Après avoir décidé en plénière de reporter sine die le vote sur le brevet unitaire au début du mois de juillet, les parlementaires européens sont revenus sur le sujet lors d’une réunion de la commission des Affaires juridiques qui s’est tenue le 10 juillet 2012. Car s’ils se réjouissent du fait que la question de l’emplacement du siège de la juridiction des brevets européens a pu être réglée lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, les eurodéputés s’insurgent contre la suggestion des chefs d'État et de gouvernement de supprimer les articles 6 à 8 du projet de règlement sur la création du brevet unitaire, dispositions portant sur le droit matériel des brevets dont la suppression limiterait la possibilité de recours auprès de la CJUE sur les questions de contrefaçon.
Bernhard Rapkay (S&D), rapporteur qui a participé aux négociations entre Parlement européen et Conseil fin 2011, a expliqué en commission que l'initiative du Conseil européen de supprimer trois articles clés de la réglementation, et, par conséquent, de réduire considérablement le pouvoir de la Cour européenne de justice de l'appliquer, viole le droit de l'UE. "Si vous retirez ce contenu, il ne reste rien à réglementer", a-t-il souligné, ajoutant que ce qui resterait "ne serait pas efficace du tout" pour veiller à la protection des droits des brevets à l'échelle européenne.
L'article 6 définit une violation directe d'un brevet unitaire, l'article 7 une violation indirecte et l'article 8 les limites des droits conférés par un tel brevet. Le service juridique du Parlement a soutenu Bernhard Rapkay, soulignant que supprimer ces articles constituerait "une atteinte à la quintessence de la réglementation" et ne serait pas compatible avec le droit communautaire.
Lorsque les eurodéputés ont discuté des résultats du Conseil européen le 3 juillet 2012, ils ont pu exprimer leur désapprobation et ils ont reçu le soutien du président de la Commission, José Manuel Barroso, qui a déploré que le compromis trouvé se soit "malheureusement fait au prix de la suppression d'importants éléments communautaires de la proposition initiale". "C'est pourquoi la Commission a réservé sa position et j'ai exprimé très clairement cette réserve aux dirigeants européens" à l'occasion du sommet, a souligné José Manuel Barroso. "Cette situation va désormais rendre nécessaires" des consultations entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, a-t-il jugé.
Mais pour Bernhard Rapkay, il n’est pas question de commencer maintenant de nouvelles négociations : "Nous devons nous en tenir à l'accord conclu en décembre 2011", a-t-il affirmé, jugeant que "s'il n'y a pas de brevet européen, c'est la faute du Conseil".
Répondant aux questions des députés, un représentant de la présidence chypriote du Conseil des ministres a déclaré: "nous demeurons déterminés à parvenir à un accord en première lecture dès que possible, car nous ne pouvons pas laisser passer cette occasion après tant d'années".
"Cela crée un précédent politique sérieux", a réagi Raffaele Baldassarre (PPE), qui était dans l'équipe de négociation. Après 30 ans d"'égoïsme national (...), nous avons besoin de trouver une solution qui respecte pleinement le droit communautaire et de suivre une procédure transparente avec le Conseil". Son point de vue a été soutenu par Eva Lichtenberger (Verts), qui a ajouté: "le Conseil a agi de façon irresponsable dans ce domaine".
Cecilia Wikström (ADLE) n'a pas d'objection à la modification de contenu, mais a déclaré que la décision du Conseil européen signifie que "le prestige national l'a remporté sur le bien commun, ce qui est une honte". Sajjad Karim (ECR), le seul orateur favorable à la suppression des trois articles, a expliqué qu'il était contre le fait de saisir la CJUE pour des contestations de brevets, car ce serait "trop lent".
La commission examinera à nouveau la question avec le service juridique du Parlement après la pause estivale, éventuellement en septembre.