Claude Turmes considère qu' "une nouvelle fenêtre de temps pour résoudre la crise de l'euro" s'est ouverte avec l'élection du président français, François Hollande. Et dans le repositionnement politique qui s'opère en Europe, Berlin joue un grand rôle. Or, concernant des sujets comme la taxe sur les transactions financières et le renforcement de l'union politique, des modifications constitutionnelles sont nécessaires pour lesquels le gouvernement a besoin d'une majorité des deux tiers, et donc des voix des partis de gauche. Ainsi, soulignait Claude Turmes, "le SPD et les Verts sont des importants formateurs de la politique européenne".
Or, les Verts allemands, ensemble avec les sociaux-démocrates du SPD, défendent la croissance. "Pour nous, il n'y a pas de contradiction entre la consolidation du budget, le renfort de la compétitivité d'une part et la croissance d'autre part." Les Verts, qui sont sur ce point tombés d'accord à quasiment 100 % avec les sociaux-démocrates, s'emploient en tout cas pour que cette croissance ne soit pas celle du passé qui passe par des dépenses en faveur de constructions de ponts ou de grands projets routiers. "Il faut des investissements durables, investir dans la capacité de la société à affronter le futur." Et donc financer des programmes utiles à la lutte contre le changement climatique et à la transition énergétique, ce qui, souligne encore Cem Özdemir, implique aussi d'investir dans la recherche et l'éducation.
Claude Turmes est d'avis que le pacte croissance qui devrait se négocier au sommet européen de la fin du mois de juin, sera un pacte vert. "La majorité des membres de la Commission poussent en ce sens", se plaît-il à constater. Et puis la présidence de l'Union européenne est endossée par un pionnier en la matière, le Danemark.
L'écologiste allemand s'amuse qu'on demande inlassablement aux politiciens allemands, indépendamment de leur couleur politique, "pourquoi les Allemands sont obsédés par l'austérité". En Allemagne, alors que la vision dominante est : "nous avons fait les réformes importantes à un moment où les autres faisaient la fête et maintenant nous devons régler la facture de la fête", les Verts s'emploient à défendre un autre message. Cem Özdemir souligne au contraire que "l'Allemagne a tiré profit de l'Union européenne", puisque 60 % de ses exportations sont réalisées dans l'Union européenne.
Il ne s'agit pas pour autant de se considérer comme un modèle à suivre : "La proposition de Merkel pour résoudre la crise, à savoir suivre le modèle allemand, et avant tout miser sur l'austérité, a déjà été pratiquement adopté à 100 % par l'Espagne. L'Espagne se tient à la lettre à ce que Madame Merkel et le gouvernement disent, le résultat est connu. Ça a des conséquences dramatiques, pas seulement en termes de chômage de jeunes et de difficultés sociales mais aussi en termes de croissance négative et donc de possibilités de réduire l'endettement." Or, la récession dans les pays qui sont clients de l'Allemagne serait nocive à cette dernière.
Contre l'infléchissement de sa position sur l'austérité, la chancelière Angela Merkel entend obtenir un approfondissement de l'Union politique, comme elle l'a fait savoir ce même jour du 7 juin 2012. Cem Özdemir partage cette revendication mais la juge insuffisante. " Madame Merkel ne peut pas convaincre les Français, si elle vient juste avec l'Union politique sans l'union fiscale. (…) Il y aura une union fiscale que nous Verts défendons, que s'il y a simultanément une union politique. Il est important qu'avec le président Hollande (…), il y ait la volonté de créer à Bruxelles des institutions qui ont des dents, qui peuvent mordre, seulement alors ça fonctionnera. Nous devons rompre ce dualisme où les uns disent "Nous avons besoin d'une union fiscale" et les autres disent "Nous avons besoin d'une union politique". Alors, nous aurons une chance de contribuer à la tranquillisation des marchés, et d'envoyer le signal que nous allons sortir de la crise au lieu de ne faire qu'aller de sommet en sommet, de crise en crise."
Plutôt que les eurobonds, qui, estime Cem Özdemir, seraient trop longs à mettre en place, étant donné les changements constitutionnels à entreprendre, les Verts préfèrent défendre l'idée d'un "fonds de crise des dettes". Il "pourrait contribuer à ce que les pays aient la perspective de sortir de la perspective de l'endettement et d'avancer". Ils espèrent, et étudient le cas, que sa création pourrait se passer justement d'un changement de constitution. En attendant, "le gouvernement dit que c'est une sous-forme d'eurobonds et le refuse."
Cem Özdemir est d'ailleurs inquiet de la posture du gouvernement allemand qui traîne des pieds pour des raisons qui ne lui apparaissent pas nécessairement légitimes. "Notre plus grand souci concernant la zone euro est que par le gouvernement allemand, qui hésite pour des raisons internes, qui est traversé par des querelles au sein de la coalition, toute la zone euro ne soit mise en danger."
Dans ce débat européen, Claude Turmes souligne aussi l'intérêt stratégique du positionnement du Luxembourg entre ses deux grands voisins. Il cite notamment la taxe sur les transactions financières, sujet sur lequel il voit deux orientations s'affronter, celle du Premier ministre, Jean-Claude Juncker et celle de son ministre des Finances, Luc Frieden. "Est ce que le Luxembourg est un pays qui soutient la France et l'Allemagne pour des réformes sociales et écologiques, ou est-il en quelque sorte une plate-forme pour une globalisation sans aucune règle?" Pour Claude Turmes, telle est la question.
Interrogés sur un succès du sommet sur le climat Rio+20, les deux écologistes ont émis peu d'espoirs. Claude Turmes déclare qu'il n'y a rien à attendre de ce sommet. Pour des raisons d'abord de calendrier, puisque les Etats-Unis ne prendront pas de décision en période préélectorale, comme d'ailleurs à Rio vingt ans auparavant. Ensuite, parce que le Brésil, qui poursuit "une croissance sans fin, sans précautions", bloque également. Claude Turmes estime toutefois que l'occasion de ce sommet pourrait être mise à profit au Luxembourg pour tirer un bilan sur vingt ans tout en invitant à réfléchir sur le modèle d'"une des économies les moins durables du monde".