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Parlement européen - Traités et Affaires institutionnelles
La France, qui était soutenue par le Luxembourg, obtient gain de cause sur la question de siège du Parlement européen : la CJUE annule les délibérations du Parlement relatives au calendrier des périodes de sessions parlementaires pour 2012 et 2013
13-12-2012


Les traités imposent au Parlement européen, dont le siège est fixé à Strasbourg, de se réunir en douze périodes de sessions plénières mensuelles par an, y compris la session budgétaire, sans que la durée de ces périodes de sessions plénières ne soit précisée. Traditionnellement, deux périodes de sessions plénières ont lieu à Strasbourg au cours du mois d'octobre pour compenser l’absence de session plénière en août. Selon la pratique parlementaire, les périodes de sessions plénières ordinaires, d’une durée de quatre jours, se tiennent à Strasbourg, alors que les périodes de sessions additionnelles ont lieu à Bruxelles.CJUE

À la suite de deux amendements déposés par Ashley Fox, député européen, le Parlement a, par deux délibérations adoptées le 9 mars 2011, modifié le calendrier des périodes de sessions pour 2012 et 2013. D’une part, pour les mois d'octobre 2012 et 2013, une des deux périodes de sessions plénières de quatre jours prévues, à Strasbourg, pour chacun de ces mois a été supprimée. D’autre part, les périodes de sessions plénières d’octobre 2012 et d’octobre 2013 restantes ont été scindées en deux : ainsi, deux périodes de sessions plénières distinctes, de deux jours chacune, ont été prévues au cours de la semaine des 22-25 octobre 2012, et deux durant la semaine des 21-24 octobre 2013 devant se tenir ainsi à Strasbourg.

La France a saisi la Cour de justice afin d’annuler ces deux délibérations du Parlement. Soutenue par le Luxembourg, elle fait valoir que celles-ci violent les traités et la jurisprudence de la Cour.

Elle reproche notamment au Parlement d’avoir rompu la régularité du rythme des périodes de sessions plénières en fixant des périodes de sessions additionnelles à Bruxelles, alors que seulement onze périodes de sessions plénières étaient prévues à Strasbourg.

Dans son arrêt rendu le 13 décembre 2012, la Cour annule les délibérations du Parlement européen du 9 mars 2011. Un arrêt qui vient confirmer les conclusions rendues par l’avocat général Paolo Mengozzi en septembre dernier et que les autorités luxembourgeoises ont aussitôt salué.

Selon la Cour, les périodes de sessions prévues pour octobre 2012 et octobre 2013 ne répondent pas aux exigences fixées par les traités sur le siège des institutions

La Cour rappelle sa jurisprudence rendue sur l’interprétation de la décision d’Édimbourg, cette décision ayant été reprise à l’identique par les protocoles sur les sièges des institutions. Par arrêt rendu en 1997 (affaire C-345/95), la Cour a précisé l’articulation de la compétence des États membres pour fixer le siège du Parlement à Strasbourg et celle du Parlement en ce qui concerne son organisation interne. Ainsi, la Cour a constaté que les États membres ont entendu énoncer que le siège du Parlement, fixé à Strasbourg, constitue le lieu où doivent être tenues, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires, y compris celles au cours desquelles le Parlement exerce les pouvoirs budgétaires conférés par le traité. De même, la Cour a retenu que des périodes de sessions plénières additionnelles ne peuvent être fixées dans un autre lieu de travail que si le Parlement tient les douze périodes de sessions plénières ordinaires à Strasbourg. En définissant ainsi le siège du Parlement à Strasbourg, les États membres n’ont pas porté atteinte à son pouvoir d’organisation interne.

Il est constant que le Parlement, par ses délibérations de mars 2011, s’est écarté des projets de la conférence des présidents pour ce qui concerne les périodes de sessions plénières mensuelles prévues pour le mois d’octobre 2012 et 2013. Il résulte de ces délibérations que les périodes de sessions plénières mensuelles, de quatre jours chacune, prévues pour les mois d’octobre 2012 et 2013 ont été remplacées par deux périodes de sessions plénières, s’étendant sur deux jours chacune. Il y a lieu de constater que les périodes de sessions ainsi prévues par ces délibérations pour octobre 2012 et octobre 2013 ne répondent pas aux exigences fixées par les traités sur le siège des institutions.

La Cour relève en premier lieu qu'eu égard à la genèse des délibérations attaquées, au libellé des amendements à l’origine de ces délibérations, ainsi qu'à la pratique du Parlement telle qu’elle résulte de l’ordre du jour des sessions plénières du mois d’octobre 2012, les délibérations attaquées entraînent objectivement une réduction importante du temps que le Parlement peut consacrer à ses débats ou à ses délibérations pour les mois d’octobre 2012 et 2013. En effet, par rapport aux périodes de sessions plénières ordinaires, le temps effectif disponible pour les périodes de sessions au cours de ces mois est réduit de plus de moitié.

La Cour précise en deuxième lieu que douze périodes de sessions plénières ordinaires doivent se tenir effectivement, à un rythme régulier, à Strasbourg pour que des périodes de sessions plénières additionnelles puissent être fixées. Une période de sessions plénières doit, pour qu'elle puisse relever de la catégorie des "périodes de sessions plénières ordinaires", être équivalente aux autres périodes de sessions mensuelles ordinaires fixées conformément aux traités, notamment en termes de durée des sessions elles-mêmes. Elle constate que les périodes de sessions des mois d’octobre 2012 et 2013 fixées par les délibérations contestées, eu égard à leur durée, ne sont pas équivalentes aux autres périodes de sessions mensuelles ordinaires fixées par les mêmes délibérations.

La Cour relève, en troisième lieu, que le Parlement n’a pas avancé de raisons, tirées de l’exercice de son pouvoir d’organisation interne, permettant de justifier, et ce, en dépit de l’accroissement continu de ses compétences, la réduction significative de la durée des deux périodes de sessions plénières du mois d’octobre des années 2012 et 2013. À cet égard, la Cour estime, en particulier, que la considération selon laquelle la session budgétaire pourrait désormais être, en pratique, clôturée en peu de temps, ne peut, en raison de l’importance que revêt la session budgétaire, justifier la réduction de la durée d'une période de sessions plénières. Elle souligne que l’exercice par le Parlement de sa compétence budgétaire en séance plénière constitue un moment fondamental de la vie démocratique de l’Union européenne et doit donc être accompli avec toute l’attention, la rigueur et tout l’engagement qu’une telle responsabilité exige. L’exercice de cette compétence nécessite notamment un débat public, en séance plénière, permettant aux citoyens de l’Union de prendre connaissance des diverses orientations politiques exprimées et, de ce fait, de se former une opinion politique sur l’action de l’Union.

Enfin, la Cour observe que, même si les inconvénients et les coûts engendrés par la pluralité des lieux de travail tels que décrits par le Parlement sont acceptés comme réels, il n’appartient ni au Parlement ni à la Cour d’y remédier, mais, le cas échéant, aux États membres dans l’exercice de leur compétence de fixer le siège des institutions.

Dès lors, les délibérations du 9 mars 2011 doivent être annulées en ce qu’elles ne fixent pas douze périodes de sessions plénières mensuelles, à Strasbourg, pour les années 2012 et 2013.