Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, qui est aussi en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté au sein du collège des commissaires, est l’auteure d’une tribune publiée dans l’Echo daté du 25 mai 2012. Un appel à "unir l’Europe politique pour 2020" qui part de l’analyse que la commissaire luxembourgeoise fait de la situation institutionnelle actuelle. Une analyse dont elle avait déjà communiqué certains éléments lors d’une conférence internationale qui s'est tenue à Luxembourg le 18 mai 2012.
Viviane Reding commence par remonter en arrière, revenant au traité de Maastricht et à la création de la monnaie unique, suivie de l’introduction de l’euro, "étape la plus significative de l'intégration européenne" selon elle. Mais, poursuit la commissaire, "l'encre du traité de Maastricht n'avait pas encore séché que celui-ci était déjà décrié, le système monétaire et budgétaire qu'il avait engendré étant jugé incomplet". En effet, analyse-t-elle, si le traité de Maastricht avait institué une politique monétaire unique, il laissait en revanche la responsabilité des politiques économiques, budgétaires et sociales aux gouvernements nationaux. La politique monétaire fut confiée à la Banque centrale européenne, mais le traité n'avait prévu aucun équivalent budgétaire.
Pour Viviane Reding, "cette construction asymétrique était voulue" : "Nombreux étaient ceux qui pensaient qu'elle susciterait une émulation dont ressortiraient les meilleures politiques nationales en matière d'imposition, de sécurité sociale ou d'assurance maladie. D'autres regrettaient que le traité n'ait pas prévu une union politique à part entière, mais ils ne doutaient pas que la circulation de la monnaie unique produirait un effet d'entraînement dans d'autres domaines d'action".
Aujourd’hui, après vingt ans, "les fondations commencent à s'effriter", constate Viviane Reding qui explique que "les fondations jetées par le traité de Maastricht ne sont pas suffisamment solides pour soutenir notre édifice européen".
Face à la crise de la dette souveraine, "sans relâche, les dirigeants européens ont pris les décisions qui s'imposaient pour stabiliser l'édifice européen", relate la commissaire. Elle cite pour exemple les injections de liquidités sans précédent de la BCE qui "ont permis de restaurer le toit qui avait été partiellement emporté par la tempête". Elle souligne que Commission européenne et Parlement européen "se sont battus pour que la législation de I'UE instaure un système européen de surveillance financière solide, ainsi que des contrôles européens crédibles des politiques budgétaires et macroéconomiques".
Par ailleurs, les dirigeants européens ont signé deux nouveaux traités, qui, relève Viviane Reding, "sont complémentaires" : un pacte budgétaire imposant aux pays une obligation d'équilibre budgétaire, et un traité instaurant un mécanisme de stabilité financière permettant de mobiliser un fonds monétaire pour stabiliser des pays de la zone euro avec des moyens financiers générés par des emprunts européens.
Résultat, "notre édifice européen est aujourd'hui paré contre de nouvelles tempêtes", assure Viviane Reding qui observe toutefois qu’il reste désormais "à séduire les citoyens européens".
"1. En 2013, nous (les gouvernements européens et les institutions européennes) devrions engager un débat ouvert - au sein des parlements nationaux, des partis politiques, et avec les citoyens – visant à définir l'Europe à laquelle ils aspirent pour 2020. L'année prochaine sera l'Année européenne des citoyens et sera propice à l'amorce d'un tel débat.
"2. Les prochaines élections du Parlement européen, en 2014, pourraient elles aussi nourrir un vaste débat. Devons-nous poursuivre la construction de l'édifice européen et nous acheminer vers une union politique à part entière? Pouvons-nous y associer tous les Etats membres de l'UE, ou uniquement les pays de la zone euro? Il conviendrait que les partis politiques européens expriment différentes visions et proposent chacun un candidat susceptible de devenir le prochain président de la Commission.
"3. Avant les élections du Parlement européen, il conviendrait que les dirigeants européens s'accordent sur le fait qu'une fois ce Parlement élu, le prochain président de la Commission européenne deviendra également le président du Conseil européen. Les traités actuels ont délibérément été libellés de façon à ménager cette possibilité. Ce serait une simplification de notre structure institutionnelle qui favorise le citoyen et une modification qui rendrait d'autant plus lisible nos procédures pour nos partenaires dans le monde entier. Et ce serait communautariste!
"4. Les dirigeants européens devraient convenir que le nouveau président du Conseil européen convoquera une convention pour élaborer un projet de traité sur une union politique européenne. Un tel accord devrait prévoir que le Parlement européen devienne un véritable corps législatif européen, doté d'un droit d'initiative législative et du droit exclusif d'élire la Commission en tant que gouvernement européen. Un traité sur l'union politique devrait également conférer au président de la Commission le droit de dissoudre le Parlement européen, le cas échéant.
"5. Entre 2016 et 2019, le traité sur l'union politique serait soumis à ratification dans tous les Etats membres, par voie de référendum. Il entrerait en vigueur après ratification des deux tiers des Etats membres - et seulement dans les pays qui l'ont ratifié. Une alternative s'offrirait alors aux citoyens: accepter le nouveau traité d'union politique, ou le rejeter tout en conservant un régime d'étroite collaboration, notamment en continuant à faire partie du marché unique."
Pour Viviane Reding, l’enjeu est d’évoluer vers une union politique forte, de sorte que l’UE puisse, d’ici 2020, "occuper le devant de la scène internationale". Mais pour cela, dit-elle, "nous devons être plus unis que jamais, et emporter l'adhésion de nos concitoyens", et il faut donc avoir "le courage et la patience de procéder à des réformes institutionnelles".