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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Selon la BCL, il n'y a pas de reprise en vue dans la zone euro et au Luxembourg avant 2014
13-12-2012


BCLLa Banque centrale du Luxembourg a profité de la publication de son Bulletin 2012/4 pour commenter le 13 décembre 2012 l’évolution économique dans la zone euro et au Luxembourg.

Croissance en berne dans la zone euro

Ainsi, les projections de l’Eurosystème sur la croissance dans la zone euro ont été revues à la baisse. La variation du PIB en volume se situerait entre -0,9 et +0,3 % en 2013 et entre 0,2 et 2,2 % en 2014. L’économiste en chef de la BCL, Jean-Pierre Schoder, n’a pas exclu une nouvelle révision à la baisse de ces projections, vu une balance des risques qui n’exclut pas de nouvelles turbulences pour la zone euro. Pour l’inflation, il y a par contre moins de risques prévus et elle devrait, selon les projections présentées, évoluer en 2013 entre 1,1 et 2,1 % et en 2014 entre 0,6 et 2,2 %. Pendant cette période, la BCE envisage de continuer de répondre aux demandes de liquidités qui lui sont adressées. 

Au Luxembourg

Une évolution économique disparate selon les secteurs

Pour la BCL, l’évolution économique au Luxembourg est très disparate selon les secteurs. C’est l’industrie qui pose les plus grands problèmes en termes de valeur ajoutée, avec une perte de 40 % par rapport à 2008, soit un niveau égal à celui de 1995. S’y ajoute un indice de production de 80 par rapport à un indice 100 en 2005. Et c’est surtout la sidérurgie et l’industrie du caoutchouc qui sont touchées. Ce décrochage qui est considéré comme "particulièrement préoccupant" s’explique, selon la BCL, "dans une large mesure par le dérapage de nos coûts salariaux unitaires nominaux". D’autres secteurs se portent bien, comme le secteur financier ou le commerce qui sont revenus au niveau de 2008, et qui ont doublé leur part de valeur ajoutée depuis 1995. Le secteur public dans le sens large et la construction se portent eux aussi plutôt bien et ne semblent pas avoir été affectés par la crise.

Stagnation du PIB et impact de la crise

Reste que le Luxembourg a, comme l’écrit le président sortant de la BCL, Yves Mersch, dans sa dernière préface au Bulletin, un PIB "en pleine stagnation depuis l’avènement de la crise économique et financière". Et il continue : "De 2007 à 2011, le PIB en volume s’est réduit à concurrence de 0,4 % selon les comptes nationaux publiés en octobre 2012. Or au cours de la même période, la progression de la population s’est accentuée, en dépit de la crise. Le Luxembourg comptait en moyenne 519 400 habitants en 2011, soit 8,1 % de plus qu’en 2007. Le contraste entre ces deux chiffres illustre l’ampleur de l’appauvrissement subi par le Luxembourg en l’espace de quatre années seulement."

La BCL a refait une analyse de l’impact de la crise sur la croissance potentielle. Le potentiel de croissance se situait entre 1996 et 2007, donc avant la crise, autour de 4,3 % de croissance annuelle. Entre 2008 et 2011, donc en pleine crise, ce potentiel a diminué 1.5 %. Et les projections de la BCL ne prévoient pas son augmentation entre 2012 et 2014. L’impact de la crise perdure donc, et après 2014, de nouveaux défis liés au vieillissement de la population guettent, selon les experts de la BCL.  "Selon toute probabilité, le PIB réel par habitant aura donc encore reculé au cours de la période 2012-2014", constate Yves Mersch dans sa préface.

Un secteur financier qui peine à se rétablir

"Les indicateurs à court terme ne laissent pas augurer un retournement imminent de cette tendance", écrit aussi Yves Mersch. Et il explique encore : "Les comptes de pertes et profits des établissements de crédit délivrent toujours un message peu encourageant, comme l’attestent notamment un produit bancaire (- 4,9 %, ndlr) et un résultat avant dépréciations, provisions et impôts ( - 11 %, ndlr) en nette diminution au cours des neuf premiers mois de 2012 par rapport à la période correspondante de 2011. Les organismes de placement collectif se caractérisent certes par une valeur d’inventaire en net progrès au cours des trois premiers trimestres de 2012, mais cette évolution a priori favorable reflète davantage une inflexion de marchés financiers intrinsèquement volatils qu’un retournement structurel de l’activité." A signaler que les frais de personnel n’ont augmenté au cours de cette période que de 0,9 %, alors qu’il y aura eu une hausse moyenne des salaires de 2,5 % en 2012. 

Projections pour le Luxembourg

Jean-Pierre Schoder, économiste en chef de la BCL, lors de la présentation du Bulletin 2012/4 le 13 décembre 2012Les projections macro-économiques de la BCL de décembre 2012 pour le Luxembourg laissent augurer une progression du PIB en volume de 0,2 à 0,8 % en 2012, une croissance se situant entre 0 et 2 % en 2013, et une croissance plus forte entre 1,7 et 3,7 % en 2014. "Ces fourchettes en disent long sur les incertitudes qui pèsent sur ces prévisions", a tenu à mettre en garde Jean-Pierre Schoder, pour lequel la croissance en 2012 et 2013 est à considérer comme "très, très faible", et pour qui "le sursaut" entrevu pour 2014 peut tout à fait, vu la balance des risques qui est négative, être de nouveau revu à la baisse.

Quant à l’emploi, sa croissance ralentira à 1,3 % en 2013 contre 2,9 % en 2011 et 2,2 % en 2012, et ne connaîtra qu’une modeste relance de 1,5 % en 2014. Le taux de chômage continuera à graviter autour de 6,5 % alors que le coût salarial moyen sera de 3 % en 2013, ce qui sera essentiellement dû à une tranche indiciaire et à une augmentation du salaire minimum, et de 3,2 % en 2014, là aussi due pour 2,5 % à une tranche indiciaire et pour 0,7 % à la reprise.

L’inflation devrait reculer en 2013. Mais la BCL continue de pointer le différentiel d’inflation que le Luxembourg a accumulé depuis le début du siècle par rapport à la zone euro – 5 % - et ses voisins – 9 %. 

Tout le mal vient de la hausse des coûts salariaux unitaires

Autre bête noire de la BCL, la croissance des coûts salariaux unitaires ou CSU. Yves Mersch souligne dans sa préface que selon le second Rapport sur le mécanisme d’alerte, publié par la Commission européenne le 28 novembre 2012, "le Luxembourg est (…) l’un des quatre pays sur 27 où l’augmentation de ces coûts a excédé le seuil d’alerte. Seules la Bulgarie et la Roumanie – à savoir deux pays en phase de rattrapage économique – se caractérisent par une évolution plus défavorable depuis 2008." Les coûts salariaux unitaires du Luxembourg sont en 2012 de 40 points d’indice supérieurs à ceux de l’Allemagne, et de 20 points supérieurs aux CSU belges et français. Pour Yves Mersch, "des indicateurs de compétitivité 'non prix' tels que les dépenses brutes (publiques et privées) en recherche et développement ne sont pas de nature à compenser cette dérive", car "en 2011, ces dépenses n’atteignaient en effet que 1,4 % du PIB au Luxembourg, contre une moyenne de 2,4 % dans les trois pays limitrophes".

Pour Yves Mersch, "la dérive des coûts unitaires est le reflet d’un important fléchissement de la productivité et d’une hausse persistante des coûts salariaux",  même s’il doit admettre que "cette progression tend à ralentir par rapport à la période 'pré-crise'". A l’origine de la hausse des CSU, il y a l’indexation des salaires qui constitue pour Yves Mersch "le moteur de l’augmentation des salaires moyens". Le président sortant de la BCE regrette qu’aucune norme pour encadrer l’application de l’indexation des salaires ne soit actuellement en gestation au Luxembourg, de sorte que "nos entreprises continuent (…) à être prises en tenaille entre la crise et des coûts croissants".

Les finances publiques

Dernier élément de grande préoccupation de la BCL : la gestion des finances publiques du Luxembourg basée sur l’hypothèse que l’économie luxembourgeoise serait une économie à croissance forte, un postulat qu’Yves Mersch trouve "de plus en plus discutable". La BCL s’était déjà amplement exprimée sur la question dans son avis sur le budget 2013. Yves Mersch salue l’effort d’assainissement de plus de 1,5 % du PIB du gouvernement, mais aurait préféré que cet effort concerne encore plus les dépenses. Il demande surtout "un effort additionnel de consolidation, se montant au total à près de 2,5 milliards d’euros de 2013 à 2018" et cela pour trois raisons.

La consolidation "permettrait au Luxembourg de respecter le nouveau cadre de gouvernance budgétaire européen". Un effort accru de consolidation budgétaire mis en œuvre dès 2014, quand la croissance devrait reprendre, "favoriserait dès lors une politique budgétaire contra-cyclique". Finalement, il estime que "le Luxembourg dispose de marges de manœuvre  en matière budgétaire", car ses dépenses par tête totales sont deux fois plus élevées que dans la zone euro, "même après corrections pour les transferts sociaux aux non-résidents, ajustements pour le niveau des prix plus élevé au Luxembourg et après neutralisation des dépenses de transport liées aux frontaliers".

Pour Yves Mersch et ses experts, les subventions et les prestations sociales devraient être "davantage ciblées". Cela est pour eux d’autant plus vrai que la réforme des pensions qui entrera en vigueur dès janvier 2013 constitue pour eux un pas dans la bonne direction, mais elle "ne suffira (…) pas à restaurer à elle seule la soutenabilité à terme de nos régimes de pension". Car la population continuera à vieillir, avec ce que cela implique comme frais. Du côté recettes, la BCL voit des marges de manœuvre du côté de l’impôt foncier et de la TVA, qui sont bas par rapport au reste de l’UE.