Le 11 juillet 2012, la Chambre des députés a adopté à 59 voix sur 60 après quatre minutes de débat le projet de loi 6368 déterminant le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions du règlement CE/1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
Entré en vigueur depuis le 3 décembre 2009, le règlement européen avait pour but "de sauvegarder les droits des voyageurs ferroviaires et d’améliorer la qualité et l’efficacité des services ferroviaires de voyageurs afin d’aider à accroître la part du transport ferroviaire par rapport aux autres modes de transport", et mettait un accent particulier sur l'accessibilité aux gares et aux trains des personnes handicapées afin que leur soit garanti qu'ils puissent voyager de la même manière que les valides.
Il établissait ainsi des règles concernant:
Ce règlement européen a notamment uniformisé les conditions de remboursement des billets, à savoir le paiement d’une indemnisation équivalente à 25 % du prix du billet en cas de retard compris entre 60 et 119 minutes et à 50 % en cas de retard de 120 minutes ou plus, le remboursement de tout ou partie du prix du billet en cas d'un train annulé ou en cas d'un retard prévisible de plus de 60 minutes, en cas de renoncement au voyage ainsi qu'il garantissait une assistance ou un rafraîchissement en cas d'un retard prévisible de plus de 60 minutes, ainsi que la prise en charge d’un hébergement ou d’une alternative de transport, en cas d'impossibilité de poursuivre le voyage le même jour.
La loi adoptée par les députés définit donc les sanctions pour chaque violation du règlement.
Toutefois, les dispositions du règlement européen ne s'appliquent pas toutes de la même manière au Luxembourg.
En effet, le 1er décembre 2009, le gouvernement avait déjà une première fois légiféré en publiant un règlement grand-ducal instituant des dérogations pour certains services de transport ferroviaire, comme le règlement européen lui en laissait le loisir.
S'il s'agit d'un voyage à l'intérieur du pays ou en direction de la Grande Région, seules certaines dispositions du règlement européen sont obligatoirement observées. En conséquence, la loi adoptée le 11 juillet 2012 ne réserve des sanctions administratives qu'au non-respect des dispositions qui ne tombent pas sous le coup de la dérogation. Seuls les voyages internationaux sont soumis à l'ensemble du règlement.
En cas de violation des dispositions du règlement européen, la Communauté des Transports, qui est l’autorité désignée par le règlement grand-ducal du 1er décembre 2009, pourra donc désormais prononcer deux types de sanctions administratives :
Dans chaque cas, le service ferroviaire de transport de voyageurs concerné aura le droit d’être entendu par la Communauté des Transports et de présenter ses observations.
Les amendes administratives, à régler dans les trente jours, varient entre 250 et 10.000 euros et sont perçues par l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines. En cas de récidive, l'amende peut être portée au double du montant initial.
Dans le règlement européen, les articles 11, 12, 19, 20, paragraphe 1er, 22, paragraphe 1er, et 26 ne pouvaient pas faire l'objet de dérogations car ces dispositions sont obligatoires sur tout le trafic ferroviaire européen. Sont ainsi punis le non-respect :
Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux voyages internationaux, mais pas à ceux prestés à l'échelle du Luxembourg ou de la Grande Région.
Peuvent dans ce cas être soumis à une amende administrative de 500 euros la violation :
Sont passibles d'une amende de 1250 euros le non-respect :
Est passible d'une amende de 2000 euros : le non-respect de l’obligation d’information aux voyageurs, préalable à l’interruption de services.
Est passible d'une amende de 2500 euros : la violation de l’obligation de versement d’avances à la personne physique ayant droit à une indemnisation si un voyageur est tué ou blessé.
Sont passibles d'une amende de 5000 euros :
Le règlement européen laissait donc aux Etats membres la possibilité de recourir à ces dérogations, arguant notamment que "dans certains États membres, les entreprises ferroviaires pourraient rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions du présent règlement". Cette dérogation peut être permanente dans le cas des "services de transport urbains, suburbains et régionaux", alors qu'elle ne peut que durer cinq ans, renouvelable deux fois pour une période maximale de cinq ans à chaque fois pour "les services ferroviaires exclusivement intérieurs".
Le gouvernement luxembourgeois, par le règlement grand-ducal du 2 décembre 2009, a intégré, dans la catégorie des "services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs", "tous services de transport par chemins de fer entre deux gares luxembourgeoises; tous services de transport par chemins de fer entre une gare luxembourgeoise et une gare de la Grande Région, c’est-à-dire située soit dans les Régions allemandes de la Sarre et de la Rhénanie-Palatinat, soit dans les Provinces belges de Luxembourg et de Liège ou soit dans la Région française de Lorraine", et les avait donc dispensés d'application du règlement, sauf les articles qui ne pouvaient faire l'objet d'une dispense. Ainsi, les CFL ne tombent pas sous le coup de certains articles du règlement européen pour ses voyages nationaux et dans la Grande Région.
Le rapport de la Commission parlementaire Développement durable du 4 juillet 2012 souligne que cette dérogation "réduit considérablement le champ d’application du règlement communautaire en question".
Toutefois, le règlement européen excluait de toute dérogation les articles mentionnées plus haut relatifs à l’accès au voyage ferroviaire des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite, au droit pour les personnes qui souhaitent acheter un billet de train de le faire sans difficultés excessives, à la responsabilité des entreprises ferroviaires en ce qui concerne les voyageurs et leurs bagages, à l’obligation des entreprises d’être assurées de manière adéquate, et à l’exigence pour ces entreprises de prendre les mesures nécessaires en vue d’assurer la sécurité personnelle des voyageurs dans les gares et les trains ainsi que de gérer les risques.
"De ce fait, en combinant ainsi des droits fondamentaux et la possibilité de dérogations nationales, le règlement parvient à concilier l'objectif consistant à octroyer aux voyageurs des droits élémentaires dans toute l'UE et la réalité de conditions de services ferroviaires hétérogènes entre les États membres", observe également la commission parlementaire dans son rapport.
Le Département des Travailleurs handicapés de l’OGBL (DTH/OGBL) s'était ému de ces dispenses le 1er décembre 2010 en amont de la Journée internationale de l'handicap. Une délégation avait remis le 1er décembre 2010 une pétition intitulée "Accessibilité des chemins de fer pour tous" visant à faire lever cette dérogation, notamment sur les articles 21 et 23 concernant l'accessibilité ("assurer l’accès des gares, des quais, du matériel roulant et des autres équipements aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite" et "permettre aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite l’accès au transport ferroviaire en l’absence de personnel d’accompagnement") et l'assistance à bord (à savoir "l’obligation de fournir gratuitement aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite une assistance à bord du train et lors de l’embarquement et du débarquement").
Le lendemain de la remise de la pétition, le député socialiste, Roger Negri avait envoyé une question parlementaire au ministre compétent, Claude Wiseler, pour connaître les motivations du gouvernement. Celui-ci avait rappelé que le règlement permettait ces dérogations en raison de "l'inadéquation de certaines mesures, élaborées à l'origine pour des transports internationaux et/ou inspirées du marché du transport aérien, à la diversité des situations dans le secteur ferroviaire".
Le ministre avait souligné dans sa réponse que "les CFL, en coopération avec les différentes autorités, mettent tout en œuvre pour garantir l'accès au système de transport public en tenant compte des besoins de l'ensemble des passagers", ajoutant qu’ils s’efforcent "de rendre accessibles à la fois les gares et arrêts du réseau ferré luxembourgeois que le matériel roulant". Il soulignait que le Luxembourg a transposé le paragraphe 1er de l'article 22 du règlement européen n° 1371/2007 relatif à l'assistance dans les gares et qu'ainsi, en annonçant leur intention de voyager en train au moins 12 heures à l'avance, les personnes à mobilité réduite peuvent bénéficier d'une assistance afin de faciliter leur voyage.
Le syndicat OGB-L avait aussi fait valoir l'argument que les CFL devraient être soumis à l'ensemble du règlement européen puisque ce dernier souligne qu'il "s'applique normalement" à tous les voyages et services ferroviaires assurés par une ou plusieurs entreprises ferroviaires ayant obtenu une licence conformément à la directive 95/18/CE du Conseil du 19 juin 1995 concernant les licences des entreprises ferroviaires.