Le 23 mai 2012, les dirigeants des Vingt-Sept se réunissent pour un sommet informel en préparation du sommet européen de la fin du mois de juin suivant. Le 21 mai 2012, l'eurodéputé vert, Claude Turmes, a ainsi présenté ses propositions de sortie de crise au gouvernement luxembourgeois. Ce dernier est invité à saisir la "chance historique" que constitue l'élection de François Hollande à la présidence française, et l'isolement de la chancelière allemande Angela Merkel dans sa défense de l'austérité.
Pour Claude Turmes, les six semaines à venir seront donc déterminantes. Pour cause, une "fenêtre temporelle" favorable est ouverte afin de prendre des décisions qui permettront enfin à l'Union européenne de retrouver de l'air, aux jeunes de l'emploi, à la société un avenir. Il s'agit de "sortir socialement, écologiquement et sûrement de la crise". La victoire de François Hollande a ouvert pour Claude Turmes, "un nouveau moment politique". C'est "l'occasion de donner une chance à une nouvelle politique qui donne plus de résultats". Déi Gréng ne voteront en effet pas le pacte fiscal à la Chambre des députés.
Claude Turmes veut croire que la politique menée depuis trois ans par Merkel et Sarkozy appartiendra bientôt au passé. Ainsi, fait-il constater, le revirement spectaculaire qui a eu lieu en Allemagne où la Süddeutsche Zeitung a titré en fin de semaine sur l'isolement international de la chancelière Angela Merkel et où les syndicats négocient des hausses de salaire pour renforcer le marché intérieur et revenir sur la dépendance à l'exportation.
Pour l'eurodéputé, il n'y a pas de fatalité. Des solutions existent pour éviter une austérité néfaste.
L'écologiste met la lutte contre "l'effrayant chômage des jeunes" au sommet des trois priorités que devraient adopter la politique européenne. Un cinquième des jeunes Européens de moins de 25 ans sont sans emploi. Les écologistes qualifient cette situation de "bombe à retardement". Pour résoudre ce problème, les membres de l'Union européenne doivent disposer de nouveaux moyens d'intervention financiers.
La réduction de la dépendance aux importations de pétrole et de gaz constitue une mesure d'épargne pertinente. Le coût de ces matières a tellement augmenté que les achats effectués hors UE pour ces sources d'énergie s'élèvent désormais à 500 milliards d'euros. "C'est le plus grand transfert de richesses organisé depuis l'Europe vers l'extérieur", dit Claude Turmes.
Ce dernier fait d'ailleurs remarquer que les cinq pays qui possèdent la plus grande part de pétrole et de gaz importés dans leur consommation d'énergie au monde sont l'Irlande, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et la Grèce, les cinq Etats membres de l'UE les plus touchés par la crise actuelle.
Pour "agir rapidement", il y a aux yeux de Claude Turmes deux possibilités. La première consiste à actionner le levier écologique, par une transposition ambitieuse de la directive sur l'efficience énergétique dont il est le rapporteur et dont les négociations s'achèveront à la fin du mois de juin 2012.
La seconde consiste à rediriger les moyens financiers des fonds structurels de l'Union européenne qui ne sont pas épuisés. D'ici la fin de juin 2012, les Vingt-Sept doivent présenter un rapport sur la manière dont ils ont dépensé ces fonds dans le cadre du programme pluriannuel 2006-13. Il est d'ores et déjà connu que l'Espagne n'a pas exploité 15 à 20 % des fonds qui lui sont destinés. La Grèce, la Pologne et d'autres Etats sont dans une semblable situation. "J'espère que dans les conclusions du sommet il sera indiqué que cet argent doit être réaffecté pour le chômage des jeunes et pour la promotion des petites et moyennes entreprises qui souffrent financièrement", dit Claude Turmes.
Les écologistes pensent notamment au lancement d'un vaste programme européen de rénovation des logements. C'est, selon Claude Turmes, la manière la plus efficace d'employer l'argent européen puisque ce type d'investissement crée plus d'emplois durables et impose moins de frais de fonctionnement que la construction d'un pont ou d'un stade de footnall. L'investissement aujourd'hui dans ces projets, c'est "l'amélioration demain du pouvoir d'achat". Ces investissements ont ainsi l'intérêt d'être demandeurs de main d'œuvre "intellectuelle" d'une part, et artisanale de l'autre. En Allemagne, un projet pilote de rénovation de 2,4 millions de logements a permis de créer entre 2008 et 2010, 600 000 emplois dans les domaines de l'artisanat, de la construction, de l'architecture, du conseil et du management.
Déi Gréng avancent par ailleurs l'idée de la mise sur pied d'un programme de formation continue baptisé "Green jobs" et financé par le Fonds social européen, lequel permettrait au Danemark et à l'Allemagne de proposer des formations continue à de jeunes chômeurs du Sud de l'Europe.
Les Verts sont enfin pour la généralisation d'une garantie offerte aux jeunes chômeurs de recevoir une offre de formation ou d'emploi, dans les quatre mois qui suivent leur inscription comme demandeurs d'emploi. Le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit, a selon Claude Turmes repris cette idée de la Commission qui l'avait elle-même tirée d'une proposition d'une eurodéputée verte.
Pour lever de nouveaux fonds, Claude Turmes considère qu'il existe à côté de la sortie de la dépendance au pétrole et au gaz, des outils fiscaux et institutionnels.
Il partage ainsi la vue du président français, François Hollande, quand celui-ci réclame une meilleure utilisation des moyens offerts par la Banque européenne d'investissement. Celle-ci a dû depuis 2009, sous la menace de déclassement des agences de notation, réduire ses crédits pour des investissements dans des projets de 85 à 55 milliards d'euros. Claude Turmes est donc d'accord avec François Hollande pour interpeller la scène politique : "Si la BCE a donné plus de mille milliards aux banques à un faible taux, pourquoi ne serait-ce pas possible de faire la même chose par rapport à la BEI ?" Pour les Verts, un euro prêté à la BEI débouchera sur 10 euros investis. Ainsi serait il possible de donner de nouveaux moyens à la BEI sous la forme par exemple des fameux "project bonds" garantis par le budget européen. Une approche complémentaire serait la recapitalisation de la BEI.
Les écologistes entendent par ailleurs compenser la perte de recettes étatiques qu'a provoquée la compétitition fiscale entre Etats membres ces dernières décennies. Les Verts plaident pour la mise en place de la taxe sur la transaction financière, un "impôt juste" qui "ne trouble pas la marche de l'économie". A ce sujet, Turmes a répondu à un journaliste qu'il ne juge "pas sérieux" que le gouvernement luxembourgeois "s'y oppose radicalement" alors qu'il aurait dans le détail de l'accord à signer la possibilité de se prémunir contre des effets indésirables. Pour lui, il n'est par ailleurs pas sûr que l'introduction de la TTF conduise à une réduction des rentrées liées à la taxe d'abonnement, 600 millions dans le budget luxembourgeois.
Les écologistes défendent encore la lutte contre l'évasion fiscale (et l'échange automatique d'informations) mais aussi l'augmentation du volume des recettes tirées du marché des certificats d'émission de CO2. Sur ce marché, la tonne de CO2 stagne au prix considéré comme faible de huit euros par tonne, en raison d'une "surallocation". Pour faire monter les prix, il serait possible de retirer des allocations du marché ou de porter l'objectif fixé pour 2020 de 20 à 30 % la part de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il y a avec une adaptation des prix, selon les écologistes, ici un potentiel de deux cent milliards d'euros pour les budgets nationaux sur la période 2013-20.