Le 22 novembre 2012, le STATEC a publié sa note de conjoncture 3/2012.
Evoquant la zone euro, le Statec parle d’un processus qui évolue "vers une mutualisation des dettes". La crise combinée des dettes souveraines et des banques européennes a pour le Statec "généré des tensions croissantes entre les Etats membres de la zone euro depuis la fin de 2011 et mis en évidence un certain blocage institutionnel". Pour le Statec, l'annonce pendant l’été 2012 d'une union bancaire européenne et le lancement d'opérations de rachats de titres de dette souveraine par la Banque Centrale Européenne montrent qu’un nouveau cap a été franchi et que des passerelles s’établissent "entre politique monétaire et politiques budgétaires et concèdent des transferts de souveraineté nationale", ce qui va "dans le sens d'une intégration économique plus forte au sein de la zone euro".
Le Statec constate ensuite que "les marchés financiers semblent avoir relativement bien accueilli ces développements", mais que d’un autre côté, "les indicateurs de l'économie réelle se sont (…) nettement dégradés". Et il ajoute : "Les indicateurs de confiance en particulier, qu'ils concernent les ménages ou les entreprises, ont dans l'ensemble rejoint des niveaux de crise. La zone euro se retrouve dans une configuration de récession, pénalisée notamment par des mesures de consolidation budgétaire qui dépriment la demande." Au cours de la conférence de presse, Serge Allegrezza, le directeur du Statec, a même parlé de "décennie perdue" pour la zone euro.
Le Statec constate ensuite qu’au Luxembourg, le PIB a progressé de 0,4 % au cours du 2e trimestre 2012 (0,8 % sur un an). Ce résultat est meilleur que les prévisions ne l’avaient fait craindre. Cette légère amélioration est due au secteur financier, qui "apparaît désormais moins impacté par le récent ralentissement conjoncturel".
Mais il n’y a pas pour autant de quoi se réjouir, car "d'autres branches témoignent par contre d'évolutions inquiétantes". Il s’agit de l'industrie et la construction, où la production stagne et où l’on ne reconnait pas de rebond à court terme. Le commerce et les transports sont eux aussi touchés. Les services aux entreprises ne progressent que de façon "très limitée" au 2e trimestre 2012. La demande intérieure est faible, du fait du recul de l'investissement et de la consommation des ménages.
L'inflation, sur le recul au 1er semestre 2012, reprend, "passant de quelque 2.5 % à la mi-2012 à près de 3 % en septembre et octobre". C’est principalement dû à la hausse des prix de l’énergie, du pétrole notamment, et à l'augmentation récente de prix administrés.
Le Statec constate aussi que le coût salarial nominal moyen progresse "à un rythme historiquement faible, en dessous de 2 %". En même temps, le pouvoir d'achat salarial se dégrade, et ce surtout dans l'industrie et les transports. Même les salariés du secteur financier sont touchés par "un net repli de leur rémunération", notamment à cause des primes revues à la baisse.
Le rythme de croissance de l'emploi diminue depuis la mi-2011 et touche toutes les branches, mais l’industrie en particulier. Les frontaliers sont plus touchés que les résidents. La durée du travail a, elle aussi, baissé, avec une réduction des heures supplémentaires et un recours accru au travail à temps partiel.
Le taux de chômage au Luxembourg s’est par contre stabilisé autour de 6 % au cours des derniers mois, notamment du fait « que l’emploi résident connaît encore une évolution relativement dynamique dans certaines branches, notamment dans celles qui sont abritées de la conjoncture» et qu’il est "soutenu par le développement accru des emplois aidés (mesures pour l’emploi)" : le taux de chômage reste néanmoins "historiquement élevé".
La zone euro s’est installée dans une récession, et cette crise se diffuse à travers l’économie mondiale, constate le Statec. Par rapport à ses premières estimations publiées dans la note de conjoncture de juillet 2012, l’office des statistiques a considérablement" révisé à la baisse son hypothèse de croissance pour la zone euro en 2013 : seulement 0,2 % au lieu de 1 %.
Le Statec pointe le frein qui sera mis en 2013 aux dépenses publiques au Luxembourg, tout en contraste avec l’année 2012, où l’impulsion budgétaire a été selon l’office "très positive". Avec une augmentation de 2, 8 % en 2013, les dépenses publiques croîtront à un rythme trois fois inférieur au rythme historique moyen, ou bien l’équivalent de 2 % du PIB. Pour le Statec, cela équivaut "à une quasi-stagnation" des dépenses publiques en termes réels.
En 2012, la croissance sera de 0,5 %, et le PIB aura retrouvé son volume d’avant la crise. En 2013, la croissance sera de 1 %, grâce à une stabilisation de la situation dans le secteur financier. Mais vu les problèmes dans la zone euro et la consolidation budgétaire qui s’annonce, le Statec estime que "la croissance de 1 % se compare défavorablement par rapport à celle de 1,7 % prévue encore en juillet" 2012.
Les créations nettes d’emplois diminueront, tout comme la durée de travail, passant de 2, 2 % en 2012 à 1,3 % en 2013 : le chômage ira vers les 6.5 % en 2013.
L’inflation (IPCN) devrait ralentir en 2013, et rester légèrement en-dessous de 2 %. Par l’effet combiné de l’inflation et de la modération salariale, les salaires réels vont continuer à stagner.
Le solde budgétaire va passer de -2 % en 2012 à -1,4 % en 2013, ceci selon l’hypothèse que le projet de budget sera exécuté « comme prévu » en matière de dépenses. Le Statec prévoit du côté des recettes de l’Etat une légère décote par rapport au projet de budget, ce qui va entraîner "une différence de 0,6 point de % au niveau du solde". Cette décote est le résultat d’une hypothèse plus défavorable du Statec par rapport à celle du gouvernement en ce qui concerne la croissance, mais aussi de la consolidation budgétaire, qui selon l’office, érode "à la marge la base fiscale".
Serge Allegrezza, le directeur du Statec, a qualifié cette approche de "vision complémentaire - pour ne pas dire une voix discordante". Ceci dit, Serge Allegrezza a salué une politique de consolidation budgétaire, expliquant par ailleurs que la Commission européenne laissait peu de choix au Luxembourg comme aux autres Etats membres, vu les engagements par rapport au pacte budgétaire. Un petit fait positif malgré tout : le déficit structurel du Luxembourg, à savoir un déficit apuré de ses composantes conjoncturelles, sera dès 2013 réduit à zéro. Mais il faut savoir qu’un tel déficit ne doit de toute façon pas dépasser les 0,5 % du PIB selon les termes du pacte budgétaire.
Bref, la situation conjoncturelle actuelle commence à peser. Elle affecte les finances publiques, le marché du travail et se diffuse surtout dans les secteurs jusque là "relativement épargnés comme la construction, le commerce de détail ou les services aux personnes". "Ce mouvement de diffusion de la crise et de ses conséquences à travers les autres secteurs va très probablement se prolonger au-delà de 2013", conclut la note.