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Conférence sur l’Europe au 21e siècle (II) : La séance inaugurale
18-05-2012 / 19-05-2012


Mikhaïl Gorbatchev : "La période depuis la fin de la Guerre Froide a été mal utilisée"

Mikhaïl Gorbatchev, lors de l'ouverture de la conférence internationale organisée les 18 et 19 mai 2012 par l’IEEI du Luxembourg, le New Policy Forum et Notre Europe sur l'Europe du 21e siècleLors d’une conférence internationale organisée les 18 et 19 mai 2012 par l’Institut d’études européennes et internationales du Luxembourg, le New Policy Forum et Notre Europe, pour évoquer les défis et les opportunités qui se présentent à l’Europe au cours du 21e siècle, et dont la tonalité a été marquée par un grand pessimisme, le premier lamento sur l’Europe fut entonné par Mikhaïl Gorbatchev, qui a expliqué que le l’Europe du 21e siècle "n’est plus l’entité que nous connaissons", mais qu’elle était devenue "un maillon plus faible du monde". L’Europe n’a pas été en mesure de devenir un leader mondial, a-t-il regretté, alors qu’elle aurait pu devenir le moteur d’un monde dont il juge la situation préoccupante. Militarisme et course aux armements ont repris du poil de la bête, et la crise économique montre selon l’initiateur de la Pérestroïka que "la période depuis la fin de la Guerre Froide a été mal utilisée".

L’Europe a en tout cas pour lui une part de responsabilité dans le fait que l’ordre mondial soit devenu moins sûr. Cela tient du fait que la fin de la Guerre Froide a été vécue comme la victoire d’une seule partie du monde, et que l’idée d’une Grande Europe a disparu, au point que même l’UE paraît trop grande à certains. S’y ajoute qu’en Russie, la Perestroïka a été interrompue et la mise en place d’une vraie démocratie s’est éloignée.

Pour l’ancien dirigeant soviétique, une Europe unie sans la Russie n’est qu’un mythe. La grande raison de la crise est par ailleurs que l’UE se base sur un modèle de division qui mise sur les sur-bénéfices et la consommation à outrance, deux produits du consensus de Washington. La fin de crise qui se dessine se fera sur le dos du citoyen lambda, a avancé Mikhaïl Gorbatchev. La deuxième vague de la crise est déclenchée, de nouvelles voix s’élèvent qui font peur aux gens, disant que l’Europe s’effondrera. Les électeurs donnent des signes clairs pourtant, pense-t-il, et il faudrait réfléchir sur l’Europe avec de nouvelles équipes et de nouvelles approches, mais sur la ligne des pères fondateurs dont on s’est éloigné, et en prenant l’exemple sur les dirigeants chinois qui ont commencé selon lui à comprendre qu’il n’y a pas de solution aux problèmes économiques sans réformes sociales et démocratiques.

Michel Rocard : l’opinion publique et les gouvernements montrent que l’UE, désormais construite sur la méfiance, n’est plus la priorité

Michel Rocard et Viviane Reding lors de l'ouverture de la conférence internationale organisée les 18 et 19 mai 2012 par l’IEEI du Luxembourg, le New Policy Forum et Notre Europe sur l'Europe du 21e siècleMichel Rocard a lui aussi exposé son pessimisme au sujet d’un monde où différentes crises et phénomènes négatifs, qui ont des origines différentes, se rejoignent et interfèrent : crise financière, crise économique, réchauffement climatique, course aux armements, précarisation des populations, violences identitaires.

Le premier besoin est de comprendre cette "polycrise" pour la pallier. Le monétarisme gouverne le monde depuis plus de trente ans et a empoisonné les relations internationales, pense Michel Rocard. Il continue de faire croire que le marché est toujours en équilibre optimal, alors que ceux qui pensent l’économie contemporaine s’en sont écartés depuis 20 ans déjà. Il faut selon Michel Rocard un nouveau consensus, des concepts qui sécurisent la population, mais la science ne parle plus à la politique qui est en plein désarroi. L’Europe, tout comme les autres puissances économiques, doit cesser de subir la crise.

Mais c’est là où le bât blesse pour l’ancien Premier ministre français. L’opinion publique et les gouvernements montrent que l’UE n’est plus la priorité. La lutte contre la crise a par ailleurs révélé que l’UE est désormais construite sur la méfiance. Preuve en est que personne ne veut régler la dette grecque. Michel Rocard persiste néanmoins à croire que les Européens ont besoin de l’UE. Mais celle-ci ne peut fonctionner qu’à condition de renoncer au consensus, "mais la souveraineté nationale commence à devenir contre-productive", et "il faut donc y réfléchir".

Viviane Reding, à pleines vapeurs contre le pessimisme ambiant, propose l’élection du président de la Commission par le Parlement européen

Viviane Reding lors de l'ouverture de la conférence internationale organisée les 18 et 19 mai 2012 par l’IEEI du Luxembourg, le New Policy Forum et Notre Europe sur l'Europe du 21e siècleViviane Reding, la vice-présidente de la Commission  européenne, s’est, quant à elle, inscrite en faux contre le pessimisme ambiant. Le moteur franco-allemand fonctionne, la paix, la démocratie et même une certaine réunification de l’Europe sont des réalités tangibles. Selon elle, l’UE ne travaille pas pour les marchés mais pour les citoyens.

Il faudra néanmoins renforcer l’Union économique par une Union politique, par exemple en fusionnant les postes de président de la Commission et du Conseil européen. Ce seul président serait élu par le Parlement européen et formerait un gouvernement européen. Néanmoins, pour cela, il faudra changer les traités et demander par référendum aux citoyens s’ils veulent soit une union plus politique soit une zone de libre-échange avec des liens plus lâches entre les Etats membres.

Quant aux appels en faveur d’un plan Marshall pour la Grèce, Viviane Reding a rappelé que le plan Marshall de l’après-guerre contribuait à raison de 2 % du PIB à l’économie des pays occidentaux, mais que le plan d’aide à la Grèce correspondait à 162 % du PIB de ce pays. Bref, entre la solidarité européenne et celle des Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale, il n’y aucune commune mesure. 

Pour Lothar Rühl,  il n’est pas concevable que les grands Etats membres acceptent de se faire majoriser "par une coalition quelconque issue d’élections européennes"

Une déclaration qui n’a pas beaucoup plu à Lothar Rühl, chroniqueur de politique étrangère dans le quotidien allemand " Die Welt " et ancien secrétaire d’Etat à la Défense de la RFA entre 1992 et 1989. Ce dernier s’est dit opposé à "des propositions de changement radical" dans l’UE. Il n’y a pas demande de plan Marshall, a trouvé l’expert allemand, qui refuse aussi l’élection d’un président de la Commission européenne qui serait aussi président du Conseil européen. Ce serait "franchir en Allemagne une ligne rouge fixée par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe". Il faudrait changer la Constitution, car une telle proposition change du tout au tout les conditions de la souveraineté, ce qui se heurterait auprès de la population à un "rejet massif". Il n’est pas concevable pour lui que les grands Etats membres acceptent de se faire majoriser "par une coalition quelconque issue d’élections européennes, alors que l’Allemagne est déjà sous-représentée au Parlement européen". La seule légitimité démocratique pour de telles structures pourrait être atteinte avec un système plus axé sur une stricte  proportionnalité.