Au terme d’une première soirée et nuit de discussions, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont pu présenter le fruit de leurs travaux menés dans le cadre du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 : un accord sur un pacte de croissance et d’emploi et de nouvelles mesures à court terme en faveur de la stabilité financière dans la zone euro.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont aussi discuté, avant de les adopter, des recommandations faites par la Commission dans le cadre du semestre européen, ainsi que du futur cadre financier pluriannuel 2014-2020, qu’ils sont d’accord pour voir comme une opportunité de transformer le budget de l’UE en outil pour la croissance futur. Mais ils reviendront sur ce dossier plus avant en octobre et décembre prochain, l’objectif restant d’aboutir à un accord d’ici la fin de l’année 2012.
Le rapport sur l’avenir de l’Union monétaire élaboré par Herman Van Rompuy, en lien avec José Manuel Barroso, Mario Draghi et Jean-Claude Juncker, a aussi fait l’objet d’une discussion des 27 chefs d’Etat et de gouvernement qui se sont entendus sur la procédure qui permettra d’avancer dans le sens de la réforme esquissée dans ce rapport. Les quatre pierres angulaires de ce chantier de renforcement de l'intégration européenne seront donc développées d’ici le mois d’octobre 2012 sous la forme d’une feuille de route qui sera élaborée en concertation avec les Etats membres et les institutions européennes, parmi lesquelles le Parlement européen.
Mais c’est sur des décisions à plus court terme que les résultats du Conseil étaient particulièrement attendus. Au final, "en dépit de la difficulté du moment et des débats, nous avons été à même de donner aux marchés financiers un message", a estimé le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, cité par l’AFP. "Si nous donnons une explication cohérente, et conséquente, unie et forte des décisions que nous avons prises, je veux croire que les marchés seront rassurés", a-t-il ajouté.
Vers 22h30, Herman Van Rompuy a tenu une première conférence de presse dans laquelle il évoquait le pacte de croissance que les chefs d’Etat et de gouvernement allaient adopter formellement un peu plus tard. Ce pacte de croissance prévoit de mobiliser 120 milliards d’euros pour des mesures de croissance immédiates : la BEI va voir son capital augmenté de 10 milliards d’euros, ce qui lui donnera une capacité de prêt de 60 milliards d’euros, 55 milliards d’euros provenant de fonds structurels inutilisés vont être réalloués notamment pour les PME et l’emploi des jeunes, et enfin 5 milliards d’euros vont être investis dans la phase pilote des project bonds qui vont financier les initiatives clés en matière d’infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications. José Manuel Barroso a d’ailleurs précisé au sujet des project bonds, dont la phase pilote a d’ores et déjà fait l’objet d’un accord formel, que la nouveauté résidait dans l’accord des chefs d’Etat et de gouvernement à l’idée de pérenniser ce modèle d’investissement dans le cadre de la prochaine période de programmation financière.
Dans la nuit, Jean-Claude Juncker a expliqué aux journalistes de la radio 100,7 que la nature juridique du pacte de croissance n’était pas encore tout à fait claire, soulignant aussi que, sur les 120 milliards d’euros mobilisés, les Etats membres n’auraient à mettre la main à la poche qu’à hauteur de 10 milliards d’euros.
Mais en cette fin de soirée du 28 juin 2012, les discussions n’étaient pas tout à fait closes, d’une part parce que les débats ayant duré plus longtemps que prévu, la partie du pacte de croissance portant sur les questions de stabilité financière n’avait pas encore été abordée, mais aussi et surtout parce que, comme le concédait Herman Van Rompuy à la presse, deux pays tenaient à ce qu’un accord global soit trouvé qui inclurait des mesures à court terme en matière de stabilité financière. Les agences de presse expliquaient ainsi à cette heure tardive que l’Espagne et l’Italie bloquaient l’accord sur le pacte de croissance de façon à obtenir des mesures d’urgence les aidant à faire face à la forte pression qu’exercent sur ces deux pays les marchés financiers ces derniers temps. "La discussion n’est pas bloquée, elle continue", annonçait Herman Van Rompuy.
Et de fait, les discussions ont permis d’aboutir tard dans la nuit, ou plutôt au petit matin, sur un accord trouvé au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro au sujet de mesures à court terme visant à stabiliser les marchés. Un accord qui a créé la surprise et qui a été accueilli par un rebond des bourses. "Il y a toute une panoplie d’interventions et de mesures et ce sera l’affaire de la BCE, de l’Eurogroupe, de la Commission et d’autres, de jouer, le moment venu, les cartes qui leur sembleront les bonnes le moment venu", expliquait Jean-Claude Juncker sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg.
La déclaration des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro présente les mesures qui sont envisagées et dont certaines pourraient être opérationnelles dès l’été, l’Eurogroupe étant mandaté pour les mettre en œuvre dès sa réunion du 9 juillet prochain.
Un mécanisme de surveillance unique pour les banques de la zone euro préalable à la possibilité de recapitaliser les banques directement par le biais de l’ESM
Dans un premier temps, les chefs d’Etat et de gouvernement, soucieux de "briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États" appellent la Commission à présenter, ce qu’elle entend faire d’urgence, des propositions concernant un mécanisme de surveillance unique. Il serait basé sur l'article 127, paragraphe 6 du traité, ce qui implique que la BCE aura un rôle important à y jouer. Le Conseil est invité à examiner ces propositions d'urgence d'ici la fin de 2012.
Lorsqu'un mécanisme de surveillance unique, auquel sera associée la BCE, aura été créé pour les banques de la zone euro, le mécanisme européen de stabilité (EMS) pourrait, à la suite d'une décision ordinaire, avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques, ont ensuite entériné les chefs d’Etat et de gouvernement. Une possibilité qui serait soumise à une conditionnalité appropriée, y compris quant au respect des règles relatives aux aides d'État, qui devrait être spécifique à chaque établissement, à chaque secteur ou concerner l'ensemble de l'économie, et qui serait formalisée dans un mémorandum d'accord.
Dans ce contexte, il est d’ores et déjà prévu que l'Eurogroupe examine la situation du secteur financier irlandais en vue d'améliorer encore la viabilité du programme d'ajustement, qui donne de bons résultats. "Les cas similaires seront traités de la même façon", assurent les chefs d’Etat et de gouvernement dans leur déclaration.
La déclaration demande par ailleurs "la conclusion rapide du mémorandum d'accord joint à l'aide financière accordée à l'Espagne pour la recapitalisation de son secteur bancaire", laquelle sera "fournie par l’EFSF jusqu'à ce que l’EMS devienne opérationnel, et qu'elle sera ensuite transférée à ce dernier, sans obtenir de statut prioritaire". Lorsque l’EMS sera en mesure de recapitaliser directement les banques, cela pourrait valoir pour l’Espagne, ce qui permettrait de soulager le budget de l’Etat espagnol qui va assumer nécessairement dans un premier temps la responsabilité des prêts qui seront faits en vue de la recapitalisation de ses banques.
EFSF et ESM pourront prêter à des pays qui respectent leurs engagements pris dans le cadre du nouveau cadre de gouvernance
Enfin, et cette décision semble répondre principalement à la préoccupation italienne de se voir sous la pression des marchés tout en mettant en œuvre d’importantes structures structurelles prescrites par la Commission et ses partenaires, les chefs d’Etat et de gouvernement ont annoncé avoir décidé de permettre un recours plus souple aux instruments de stabilité, EFSF et ESM, afin de stabiliser les marchés pour les États membres qui respectent leurs recommandations par pays et leurs autres engagements, y compris leurs calendriers respectifs, dans le cadre du semestre européen, du pacte de stabilité et de croissance et de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques. Ces conditions devraient être consignées dans un mémorandum d'accord. Une possibilité qui pourrait être effective dans le courant de l’été. "Les pays qui voudraient bénéficier de ces interventions de stabilisation devraient le demander mais s'ils remplissent ces conditions, ils ne devront pas se soumettre à un programme spécifique, ils devront signer un mémorandum mais n'auront pas la troïka, ils devront seulement continuer à respecter les décisions qu'ils respectent déjà", a expliqué Mario Monti au sujet de cette mesure arrachée de haute lutte sans pour autant que le Premier ministre italien ait l’intention d’y recourir dans l’immédiat.