargissement du champ d’application de la directive proposé par la commission parlementaire entend assurer que toute transaction financière ayant un quelconque lien avec l’UE serait soumise à la TTF. "Délocaliser la transaction ne suffira donc pas pour échapper à la taxation", se félicite ainsi l’eurodéputé qui précise que pour y arriver, il faudrait éliminer tout lien avec l’UE, y compris les parties contractantes et l’institution émettrice, ce qui rendrait la chose "extrêmement compliquée" à réaliser. Un moyen pour les eurodéputés de la commission IMCO de couper court en tous cas aux craintes de voir s’envoler les capitaux du territoire d’application de la directive.

Frank Engel propose de revoir nettement à la baisse le taux de taxation des OPCVM proposé par la Commission et se préoccupe aussi des fonds de pension

"La TTF doit générer suffisamment de recettes pour remplir son rôle d'instrument politique destiné à surmonter la crise", argue encore le jeune eurodéputé luxembourgeois qui précise cependant aussi que "cette taxe doit être conçue de manière à éviter de provoquer d'importantes délocalisations des institutions et des instruments financiers qui constituent la clef de voûte du secteur financier européen, ou qui représentent un potentiel de développement notable pour les places financières européennes". Un argument nourri là encore nécessairement des inquiétudes exprimées, entre autres, au Luxembourg.

D’autant que l’amendement proposé par Frank Engel dans ce contexte porte sur le taux de taxation des OPCVM, ces fonds plus connus sous leur nom anglais, UCITS, qui représentent un segment du secteur financier essentiel de la place luxembourgeoise. Si la proposition de la Commission indique un taux inférieur de 0,1 %, Frank Engel juge pour sa part plus approprié un taux réduit de 0,01 % pour les OPCVM. "La nature spécifique des OPCVM et l'intérêt qu'ils présentent pour mobiliser pleinement le potentiel du marché intérieur justifient néanmoins qu'ils soient soumis à un taux de taxation inférieur spécifique", est-il ainsi proposé en amendement.

"La TTF ne doit pas entraver le fonctionnement de structures d'investissement essentielles pour l'Union afin de garantir le développement économique et des revenus raisonnables pour les citoyens à la retraite", stipule encore Frank Engel qui propose que "les transactions financières liées à un fonds de pension ou une institution de retraite professionnelle" bénéficient d'un traitement particulier en ce qui concerne leur taux de taxation, le taux réduit de 0,01 % étant jugé approprié.

Frank Engel propose en revanche d’appliquer le taux de taxation de base de 0,1 % aux transactions financières liées à des accords concernant des produits dérivés. "Les produits financiers structurés manquant terriblement de transparence pour l'ensemble des parties concernées par ces transactions, et l'abus qui en a été fait, ont contribué au déclenchement de la crise financière après l'éclatement de la bulle immobilière aux Etats-Unis", rappelle-t-il en effet dans son introduction. Il souligne aussi que "les échanges impliquant ces instruments sont nombreux, leur volume est énorme et les recettes fiscales que l'on peut espérer engranger en les soumettant à une taxe sont particulièrement élevées". Aux yeux de Frank Engel, si la taxation devait entraîner "la délocalisation de certains éléments du commerce des dérivés, y compris dans la catégorie des transactions à haute fréquence, cette délocalisation ne devrait pas entraver le développement du marché unique européen des capitaux".

Enfin, Frank Engel plaide aussi pour que le texte entre en vigueur dès le 1er janvier 2013

"La présente directive doit entrer en vigueur très rapidement en coordination avec d'autres mesures visant à réguler les marchés financiers, à renforcer le fonctionnement du marché intérieur et à assurer la sécurité juridique. La transposition de la présente directive devrait être achevée d'ici à la fin de 2012", a proposé l’eurodéputé comme amendement. La Commission envisageait une entrée en vigueur pour le 1er janvier 2014, soit un an plus tard que ne l’espère Frank Engel.

Frank Engel envisage aussi que la Commission puisse remplacer cette directive par un règlement, "notamment s'il apparaît qu'un règlement serait mieux indiqué pour atteindre les objectifs concernant le marché intérieur et l'harmonisation". Ce règlement pourrait notamment permettre d’introduire un ensemble unique de taux de taxation fixes pour chaque catégorie de transaction financière dans l'ensemble de l'Union et définir des règles techniques pour le versement des recettes de la TTF au budget général de l'Union, est-il encore précisé. "Étant donné que l'introduction de la TTF européenne poursuit un objectif précis d'harmonisation du cadre du marché unique, il est logique de se demander si un règlement ne constitue pas l'instrument juridique le plus approprié pour instaurer cette taxe plutôt qu'une directive", explique en effet l’eurodéputé.

"De nouveaux éléments ont été apportés à l'évaluation d'impact de la Commission depuis la première fois qu'elle a été présentée au Parlement européen, et ni la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, ni le rapporteur n'ont été informés du contenu des nouvelles recherches réalisées par la Commission", déplore par ailleurs Frank Engel qui "n'apprécie pas que sa commission n'ait pas été en mesure d'avoir un aperçu du contenu de la dernière évaluation". "Il y a néanmoins lieu de supposer que les risques liés à la délocalisation et l'impact qu'une TTF pourrait avoir sur la croissance économique de l'Union ont été réexaminés de manière à renvoyer une image nettement moins négative que celle contenue dans l'évaluation d'impact publiée", écrit-il. "Quoi qu'il en soit", conclut l'eurodéputé, "l'importance et l'intérêt d'une TTF pour atteindre les objectifs du marché unique sont désormais un élément central, non seulement du présent avis, mais également de l'avis du Parlement dans son ensemble".