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Les chefs d’État et de gouvernement s’entendent sur le texte d’un traité international à 25 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM à l’occasion d’un sommet informel qui entendait miser sur la croissance et l'emploi
30-01-2012


Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE se sont réunis à Bruxelles le 30 janvier 2012 pour un Conseil informel qui s’est tenu sous la présidence d’Herman Van Rompuy. Jean-Claude Juncker qui, en tant que président de l’Eurogroupe, avait grandement œuvré à sa préparation, y représentait le Luxembourg.

Au-delà des discussions sur le traité ESM et sur le traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, à savoir le fameux pacte budgétaire que les chefs d’État et de gouvernement de 26 pays avaient appelé de leurs vœux le 9 décembre dernier, l’objectif de ce sommet informel était de discuter de la croissance économique et de l’emploi, éléments que de nombreuses voix appellent à prendre plus en considération depuis des mois dans le contexte de la crise.

Le sommet informel s’est consacré à la croissance et à l’emploi en fixant trois priorités : créer de l’emploi pour les jeunes, aider les PME à accéder aux financements et avancer dans la mise en œuvre du marché unique

"Nous avons eu une longue discussion sur les moyens d'arriver à plus de croissance et un taux d'emploi plus élevé", a expliqué Jean-Claude Juncker à l’issue de la rencontre. "La croissance n'est possible qu'à condition d'avoir des finances publiques saines, mais la stratégie qui consiste à uniquement exiger de la consolidation budgétaire n'est pas suffisante, il faut également donner des impulsions de croissance", a-t-il déclaré, répétant une position souvent défendue. José Manuel Barroso et Hermna Van Rompuy présentant à la presse les résultats du sommet informel du 30 janvier 2012 (c) Le Conseil de l'UE

Comme Herman Van Rompuy l’a expliqué à la presse à l’issue du sommet, les chefs d’État et de gouvernement se sont concentrés sur trois priorités.

Il s’agit en premier lieu de créer de l’emploi, et ce notamment pour les jeunes.

Chaque État membre va donc devoir présenter dans son programme national de réforme les mesures concrètes qu'il adoptera pour faire face aux problèmes liés au chômage des jeunes en établissant des "plans nationaux pour l'emploi", des mesures qui feront l'objet d'un suivi renforcé dans le cadre du semestre européen.  Il s’agira  d'intensifier les efforts visant à aider les jeunes à acquérir une première expérience professionnelle et à participer au marché du travail: "il faudrait viser à ce que, en l'espace de quelques mois suivant leur sortie de l'école, les jeunes se voient proposer un emploi de bonne qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage", préconisent les conclusions. Il est donc envisagé d'augmenter de manière considérable les possibilités d'apprentissages et de stages, de redoubler d'efforts pour que les jeunes en décrochage scolaire suivent une formation, d'utiliser pleinement EURES, le portail sur la mobilité de l'emploi, pour faciliter le placement des jeunes dans un autre État membre et enfin d'ouvrir davantage les secteurs protégés en levant les restrictions injustifiées qui pèsent sur les services professionnels ainsi que sur le secteur du commerce de détail.

L'UE "soutiendra ces efforts", indiquent encore les conclusions, en coopérant notamment avec les États membres dont le taux de chômage chez les jeunes est le plus élevé, afin de réaffecter les fonds disponibles de l'UE en faveur de l'emploi et de la formation des jeunes. L’UE entend aussi s’appuyer sur des programmes comme Leonardo da Vinci pour renforcer la mobilité des étudiants en augmentant le nombre de placements dans des entreprises, mais aussi de recourir au FSE pour soutenir la mise en place de dispositifs d'apprentissage et de dispositifs de soutien en faveur des jeunes entrepreneurs et entrepreneurs sociaux. Il s’agit enfin de renforcer la mobilité transfrontière de la main-d'œuvre.

La deuxième priorité est d’aider l’économie, et notamment les PME, à se financer.

Les chefs d’État et de gouvernement se sont donc entendus sur des mesures d’urgence à mettre en œuvre d’ici le mois de juin 2012. Il est ainsi prévu d’assurer une meilleure mobilisation des fonds structurels par une mise en œuvre accélérée des programmes et projets existants ainsi que, le cas échéant, la reprogrammation des fonds et l'engagement rapide des fonds non encore affectés à des projets précis, une attention particulière étant accordée au renforcement de la croissance et à la création d'emplois. Une réflexion visant à renforcer le soutien de la BEI en faveur des PME et des infrastructures est lancée. Les propositions de la Commission relatives à une phase pilote pour le recours aux emprunts obligataires destinés au financement de projets dans le but d'encourager le financement privé des grands projets d'infrastructure vont par ailleurs être examinées "sans tarder".

Les conclusions appellent aussi à garantir un accès plus large au capital à risque dans toute l'Europe en approuvant le passeport européen avant le mois de juin. Il va s’agir de promouvoir le rôle de l'instrument européen de micro-financement Progress pour soutenir les micro-entreprises, mais aussi de redoubler d'efforts pour améliorer l'environnement dans lequel les PME exercent leur activité, notamment s'agissant de l'allégement des charges administratives et réglementaires injustifiées. Les mesures nécessitant une action au niveau national seront dûment prises en compte dans les programmes nationaux de réforme des États membres, est-il précisé dans les conclusions.

Herman Van Rompuy et Jean-Claude Juncker au sommet informel du 30 janvier 2012 (c) Le Conseil de l'UELa troisième priorité, c’est le marché unique.

En plus d’insister sur la nécessaire mise en œuvre rapide et pleine des décisions déjà arrêtées afin de tirer pleinement parti des possibilités du marché unique, les chefs d’État et de gouvernement appellent de leurs vœux un accord sur la normalisation, sur l'efficacité énergétique et sur la simplification des obligations comptables d'ici la fin du mois de juin 2012, ainsi qu’un accord sur la simplification des règles en matière de passation des marchés publics d'ici la fin de l'année. Ils se sont aussi entendus sur le principe d’une mise en œuvre rapide du plan d'action de la Commission dans le domaine du commerce électronique ainsi que sur un accord sur les règles en matière de règlement en ligne des litiges et d'itinérance d'ici juin 2012. Ils appellent la Commission à présenter une nouvelle proposition relative à la signature électronique avant juin 2012, mais ils plaident aussi pour la modernisation du régime européen de protection des droits d'auteur.

Les États membres participants s'engagent par ailleurs à parvenir en juin 2012 au plus tard à un accord final sur la dernière question en suspens concernant le train de mesures relatif aux brevets.

Il est prévu que le Conseil fasse le point en vue du Conseil européen de juin 2012 sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la législation relative au marché unique, en s'appuyant sur le tableau d'affichage du marché intérieur établi par la Commission.

Le traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance est établi dans sa version définitive, prêt à être signé en mars prochain par 25 États membres de l’UE

Autre volet essentiel abordé au cours de ce sommet informel, les mesures visant à renforcer la stabilité dans la zone euro.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire a ainsi été établi dans sa version définitive.

Ce sont finalement vingt-cinq États qui s’apprêtent à signer ce traité, la République tchèque ayant rallié au dernier moment la Grande-Bretagne en invoquant des problèmes "constitutionnels". Le Premier ministre Petr Necas, chef du parti de droite ODS, s’en est expliqué à la presse au lendemain du sommet, racontant au quotidien tchèque Lidove Noviny avoir "clairement dit non" à un pacte qui "ne nous apporte rien de bon". Petr Necas a évoqué "trois objections de fond" à ce pacte. "Primo, la participation aux sommets de la zone euro est limitée. Secundo, le projet ne prête pas suffisamment attention au critère de dette. Et tertio, la procédure de ratification est compliquée et peu claire en République tchèque", a-t-il déclaré au quotidien. "Selon la Constitution, le Premier ministre doit recevoir les pleins pouvoirs du président de la République, pour signer un traité intergouvernemental de type présidentiel. Et (le président Klaus) a dit qu'il ne le soutiendrait pas", avait-il aussi déclaré la veille au soir à Bruxelles, ainsi que le rapporte la presse tchèque.  Avant de quitter Bruxelles, Petr Necas a cependant admis que la République tchèque pourrait encore revoir sa position et se joindre plus tard aux signataires du document.

Comme prévu lors du Conseil européen de décembre 2011, le nouveau traité prévoit que les budgets nationaux doivent être à l’équilibre ou excédentaires, un critère rempli si le déficit structurel annuel ne dépasse pas 0,5 % du PIB. Cette règle de l’équilibre budgétaire doit être incorporée dans le droit national des États membres, à un niveau constitutionnel ou équivalent, dans un délai d’un an. En cas de non-respect de cette règle, un mécanisme de correction automatique défini par chaque État membre sur la base de principes proposés par la Commission européenne sera déclenché.

La CJUE sera compétente pour vérifier la transposition en droit national de la règle de l’équilibre budgétaire. Sa décision est contraignante et peut être suivie d’une sanction pouvant atteindre 0,1 % du PIB qui sera versée à l’ESM. Les conclusions indiquent qu’un arrangement sera adopté en mars en ce qui concerne la procédure à suivre pour saisir la Cour de justice des cas de non-respect du traité.

Le traité élargit l’usage de la majorité qualifiée inversée pour décider de placer ou non un pays en procédure de déficit excessif, ainsi que pour imposer ou non des sanctions.

En matière de coordination et de convergence des politiques économiques et de gouvernance de la zone euro, leNicolsa Sarkozy et Jean-Claude Juncker au sommet informel du 30 janvier 2012 (c) Le Conseil de l'UE traité prévoit notamment la tenue de sommets de l’Euro au moins deux fois par an. Jusqu’au dernier moment, les discussions ont été vives au sujet de ces sommets. La question était de savoir qui pourrait y participer : l’ensemble des signataires du traité, ainsi que le revendiquait notamment la Pologne, ou bien exclusivement les pays de la zone euro ? Le compromis trouvé prévoit en fin de compte que tous les pays signataires du traité - y compris ceux qui n'utilisent pas encore l'euro - soient invités "au moins" une fois par an lorsque des sujets les concernant seront abordés.

Ce traité international qui sera signé en marge du Conseil européen des 1er et 2 mars entrera en vigueur une fois qu’il aura été ratifié par douze États membres de la zone euro. Il est ouvert à des pays de l’UE qui ne sont actuellement pas membres de la zone euro.

"Nous avons retenu qu'une fois le traité ratifié par 12 États membres, il entrera en vigueur, évidemment seulement pour les États membres qui l'auront ratifié, et pas pour les autres", a expliqué Jean-Claude Juncker en réponse à un journaliste. "Cela implique le risque qu'il n'y ait pas suffisamment de pression pour que tous les parlements ne ratifient le traité, mais en revanche cela exclut le risque autrement plus grand qu'un parlement qui refuse de ratifier le traité puisse ainsi bloquer son entrée en vigueur pour tous les autres États membres", a-t-il reconnu, ainsi qu’il l’avait souligné lors de sa déclaration à la Chambre.

"Il est rare dans l'histoire de l'Union européenne que l'on réussisse à boucler un nouveau traité en six semaines," s’est félicité Jean-Claude Juncker qui a rappelé que le nouveau traité serait transposé au Luxembourg via une loi d'approbation. "La transcription de la "règle d'or" - qui n'est en fait que la règle du bon sens qui consiste à présenter des budgets en équilibre - se fera via la législation normale; nous ne l'inscriront pas dans notre Constitution", a précisé le Premier ministre luxembourgeois.

Le traité instituant l’EMS est prêt à être signé

Il ressort par ailleurs de ce sommet informel que le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (EMS), sur lequel les ministres des Finances s’étaient entendus le 23 janvier dernier, est prêt à être signé, l'objectif étant qu'il entre en vigueur en juillet 2012. Ce mécanisme permanent de gestion de crise contribuera à renforcer la confiance, la solidarité et la stabilité financière dans la zone euro. Il disposera d'un large éventail d'instruments et reposera sur une base financière solide. Les ministres des Finances de la zone euro sont invités à signer le traité lors du prochain Eurogroupe.

Comme cela a été convenu en décembre, les chefs d’État et de gouvernement réexamineront au mois de mars, si les ressources disponibles au titre du Fonds européen de stabilité financière (EFSF) et de l’EMS sont suffisantes.

"Nous sentons une évolution dans la position de l'Allemagne et je suis optimiste", a déclaré à ce sujet le chef du gouvernement italien Mario Monti, car "il est important que la dotation de ce Fonds soit adaptée".

Les chefs d’État et de gouvernement appellent les autorités grecques "à mener à bien, dans les jours qui viennent, les négociations sur le nouveau programme"

Si le sujet n’était pas à l’ordre du jour, il a cependant été question de la Grèce au cours de ces longues discussions. "Nous n'avons pas beaucoup parlé de la Grèce, sauf pour être d'accord que les négociations avec les créanciers privés devraient être achevées dans les meilleurs délais", a ainsi précisé Jean-Claude Juncker à l’issue de la réunion.

Les chefs d’États et de gouvernement disent, dans les conclusions, avoir "pris acte des progrès accomplis dans les négociations avec le secteur privé pour parvenir à un accord conformément aux paramètres arrêtés en octobre". Ils invitent "instamment les autorités grecques ainsi que toutes les parties concernées à mener à bien, dans les jours qui viennent, les négociations sur le nouveau programme".

"Pour rétablir la crédibilité, il faut que tous les partis politiques affirment irrévocablement leur adhésion à ce nouveau programme", mettent encore en garde les chefs d’État et de gouvernement.

Les ministres des Finances sont invités à "prendre toutes les mesures nécessaires pour que l'accord sur la participation du secteur privé soit mis en œuvre et pour que le nouveau programme, y compris les actions préalables, soit adopté suffisamment à temps pour que l'opération de participation du secteur privé soit lancée d'ici la mi-février".

Le Premier ministre grec Lucas Papademos a expliqué à l’occasion d’une conférence de presse que l’objectif était « de trouver un accord simultanément" avec le secteur privé et avec les créanciers publics, et il a émis l’espoir de pouvoir achever les négociations "d'ici la fin de la semaine".

Jean-Claude Juncker à son arrivée au sommet informel du 30 janvier 2012 (c) Le Conseil de l'UELa question grecque a cependant eu un certain retentissement dans les médias à l’occasion de ce sommet informel, et ce en raison d’une proposition polémique visant à placer Athènes sous tutelle budgétaire. L’idée, qui provenait de sources allemandes, était de donner à un commissaire européen un droit de veto sur les décisions budgétaires du gouvernement. "Soit nous avançons sur la voie démocratique où chaque pays est responsable de sa propre politique, soit nous sapons la démocratie dans l'Europe entière", avait réagi Georges Papandréou, le chef de file des socialistes grecs et ex-Premier ministre. Le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn, avait réagi lui aussi en appelant l’Allemagne à plus de prudence et à "ne pas blesser plus que nécessaire" le peuple grec.

Jean-Claude Juncker a expliqué à l’issue du sommet que le sujet n’avait pas été discuté lors de la réunion."J'estime donc que la question n'est pas sur la table", en a-t-il conclu. Cependant, sans rejeter complètement l'idée d'une mise sous tutelle d'un Etat, Jean-Claude Juncker a expliqué qu’il se serait "attendu à ce que ceux qui défendent cette idée viennent l'exposer dans le contexte des discussions autour du nouveau traité que nous venons de décider". "Or, tel ne fut pas le cas", a-t-il rapporté, disant regretter "qu’on fasse dans le contexte d'une mise sous tutelle uniquement allusion à la Grèce" : "j'aurais préféré une formulation qui implique tous les cas de figure", a confié Jean-Claude Juncker.

Pour ce qui est de l’idée d’instaurer un mécanisme, tel que proposé par l'Allemagne, consistant à engager la Grèce à payer d'abord ses créanciers, le Premier ministre a expliqué que la question n’avait pas été abordée par le Conseil européen.  "Cependant, la question mérite à être examinée, parce si on trouvait une solution qui permettrait de mettre en place un mécanisme de ce type, cette solution rassurerait les créanciers, parce qu'ils seraient certains de rentrer dans leurs droits", a-t-il confié à la presse.