Dans le cadre du Conseil Affaires générales du 26 juin 2012, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a présenté un rapport sur l'avenir de l'Union économique et monétaire. Baptisée "Vers une véritable union économique et monétaire", cette feuille de route, réalisée en "étroite coopération" avec les présidents de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, et de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, servira de base de discussion au Conseil européen du 28 juin 2012.
Le sommet informel du 23 mai 2012 en avait confié la charge au président du Conseil européen. Cette mission était à comprendre comme le résultat du "consensus sur la nécessité de renforcer l’union économique de façon à ce qu’elle corresponde à l’union monétaire" décrit alors par Herman Van Rompuy.
Cette première esquisse d'un plan de route fera ensuite place à des prises de position plus détaillées. Un rapport intermédiaire devrait être livré en octobre 2012, tandis que le projet définitif, sous forme d'une feuille de route, décrivant des étapes à franchir durant la décennie à venir, serait adopté en décembre 2012.
L'objectif est de proposer une vision de l'avenir de l'Union qui puisse mieux contribuer à la croissance, aux emplois et à la stabilité, explique Herman Van Rompuy en introduction à ce texte de sept pages. Sa proposition doit offrir "une architecture complète et cohérente qui devra être mise en place durant la prochaine décennie".
Elle s'inscrit ainsi à la fois dans le prolongement de nouvelles mesures de coordination telles l'établissement du semestre européen et de la signature du pacte budgétaire. Elle propose également de nouveaux instruments tels la mutualisation des dettes futures et le principe d'une union bancaire.
Herman Van Rompuy identifie ainsi quatre pierres angulaires à cette nouvelle architecture. Elles consistent, pour les trois premières, à plus d'intégration dans les domaines financier, budgétaire et de la politique économique d'une part. Le quatrième consiste à renforcer la légitimité démocratique en vue des concessions de souveraineté importantes qu'implique cette intégration plus poussée. Elle requerra "une base démocratique forte et un soutien large des citoyens". Il serait ainsi "essentiel que le processus de réalisation de cette vision soit basée sur de larges consultation et participation". "Intégration et légitimité doivent avancer en parallèle", dit celui qui se voit reprocher par le Parlement européen de ne pas avoir impliqué son président dans ce processus de réflexion.
Cette plus forte intégration est justifiée par l'interdépendance des Etats membres européens. "La zone euro est diverse et la politique à un niveau national est la méthode la plus efficace pour beaucoup de décisions économiques", écrit Herman Van Rompuy. "Mais ces politiques ne peuvent être décidées de manière isolée si leurs effets se propagent rapidement dans la zone euro."
Les politiques nationales doivent en conséquence "refléter complètement les réalités de l'appartenance à une union monétaire". L'auteur souligne encore qu'un tel projet nécessitera beaucoup de travaux, et même "de possibles changements dans les traités européens".
Un cadre financier intégré doit permettre de corriger les défauts du cadre institutionnel destiné à la stabilité financière qui se sont fait jour depuis le début de la crise. "Aussitôt que possible", l'architecture actuelle devrait évoluer vers un système unique de supervision des banques avec un niveau européen, qui aurait la responsabilité dernière, et un niveau national. La supervision intégrée serait "essentielle pour assurer l'application effective des règles prudentielles, du contrôle des risques et de la prévention des crises à travers l'Europe."
Ce système couvrirait toute l'Union européenne, mais prévoirait des différences de fonctionnement pour tenir compte des besoins particuliers de stabilité de la zone euro. Ainsi, la Banque centrale européenne pourrait être chargée de la supervision de cette dernière après étude de toutes les possibilités prévues à l'article 127, paragraphe 6, du TFUE.
L'idée d'une "union bancaire" est exprimée à travers la défense d'une supervision unique des banques et de la création d'un mécanisme commun de garantie des dépôts. Cette supervision réduirait la probabilité de faillites bancaires, tandis que la création de garanties de dépôts communes réduirait le besoin d'interventions futures.
Ce système européen de garantie des dépôts pourrait introduire une dimension européenne aux systèmes nationaux. Cela renforcerait la crédibilité des dispositions existantes et servirait de garantie que les dépôts éligibles de toutes les institutions de crédits sont suffisamment assurés. Ce système de garantie des dépôts ainsi qu'un fonds de résolution des défaillances bancaires pourraient être créés sous le contrôle d'une autorité compétente.
Un fonds de résolution des défaillances bancaires européen, d'abord alimenté par les contributions des banques, pourrait offrir une assistance dans l'application des mesures de résolution avec l'ambition d'empêcher de nuire les institutions non viables et ainsi de "protéger les contribuables".
Dans une perspective à moyen terme, la garantie commune des dettes pourrait être étudiée "comme un élément d'une telle union budgétaire et un moyen de progrès en termes d'intégration budgétaire", considère Herman Van Rompuy quand il aborde l'effort d'intégration à faire au sujet du cadre budgétaire. Des avancées en direction d'une introduction de "dettes conjointes et souveraines" pourraient ainsi être considérées dès lors qu'un cadre pour la discipline budgétaire et la compétitivité sera en place, et que l'aléa moral sera écarté, la responsabilité et la conformité exigées.
Herman Van Rompuy avance encore que le processus allant vers la mutualisation des dettes devrait être basé sur des critères et échelonné de telle manière que la mutualisation des décisions budgétaires serait accompagnée de pas proportionnels vers la mutualisation des risques.
Un fonctionnement fluide de l'UEM n'exigerait pas seulement "l'application rapide et vigoureuse" des mesures déjà adoptées dans le cadre de la gouvernance économique renforcée de ces dernières années, mais aussi d'"opérer un mouvement qualitatif vers l'union budgétaire".
Herman Van Rompuy estime que "des mécanismes efficaces pour prévenir et corriger les politiques budgétaires non durables dans chaque Etat membre sont essentielles". Ainsi, des limites aux équilibres budgétaires et au niveau de dettes acceptées par les Etats membres pourraient faire l'objet d'un accord commun. Par exemple, une dette supérieure à la limite acceptée en commun serait à justifier par l'Etat membre et devrait recevoir une approbation.
La zone euro serait également en position de demander des changements à l'enveloppe budgétaire d’un Etat membre si celle-ci viole les règles budgétaires.
Herman Van Rompuy explique encore qu'une "union budgétaire à part entière supposerait le développement d'une capacité plus importante au niveau européen, à même de gérer des interdépendances économiques, et en définitive la mise en place, au niveau de la zone euro, d'une instance budgétaire de type ministère des finances".
Une intégration économique plus forte est aussi nécessaire pour stimuler la coordination et la convergence entre les pays de la zone euro dans différents domaines politiques. Herman Van Rompuy évoque la lutte contre les distorsions de la concurrence, la capacité d'ajustement aux chocs et la compétitivité dans une économie mondiale globalisée. Cela serait une "contrepartie essentielle aux cadres financier et budgétaire".
Le renforcement de l'intégration serait aussi utile pour ce qui est de mener des politiques dans des domaines tels que la mobilité des travailleurs et la coordination fiscale.
A ce chapitre correspond également la volonté de rendre le cadre pour la coordination des politiques budgétaires (le semestre européen et le Pacte budgétaire) "plus applicable" pour assurer que les politiques non durables ne mettent pas la stabilité de l'UEM en jeu.
"Les décisions sur les budgets nationaux sont au cœur des démocraties parlementaires européennes", affirme le président du Conseil européen. "Se diriger vers une prise de décision économique plus intégrée entre les pays requerra des mécanismes forts pour légitimer la prise de décision conjointe." En conséquence, "il est essentiel de construire un soutien public pour des décisions européennes qui auront un impact important sur la vie quotidienne des citoyens."
Pour ce faire, l'auteur du rapport souligne qu'une forte implication du Parlement européen et des Parlements nationaux sera centrale et se fera dans le respect de la méthode communautaire. Il cite le protocole 1 du TFUE sur le rôle des parlements nationaux, qui offre un cadre approprié pour une coopération interparlementaire.
Dans l'introduction de son rapport, Herman Van Rompuy confie qu'il espère obtenir un consensus sur son rapport dès le sommet du 28 juin. Le 27 juin, s'exprimant devant un centre de réflexion à Bruxelles, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a déclaré que "cette crise est la plus grande menace que nous ayons connue depuis les construction européenne il y a 60 ans. Face à cette réalité, l'immobilisme n'est pas de mise. Il faut faire un grand pas en avant".
Toutefois, les débats européen risquent d'être houleux au Conseil européen. En effet, le contenu du texte a été fraîchement reçu du côté allemand. Le papier miserait trop sur la mutualisation des dettes, à travers notamment les eurobonds.
"Commencer par la mutualisation des dettes, que ce rapport présente un peu comme la solution de tous les maux, nous considérons que c'est la mauvaise voie", a dit le ministre allemand adjoint aux Affaires étrangères, Michael Link, qui a par ailleurs estimé que le papier de Van Rompuy se lisait "par endroits comme une liste d’envies".
La chancelière allemande avait garanti le même jour, le 26 juin 2012, devant des députés allemands libéraux qu'il n'y aurait pas d'euro-obligations" "aussi longtemps qu'[elle] vivrai[t]".
La proposition d'Herman Van Rompuy semble mieux accepté par la France, qui entend faire plier l'Allemagne sur les eurobonds et la croissance, quitte à concéder plus d'intégration. Le ministre français du Budget, Jérôme Cahuzac, s'y est déclaré favorable en y voyant un "partage" et non un "abandon de souveraineté" : "Il faut que la France et l'Allemagne s'entendent. (…) Il faut que l'Allemagne cesse de fantasmer l'inflation (…) et puis il faut que la France comprenne que c'est aussi peut-être l'intérêt de notre pays, de la France, de procéder à ce partage de souveraineté."