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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Dans un entretien à Euractiv, Viviane Reding exprime son souhait de voir José Manuel Barroso rempiler pour un troisième mandat à la tête de la Commission
04-09-2012


A une semaine à peine du discours sur l’état de l’Union que José Manuel Barroso prononcera le 12 septembre 2012 au Parlement européen, Viviane Reding, qui le suit immédiatement dans la hiérarchie de la Commission européenne, a fait part à Euractiv de sa volonté de le voir entamer un troisième mandat à la tête de la Commission. La vice-présidente de la Commission européenne et commissaire à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté s’est confiée à Giampiero Gramaglia, éditeur en chef d’EurActiv Italie, dans un long entretien publié le 4 septembre 2012.Viviane Reding a accordé à Euractiv un entretien publié le 4 septembre 2012

Lorsqu’elle jette un regard sur la crise financière et la crise de la dette qui frappe nombre de pays de l’UE, Viviane Reding admet qu’il s’agit d’un défi sans précédent auquel ni les démocraties nationales ni la gouvernance européenne n’étaient préparées. "Le traité de Maastricht n’a tout simplement pas anticipé une telle situation", reconnaît la commissaire. Mais elle trouve cependant "remarquable" ce qui a été accompli au cours des cinq dernières années. La leçon que les Européens ont su tirer de la crise, c’est, estime-t-elle, que partager une monnaie unique signifie être lié dans une communauté de destin dans la mesure où les problèmes économiques et budgétaires d’un pays peuvent vite devenir les problèmes de tous les autres pays de la zone euro. Ce qui explique la nécessité de lutter contre la crise par des mesures communes apportant de la stabilité dans chacun des pays de la zone euro, lesquelles doivent être complétées par des mesures communes assurant la solidarité envers les pays en difficulté pendant la durée de programmes d’ajustement douloureux mais nécessaires.

Viviane Reding dresse une longue liste de ce qui a été fait. "Nous avons créé de nouvelles règles budgétaires" que vient compléter le nouveau pacte budgétaire. "Nous avons mis en place une nouvelle procédure permettant de superviser et contrer les déséquilibres macroéconomiques dans la zone euro", poursuit-elle, ajoutant au tableau la solidarité sans précédent dont ont fait preuve les Etats membres de la zone euro au travers des plans d’aide à la Grèce. La commissaire liste aussi les mécanismes de sauvetage temporaires qui ont été mis sur pied et activés pour venir en aide à l’Irlande et au Portugal, "tous deux en bonne voie de regagner la confiance des investisseurs". Et elle souligne la volonté de pérenniser ces fonds en établissant l’ESM. Le soutien en liquidité apporté par la BCE aux banques européennes et l’achat d’obligations viennent s’ajouter à la liste que la commissaire résume comme des "efforts courageux sans précédent des Etats membres et des institutions pour soutenir la stabilité de l’euro". "Nous avons fait tout cela sans que nos institutions n’aient été équipées pour ce faire", précise la commissaire, consciente que la crise nécessite "de nouveaux efforts pour démontrer au monde que l’euro est irréversible".

Viviane Reding souligne qu’un fort engagement est requis de la part de tous les Etats membres, ceux en difficulté, qui doivent réformer leurs économies en profondeur, et ceux qui ne sont pas en difficulté mais qui doivent expliquer à leurs citoyens pourquoi il est nécessaire de financer la solidarité européenne. "Comme tous les Etats membres sont, heureusement, des démocraties, il est normal que s’entendre sur toutes ces mesures prenne du temps, et qu’il y ait débats politiques et controverses", répond en fin de compte la commissaire à qui l’on demandait ce qu’elle pensait des tensions qui sont apparues entre Etats membres pendant la crise.

Viviane Reding plaide pour une fédération européenne dotée d’un gouvernement fort dont le président devrait être élu par le Parlement européen

 Viviane Reding constate avec intérêt que, dans cette crise, le débat politique s’oriente de plus en plus vers un débat sur le futur de l’Europe. "Si quelque chose de bon est sorti de la crise actuelle, c’est bien que de plus en plus d’hommes politiques nationaux commencent à comprendre que nous ne pouvons être forts qu’en étant unis", estime-t-elle, rappelant qu’à ses yeux la bonne réponse à la crise est plus d’Europe, et non moins. Elle précise l’orientation que l’Europe devrait suivre dans les années à venir pour préserver et renforcer sa position dans le monde : "nous devons faire de notre Union économique et monétaire une Fédération politique européenne forte avec une Union monétaire, budgétaire et bancaire couvrant au moins la zone euro et restant ouverte à tous les membres de l’UE désireux de la rejoindre". Selon la commissaire, partager et fédéraliser la souveraineté est le seul moyen de maintenir un pouvoir démocratique au vu des défis mondiaux toujours plus grands, que ce soit la crise actuelle ou le changement climatique.

De son point de vue, le sommet de juin 2012 a apporté des résultats importants et inattendus, les dirigeants européens ayant regardé au-delà du court terme et trouvé un accord qui pave la voie à une intégration européenne plus poussée. Viviane Reding relève notamment l’accord trouvé pour que la BCE assure d’ici la fin de l’année le rôle de superviseur bancaire, ce sur quoi la Commission est en train de travailler avec l’intention de présenter des propositions législatives appropriées. "Une avancée réelle" pour Viviane Reding qui rappelle que "les discussions sur un superviseur bancaire européen unique durent depuis au moins trente ans".

Quant au rapport des quatre présidents, elle en ressort notamment qu’il est y écrit que "légitimité et intégration doivent avancer de front", ce qui, interprète la commissaire, signifie qu’il faut non seulement renforcer les pouvoirs que doivent exercer les institutions européennes, mais aussi la légitimité démocratique du processus de décision européen. "Les décisions affectant les budgets des 17 pays de la zone euro ne peuvent être prises derrière des portes closes au cours d’une réunion secrète de l’Eurogroupe ou du Conseil européen", juge Viviane Reding qui insiste sur la nécessité de prendre de telles décisions d’une façon complètement démocratique.

De son point de vue, il faudrait faire de l’Union une Fédération européenne dotée d’un gouvernement européen fort, la Commission européenne, rendant compte de ses actions devant le Parlement européen élu au suffrage direct. Le chef du gouvernement européen devrait être directement élu par le Parlement européen et choisir ensuite les membres de son équipe, précise Viviane Reding. La commissaire envisage toutefois d’autres options, et elle dit trouver par exemple très intéressante l’idée d’un président de la Commission directement élu. Cela rapprocherait l’UE du système américain et impliquerait que le futur candidat fasse campagne sur un continent bien plus varié, culturellement et linguistiquement, que ne le sont les 50 Etats américains.

"La crise a renforcé la démocratie en Europe"

Lorsque le journaliste évoque un affaiblissement des démocraties européennes, Viviane Reding s’oppose fermement. Ainsi par exemple, le gouvernement de Mario Monti, qualifié par Giampiero Gramaglia de "technocratique", est, affirme la commissaire, aussi légitime que celui de ses prédécesseurs dans la mesure où le Premier ministre italien a été, comme eux, élu par le parlement. Plus généralement, elle se dit convaincue que la crise a au contraire renforcé la démocratie en Europe. Et elle illustre cette analyse par trois exemples.

Premier exemple, le fait que les nouvelles règles renforçant la coordination des politiques économiques et budgétaires entrées en vigueur en décembre dernier n’aient pu être adoptées que grâce à la pression exercée par le Parlement européen sur le Conseil, ce qui a permis d’aboutir à des règles fortes et crédibles. 

Deuxième exemple avancé par la commissaire, les cas de l’Irlande et du Portugal, deux pays qui, grâce à des réformes profondes soutenues par une majorité parlementaire pluripartite, sont sur la bonne voie économiquement.

Troisième exemple avancé par Viviane Reding, celui de l’Allemagne, où une majorité parlementaire pluripartite soutient l’aide financière apportée à différents pays et maintenant aussi celle prévue pour soutenir le secteur bancaire espagnol.

"Il est vrai que tout cela prend du temps", admet-elle, mais elle voit dans cette crise une preuve que la démocratie est saine en Europe et que les parlements nationaux et européen jouent un rôle de plus en plus fort dans ce processus.

Lorsque le journaliste lui demande si l’UE a été assez ferme avec la Hongrie et la Roumanie, Viviane Reding rappelle comment la Commission a réagi et elle prévient qu’en pleine crise financière, il ne saurait être question de faire le moindre compromis, ni en Hongrie, ni en Roumanie, ni dans aucun autre Etat membre de l’UE. "La confiance est la monnaie de l’économie européenne", affirme Viviane Reding, qui juge que cela vaut tant pour les marchés financiers que dans le domaine de la justice : "un système judiciaire indépendant qui fonctionne bien est une pré-requis pour gagner la confiance des citoyens comme celle des investisseurs".

Viviane Reding souhaite que José Manuel Barroso assume un troisième mandat de président de la Commission, et elle ne serait pas contre l’idée de continuer à la seconder

Lorsque le rédacteur d’Euractiv lui demande enfin si elle se verrait dans le rôle de candidate au poste de président de la Commission, Viviane Reding répond que le poste de commissaire en charge de la justice est "le poste idéal" pour elle, d’autant qu’elle assume aussi le rôle de vice-présidente de la Commission. Un travail qu’elle aime, confie-t-elle. Elle ajoute qu’elle voit en José Manuel Barroso un "président très bon et actif" dont elle admire la force, l’intelligence juridique, la patience et le bon sens dans sa gestion de la crise actuelle. "Il est par ailleurs un peu plus jeune que moi", ajoute-t-elle avant d’exprimer sa volonté que José Manuel Barroso assume un troisième mandat. "Car je suis convaincue que nous avons besoin de continuité et de stabilité à la tête des gouvernements dans les années à venir afin de continuer à rendre l’Europe plus forte et plus résistante face à des crises futures", conclut-elle.