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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
La FEDIL exige un train de réformes au Luxembourg et des politiques européennes qui permettent à l’industrie du pays de s’épanouir de nouveau
15-01-2013


Réception du Nouvel An auprès de la FEDIL le 15 janvier 2013 selon un rite bien établi : d’abord l’intervention de son président qui dresse le bilan de l’année précédente, fait l’inventaire des défis et opportunités, des forces et des faiblesses de l’industrie luxembourgeoise, puis formule ses doléances à l’égard des pouvoirs, ensuite l’intervention d’un hôte – en général étranger, grand décideur politique ou dirigeant d’une grande entreprise internationale – et puis la réponse du Premier ministre aux interventions des orateurs qui l’ont précédé.

Le président de la FEDIL, Robert Dennewald, lors de son intervention à la réception du Nouvel An de sa fédération, le 15 janvier 2013Scénario bien rodé donc que Robert Dennewald, le président de la FEDIL a lancé avec son discours de bilan et de revendications. L’année 2102 n’a pas été bonne pour les entreprises. Les chiffres d’affaires ont reculé. Le Luxembourg est le leader toutes catégories de l’augmentation des salaires, ce qui indispose les entreprises, si cette évolution n’est pas maîtrisée. Le marché du travail inquiète : chômage partiel, 20 000 demandeurs d’emploi, difficultés à recruter du personnel qualifié. Il faut donc des solutions, de concert avec la politique et les syndicats.

Le contexte est difficile, constate Robert Dennewald. La Chine et l’Inde seront bientôt les nations industrielles les plus importantes. La part des pays de l’OCDE dans l’économie globale passera d’ici 2060 de 65 à 43 %. La part de l’UE passera de 17 à 9 %, même si elle joue encore actuellement un rôle de leadership dans la haute technologie et les services. La politique industrielle de la Commission européenne pose les accents qu’il faut dans ce contexte, "même s’ils manquent encore d’ambition et ne sont pas assez ciblés", pense le président de la FEDIL.

Un autre chapitre qui pose problème aux industriels est, pour Robert Dennewald, la politique énergétique et de lutte contre le changement climatique. L’Europe est fortement dépendante des importations d’énergie et doit payer des prix plus élevés que les USA, ce qui menace les sites industriels européens. L’UE est isolée au niveau international avec sa politique contre le changement climatique et avec son intention de vouloir atteindre ses objectifs en réduisant la production industrielle, "elle ne semble pas impressionner les autres espaces économiques". 

Dans ce contexte, le Luxembourg a reculé dans les classements internationaux sur la compétitivité, et ce, selon le président de la FEDIL, parce qu’il est plombé par plusieurs problèmes : des dépenses budgétaires qui ne sont pas durables et une dette publique qui a augmenté fortement ; des coûts salariaux trop élevés qui plombent sa compétitivité ; une réforme administrative en panne ; un marché du travail qui fonctionne mal ; un système des pensions qui n’est pas durable non plus ; un système d’éducation qui est déconnecté des réalités économiques. La crise a accentué l’effet de ces faiblesses. S’y ajoutent des changements structurels : la mutation de la base réglementaire du secteur financier ; la nécessité du secteur industriel de miser sur la R&D et l’innovation pour rester dans le jeu ; des impulsions venant des autorités publiques pour investir dans de nouveaux secteurs comme la logistique, les TIC, la biotechnologie ou l’environnement, ce qui demande du temps et contient beaucoup de risques.

Si la part de l’industrie dans le PIB est passée de 15,3 % en 1995 à 8 % en 2012, c’est dû au poids du secteur financier. L’industrie reste pour la FEDIL un pilier fort de l’économie du pays. Pour la renforcer, la FEDIL demande aux ministres compétents un meilleur fonctionnement du marché du travail, un environnement fiscal favorable pour les entreprises, des formations dont les entreprises ont besoin, une réduction des frais salariaux, une prise en compte des intérêts de l’industrie quand il est question d’environnement, d’aménagement du territoire ou de réforme administrative. Et elle demande aux syndicats "de ne pas méconnaître les réalités économiques", afin que l’on puisse procéder à "des adaptions inévitables" sur base d’un "dialogue social constructif". 

L’agenda de réformes idéal pour le patronat touche au budget de l’Etat qui doit être adapté aux exigences du changement démographique, aux systèmes de santé et de pensions, au marché du travail qui doit absorber les jeunes et les personnes à faible qualification, et, finalement, à la compétitivité des entreprises. Mais, constate le chef de file des industriels, la nécessité du changement n’est pas perçue ainsi par l’opinion publique. Les efforts pour maintenir le pouvoir des achats des ménages se font aux frais des entreprises. Il faudrait pourtant "reconnaître que le Luxembourg est vulnérable" et qu’il n’y a "pas d’alternatives aux réformes".

Le Premier ministre Jean-Claude Juncker lors de son intervention à la réception du Nouvel An de la FEDIL, le 15 janvier 2013Dans sa réponse à Robert Dennewald, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a mis en avant, avec un brin d’ironie, le communiqué de l’agence de notation Standard & Poor’s de la veille, par lequel celle-ci avait revu ses perspectives à long terme pour le Luxembourg, les faisant passer de négatives à stables et en confirmant la note "AAA" du Luxembourg à long terme et de "A-1+" à court terme. Avec un brin d’ironie, parce qu’en décembre 2011, lorsque S&P’s avait placé le Luxembourg sous "surveillance négative", le Premier ministre avait déclaré –"imprudemment", de son propre aveu - que l’agence n’y comprenait rien, alors que cette fois-ci, elle avait "constaté objectivement que la politique budgétaire luxembourgeoise est tout à fait présentable", montrant qu’elle y comprenait désormais quelque chose.

Jean-Claude Juncker a déclaré ressentir assez mal les critiques adressées par la FEDIL notamment à la politique budgétaire de son gouvernement. En même temps, il a mis en garde contre toute tentation de retomber dans l’autosatisfaction. Mais pour lui, il est faux de prétendre que le gouvernement ne songe pas au futur. Certes, les dépenses augmentent en 2013, mais il donne à penser que celles destinées aux R&D ont augmenté de 15,6 %, que l’université reçoit 10,6 % en plus. Il rejette aussi la critique de la FEDIL selon laquelle les investissements publics auraient reculé. Ils n’ont pas atteint le niveau qui avait été prévu, mais les investissements qui ont été remis ou annulés correspondent à ce que, entre autres, la FEDIL avait demandé. Par ailleurs, le niveau des investissements publics est plus élevé que lors des années 2009 et 2010, les années des mesures anticycliques.

Jean-Claude Juncker a aussi expliqué que "nous ne sommes pas encore arrivés au bout de la crise". Le PIB du Luxembourg est toujours inférieur à celui des années 2007 et 2008. "Nous allons en tâtonnant vers la sortie de crise", a-t-il précisé. Une réalité qu’il faut, selon lui, reconnaître dans ce contexte est que la compétitivité du Luxembourg a diminué ces dernières années, mais qu’il ne faut pas négliger le fait que les coûts salariaux finiront par augmenter en Allemagne. Par ailleurs, il a rappelé que l’indexation des salaires avait pu être modulée sans qu’il n’y ait de grèves, que l’ajustement des pensions n’avait pas été effectué et qu’il en a été de même avec le revenu minimum garanti. S’il y a néanmoins eu une hausse du SMIC, c’est parce qu’il fallait garder un plus grand écart entre les revenus du travail et les revenus de substitution.

Quant au marché du travail, Jean-Claude Juncker a annoncé que les jeunes luxembourgeois non qualifiés sans emploi ne pourront bientôt plus refuser de travailler dans des secteurs où les emplois sont d’abord occupés par les travailleurs étrangers, comme dans le secteur HORECA. Par ailleurs, il a appelé le patronat, qui prône une prolongation de la durée de vie au travail, de veiller à maintenir dans l’emploi les plus de 50 ans et non de s’en débarrasser "comme s’ils étaient de la vieille ferraille". Le Premier ministre a aussi regretté que les partenaires sociaux "se comportent comme si l’on était en pleine guerre froide", alors qu’il "faut plus que de la coexistence pacifique" entre eux. 

Rappelant que le poids de l’Europe et des Européens diminuera fortement dans un contexte global d’ici 2060 et que seul l’euro assure à l’UE une signification globale, Jean-Claude Juncker a appelé, en guise de conclusion, les partenaires sociaux au Luxembourg comme les Européens "à mettre leurs divergences dans leur poche" et à remettre les choses en marche.