"Les normes de sûreté des centrales nucléaires en Europe sont en général élevées, mais des améliorations sont recommandées pour divers éléments de la sûreté dans pratiquement toutes les centrales nucléaires européennes. Les autorités nationales de sûreté sont néanmoins parvenues à la conclusion qu'aucune fermeture de centrale n’était nécessaire." Tel est le message essentiel de la communication que la Commission européenne a publiée le 4 octobre 2012 sur les résultats des tests de résistance nucléaire.
Ces tests ont démontré selon la Commission européenne "que les normes de sûreté préconisées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et les meilleures pratiques internationales ne sont pas appliquées en totalité par l'ensemble des États membres". La Commission veut donc assurer "un suivi étroit de la mise en œuvre des recommandations et proposera parallèlement des mesures législatives visant à renforcer encore la sûreté nucléaire en Europe."
Le commissaire européen en charge de l’Energie, Günther Oettinger a déclaré : "Les tests de résistance ont mis en lumière nos points forts et les aspects à améliorer. Ces tests ont été effectués avec rigueur et représentent un succès. La situation est globalement satisfaisante, mais il nous faut rester vigilant. Toutes les autorités concernées doivent veiller au respect des normes de sûreté les plus élevées dans chaque centrale nucléaire d'Europe, pour notre sécurité à tous".
Il a évalué le potentiel en termes d'améliorations avec des investissements nécessaires d’un minimum de 10 milliards d’euros, pouvant aller jusqu’à 25 milliards d'euros. Pour lui, les recommandations du rapport "ne sont pas un chèque en blanc" pour les opérateurs et les Etats, mais une "incitation à agir". Le commissaire Oettinger a toutefois dû reconnaître que des modifications avaient été apportées sur le jugement porté sur plusieurs centrales, notamment en France, entre le document de travail diffusé en début de semaine et le rapport final publié jeudi après sa validation la veille par le collège des commissaires. Mais il nie toute pression : "Si l'opérateur a pu démontrer qu'une recommandation était déjà suivie, il n'y avait plus de raison de la laisser", a-t-il plaidé. "Il y a eu des rajouts de croix dans certains cas et des croix enlevées dans d'autres", a-t-il expliqué au sujet du tableau de synthèse qui figure à la fin du document.
L'Autorité de sûreté nationale française, l’ASN, ne semble pas entièrement d’accord avec le commissaire Oettinger. Dans un communiqué, elle "regrette la méthode d'élaboration des conclusions de la Commission" et "émet des réserves" sur ces conclusions qui ignorent selon elle "certaines des recommandations importantes" du rapport final des tests adoptées le 26 avril. L'ASN explique que, comme les autres Autorités de sûreté européennes, elle "n'a pas été associée à la préparation des documents publiés par la Commission le 4 octobre", ce qu’elle regrette. "Elle n'a pas eu connaissance de la méthode suivie pour élaborer ces conclusions, ni des entités et des personnes ayant contribué à ce travail", poursuit-elle. L’ASN française, qui est une autorité indépendante, avait tenu compte dans son approche de Cattenom notamment des points soulevés par son homologue luxembourgeoise, comme l’a confié le responsable de cette dernière Patrick Majeurs au Luxemburger Wort du 3 octobre 2012.
Outre les recommandations de nombreuses améliorations techniques spécifiques dans les centrales, les tests de résistance ont montré que les normes et pratiques internationales ne sont pas appliquées systématiquement.
Ainsi, en ce qui concerne les risques liés aux séismes et aux inondations, le rapport constate que les normes actuelles pour le calcul des risques ne sont pas appliquées dans 54 réacteurs (dans le cas du risque sismique) et dans 62 réacteurs (pour le risque d’inondation) sur les 145 contrôlés. C’est aussi le cas pour Cattenom. Le calcul du risque devrait être basé sur une période de 10 000 ans et non sur les périodes bien plus courtes qui sont parfois utilisées.
Des instruments sismiques in situ pour mesurer et donner l’alarme en cas de risque de séisme devraient être en place dans chaque centrale. Ces instruments devraient être installés ou améliorés dans 121 réacteurs, y compris à Cattenom..
Des systèmes d'éventage-filtration pour l’enceinte de confinement devraient être en place afin de permettre de relâcher la pression à l'intérieur de l'enceinte en cas d'accident. On compte 32 réacteurs qui ne sont pas encore équipés de tels systèmes.
Les équipements destinés aux interventions d’urgence en cas d’accident devraient être entreposés dans des locaux protégés même en cas de destructions généralisées et de façon à pouvoir être rapidement mis en service. Tel n’est pas le cas dans 81 réacteurs de l’UE, dont Cattenom, qui manque par ailleurs d’un plan de gestion des accidents graves dans tous les endroits de l’installation.
Une salle de commande de secours devrait être en place en cas d’inaccessibilité de la salle principale de commande du fait d’un accident. Une telle salle n'existe pas dans 24 réacteurs. A Cattenom, les experts mettent en exergue la bonne pratique dans ce domaine.
Des plans d’action nationaux assortis de calendriers de mise en œuvre seront élaborés par les autorités nationales de sûreté et seront disponibles pour fin 2012. Ces plans d’action feront l’objet d'une évaluation par les pairs début 2013, afin de vérifier que les recommandations des tests de résistance sont appliquées de manière cohérente et transparente dans l'ensemble de l'Europe.
La Commission a l’intention de faire rapport sur la mise en œuvre des recommandations issues des tests de résistance en juin 2014, en pleine coopération avec les autorités nationales de sûreté.
Outre les constatations et recommandations techniques spécifiques, la Commission a analysé le cadre légal européen en vigueur dans le domaine de la sûreté nucléaire et présentera début 2013 une révision de la directive sur la sûreté nucléaire. Les modifications proposées concerneront principalement les exigences de sûreté, le rôle et les prérogatives des autorités nationales de sûreté, la transparence ainsi que le suivi.
Viendront ensuite d'autres propositions sur l'assurance et la responsabilité dans le domaine nucléaire et sur les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux. Le processus des tests de résistance a également mis en lumière la nécessité de travaux supplémentaires concernant la sécurité nucléaire (c'est-à-dire la prévention des actes malveillants), où la principale responsabilité incombe aux États membres.
Pour le Mouvement écologique, qui a déjà communiqué le 2 octobre suite à la parution d’une première version du rapport de la Commission dans le quotidien français Le Figaro, "la centrale de Cattenom est encore plus dangereuse que celle de Fessenheim", que la France s’apprête à fermer d’ici 2016. Il met aussi en garde contre les déficiences de Chooz, Tihange et Doel en Belgique et Biblis/Philippsburg en Allemagne, dont le gouvernement luxembourgeois devrait exiger la fermeture. Déi Gréng avaient convoqué la presse dès le 3 octobre. Déi Jonk Gréng ont réagi par un appel au président français, François Hollande, à fermer Cattenom et Fessenheim. Le DP a réagi le 3 octobre, demandant lui aussi la "fermeture rapide" de Cattenom, et critiqué l’action du gouvernement, que les libéraux jugent "passive et incohérente" sur la question de la sécurité nucléaire.
Le Quotidien a cité le 4 octobre le ministre de la Santé, Mars Di Bartolomeo, en charge du dossier, qui a déclaré : "Cela fait des années que nous plaidons pour la fermeture de Cattenom et nous n'avons pas changé d'avis." Mars Di Bartolomeo annonce d'ailleurs que le ministre des Affaires étrangères a pris contact avec son homologue français pour discuter de Cattenom. "Il est clair que nous nous opposons à un prolongement de la durée de fonctionnement de la centrale et que nous revendiquons sa fermeture. Mais il serait illusoire de croire que Cattenom fermera au 1 janvier prochain. C'est pourquoi nous demandons également une mise en conformité de la centrale", a-t-il déclaré.
À la suite de l’accident de Fukushima, en mars 2011, le Conseil européen a souhaité qu'il soit procédé à des évaluations globales et transparentes des risques et de la sûreté de toutes les centrales nucléaires de l'UE.
Ces tests de résistance avaient principalement pour objet d'évaluer la sûreté et la robustesse des centrales nucléaires en cas d'événements naturels extrêmes, en particulier les inondations et les séismes. Les deux scénarios ont été évalués simultanément. Les chutes d’avion ont été prises en considération dans la mesure où leurs conséquences sont les mêmes que celles des tsunamis et des séismes, à savoir une perte des fonctions normales de sûreté et de refroidissement.
Les tests de résistance ont comporté trois phases. Dans la première phase, les exploitants des centrales nucléaires ont procédé à une auto-évaluation; lors de la deuxième phase, les autorités nationales de sûreté ont analysé ces auto-évaluations et établi des rapports nationaux. Enfin, dans la troisième phase, des équipes multinationales ont procédé à une évaluation par les pairs organisée par l'ENSREG. En outre, les équipes de pairs évaluateurs ont visité des sites de centrales nucléaires. 17 pays ont pleinement participé aux tests de résistance (les 14 pays de l’UE exploitant des centrales nucléaires, plus la Lituanie où une centrale est en cours de déclassement, l'Ukraine et la Suisse).