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Énergie - Environnement
Greenpeace fustige "le manque de crédibilité, de transparence et d’indépendance" du rapport final résultant du stress test auquel ont été soumis les réacteurs nucléaires de l'UE
28-08-2012


A la suite de la catastrophe de Fukushima, le Conseil européen décidait en mars 2011 de soumettre les centrales nucléaires européennes à un test de résistance, demandant une "évaluation complète et transparente des risques et de la sécurité" et confiant à l'ENSREG et à la Commission européenne le soin de fixer l'ampleur et les modalités des tests en conditions extrêmes communément appelés "stress tests". L'ENSREG, en collaboration avec la WENRA, a affiné cette mission pour en faire une évaluation des marges de sécurité des centrales nucléaires à la lumière de ce qui s'était passé à Fukushima, à savoir les effets de phénomènes naturels comme un tremblement de terre et une inondation sur les systèmes de sécurité des centrales nucléaires, associés à l'impact de conditions météorologiques extrêmes.

Les tests de résistance de l'UE ont eu lieu en trois phases. Dans une première phase, qui s’est déroulée de juin à octobre 2011, les opérateurs des centrales nucléaires ont rédigé un rapport de test dans des conditions extrêmes de leurs propres centrales nucléaires sur la base des modalités imposées par l'ENSREG. Pendant la seconde phase, d’octobre à décembre 2011, les agences de réglementation nationales ont évalué les rapports de tests rédigés par les opérateurs. Enfin, de janvier à avril 2012, une équipe internationale a effectué une peer review des rapports d'évaluation des agences de réglementation nationales. La Commission européenne doit rendre son rapport, assorti de recommandations et d’un plan d’action, au Conseil européen d’octobre 2012.

Si Greenpeace a salué dans un premier temps la décision de soumettre les 143 réacteurs nucléaires de l’UE à un test de résistance comme "une initiative prometteuse qui offrirait in fine une image réelle de la situation en matière de sécurité", l’ONG se montre beaucoup plus critique à la vue du rapport final transmis en juin au Conseil par la Commission européenne. Greenpeace voit là une "opération de greenwashing" qui peut "être parfaitement résumée par les termes du président de l’ENSREG, Andrej Stritar", qui ont retenu toute l’attention des militants : "Les tests en conditions extrêmes sont établis pour rétablir la confiance à l’égard du nucléaire".

Greenpeace a tenu à faire analyser par deux experts indépendants la procédure des tests en conditions extrêmes, les résultats des rapports de résistance nationaux ainsi que le rapport de la peer review internationale de 13 centrales nucléaires en Europe, dont celles de Cattenom et Fessenheim en France et de Doel et Tihange en Belgique. Une analyse critique rendue publique le 23 août 2012 qui n’a certes pas "la prétention d'être absolument complète", comme le concède l’ONG, mais qui entend montrer les limites des stress tests qui ont été menés.

"Les stress tests ne constituent en aucune manière un baromètre fiable de la sécurité des centrales nucléaires en Europe", critique l’une des deux auteures de l’étude, Oda Becker, physicienne. "Les enseignements que l’on peut en tirer sont limités. Le rapport final manque de crédibilité, de transparence et d’indépendance", résume-t-elle, acerbe.

Les deux expertes mandatées par Greenpeace observent en effet que les analyses n’ont pas été menées par des experts indépendants, mais que le rapport final repose notamment sur une auto-évaluation des opérateurs du secteur. Sans compter, ajoutent-elles, que les autorités de contrôle et de régulation chargées d’évaluer les rapports des opérateurs sont chargées du contrôle de la sécurité des centrales nucléaires au quotidien et qu’en signalant des manquements, elles auraient admis leur propres manquements passés. Les auteures relèvent aussi que le peer review a pu être limité du fait que les rapports de base n’ont pas été rédigés en anglais, et elles pointent le manque d’indépendance de la plupart des personnes qui ont participé à cette phase de la procédure.

Par ailleurs, les deux expertes de Greenpeace critiquent la portée limitée des stress tests, dans la mesure où ils se sont limités à des scénarios prévisibles qui ne permettent pas, à leurs yeux, d’évaluer de manière fiable la sécurité nucléaire. A Fukushima comme à Tchernobyl, la catastrophe a été engendrée par une combinaison "improbable" de facteurs, relèvent en effet les auteures de l’étude qui déplorent par exemple que les actes de sabotage ou les attaques terroristes n’aient pas été inclus dans le cadre défini pour les tests de résistance. Par ailleurs, les mesures de prévention à l’intérieur des centrales n’ont pas non plus été soumises à un examen critique, relève le rapport diffusé par Greenpeace. Autre grief important, le fait que la vétusté des plus anciens réacteurs n’a été prise en compte que de manière insuffisante, sans compter que plusieurs centrales nucléaires européennes ne sont pas suffisamment protégées contre le risque d’inondation.

"Pour Greenpeace, les tests de résistance auxquels étaient soumis les centrales européennes ne semblent constituer qu'une tentative pour restaurer la confiance dans le nucléaire après la catastrophe de Fukushima", juge Roger Spautz, chargé de la campagne nucléaire chez Greenpeace Luxembourg. "Il est indispensable que les stress tests soient approfondis pour les rendre véritablement complets", ajoute-t-il, précisant que face aux conclusions de cette contre-expertise, Greenpeace demande la mise en œuvre immédiate de toutes les mesures liées à la sécurité nucléaire identifiées lors des stress tests ainsi que la fermeture immédiate des réacteurs qui ne peuvent pas être classés sûrs à 100 %.

L'évaluation du rapport final des stress tests a par ailleurs été complétée par des calculs montrant comment les nuages nucléaires pourraient se propager à travers de l'Europe suite à un accident nucléaire grave. Dans ce contexte, Greenpeace a publié des images qui simulent la dispersion de la radioactivité dans le cas d’une catastrophe nucléaire similaire à celle de Fukushima dans les centrales proches du Luxembourg. La conclusion de l’ONG : le Luxembourg devrait être entièrement évacué et ne serait plus habitable. "Suite aux conclusions alarmantes de ce rapport, il est indispensable que le gouvernement luxembourgeois continue son engagement pour une sortie du nucléaire au niveau européen et contre une prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires des pays voisins", conclut Roger Spautz.