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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Budget 2013 – Le débat à la Chambre des députés, placé sous le signe du semestre européen, s’est concentré sur les mesures d’économie proposées par le gouvernement
13-12-2012


www.chd.luLe débat sur le budget 2013 s’est étalé sur trois jours à la Chambre des députés, entre le 11 et le 13 décembre 2012. La procédure du budget s’inscrivait pour la deuxième fois dans le cadre du semestre européen.

Le premier à prendre la parole, le 11 décembre, fut le rapporteur du budget, le député Lucien Lux (LSAP), qui a appelé à voter en faveur du projet de loi 6500 qui établit le budget 2013 de l’Etat luxembourgeois. Un budget dont le projet présenté par le gouvernement début octobre avait, une fois n’est pas coutume, été vivement critiqué par les députés de la majorité gouvernementale. Une série d’amendements gouvernementaux avaient par conséquent été apportés début novembre 2012.

Au-delà des questions de gouvernance qui y sont liées, ce budget s’inscrit aussi dans un contexte européen plus général : celui d’un discours dans lequel règne la morosité, quand la situation du Luxembourg est loin d’être la pire. Néanmoins, l’analyse objective des faits à laquelle s’est exercée le rapporteur l’a conduit à la conclusion qu’il est temps de se retrousser les manches pour mener des réformes courageuses et responsables au service de la cohésion sociale et de finances publiques saines.

Pour le rapporteur, Lucien Lux, une politique budgétaire, c’est une question de modèle de société, et déclinée dans le cadre du semestre européen, elle doit rester soumise au contrôle démocratique

Lucien Lux déplore l’absence de dialogue qui se fait sentir ces dernières années, ainsi que la polarisation des débats qui va de pair. L’analyse même des faits tend à faire polémique, regrette le député qui résume en expliquant que les uns ignorent les problèmes quand d’autres jouent les oiseaux de mauvais augure ou restent prisonniers de leurs idéologies. Il s’en prend aussi au patronat qui semble ne pas être en mesure de saisir les atouts du Luxembourg en termes de compétitivité, quand, de leur côté, les syndicats n’ont de cesse de crier à la crise sociale, alors que c’est justement grâce à son système social que le Luxembourg peut y échapper.

Il constate pourtant qu’une majorité de citoyens tend à raison garder, à en croire les sondages qui indiquent que 80 % d’entre eux considèrent que l’endettement est un problème de taille qu’il faut résoudre.

A côté de cette absence de dialogue constructif, Lucien Lux épingle la morosité ambiante, déplorant que l’on ne mette en avant que ce qui est négatif. Il relève les succès que l’on perd souvent de vue, en donnant pour exemples ceux qui relèvent de la crise de l’euro : malgré toutes les difficultés, les mesures de ces dernières années commencent à porter leurs fruits, estime Lucien Lux en observant que les déficits reculent, que les taux d’intérêt commencent à se normaliser, et que l’UE et la zone euro se dotent peu à peu des instruments et des procédures qui lui permettront d’améliorer sa gouvernance économique et budgétaire.

Dans cette ambiance délétère, c’est à la politique de prendre ses responsabilités. Et Lucien Lux a appelé le gouvernement à ne pas présenter le budget seulement comme une montagne de chiffres où se distinguent des déficits élevés, mais à prendre le soin d’expliquer les politiques qui le sous-tendent.

Le député a voulu esquisser un "tableau objectif de la situation".

"De nombreux paramètres sont positifs" a commencé par constater Lucien Lux en comparant la situation du Luxembourg avec celle d’autres pays de l’UE : la dette et le déficit publics restent acceptables, le Luxembourg est d’ailleurs un des rares pays encore notés d’un triple A, le Grand-Duché continue à créer de l’emploi, et sa productivité est bonne. Sans compter que le niveau d’investissement reste un des plus hauts d’Europe, de l’ordre de 3,8 % du PIB en 2013. Parmi les forces du Luxembourg, Lucien Lux souligne la solidité d’un Etat social qui met l’accent sur la politique familiale, citant au passage les chiffres récemment publiés par Eurostat selon lesquels le Luxembourg dépense 22,7 % de son PIB pour la protection sociale (LIEN), 17,8 % des transferts sociaux se faisant en faveur des familles.

Pour autant, le député constate aussi des faiblesses au vu des paramètres qui se sont dégradés pendant les années de crise, à savoir une croissance en panne qui est assortie d’une désindustrialisation rampante, un PIB qui ne s’est pas encore remis de la crise, un chômage à la hausse et une poussée fulgurante de l’endettement et du déficit. Et de ce point de vue, il juge nécessaire de « se retrousser les manches si l’on veut continuer de rester dans le groupe de pointe ».

Aussi le budget 2013 doit-il être un projet pour l’avenir, a insisté Lucien Lux en mettant l’accent sur les enfants et la jeunesse pour expliquer les grands axes du projet de budget.

C’est sous cet angle que l’assainissement des finances publiques est abordé par le député qui plaide la cause défendue par le ministre des Finances, Luc Frieden, à savoir la nécessité d’une nouvelle culture de dépenses. Et c’est dans ce contexte qu’il appelle à chercher, alors que le gouvernement va commencer les préparatifs pour la rédaction du 14e programme de stabilité et de croissance, les domaines dans lesquels il y aurait un potentiel d’économie, non pour le plaisir aveugle de faire des économies d’épicier, mais de façon sélective, selon des critères clairs qui seraient l’expression d’un concept politique. Il a donné pour exemple le logement, problème social n°1 aux yeux du député qui s’inquiète de l’efficacité des aides au logement actuel. Mais aussi la politique familiale, très généreuse, dans le cadre de laquelle il faut veiller toutefois à ne pas menacer la cohésion sociale.

Il faut aussi une nouvelle culture des recettes, a ajouté le député qui constate que les entreprises contribuent toujours moins aux recettes fiscales de l’Etat, tandis que les salariés y contribuent toujours plus, mais aussi que l’imposition des revenus du capital ne représente qu’une infime part des revenus fiscaux, ou encore la part des impôts indirects augmente par rapport à celle des impôts directs. Des déséquilibres qu’il convient de rééquilibrer par une réforme fiscale.

En clair, une politique budgétaire, c’est une question de modèle de société. Et c’est donc une question de courage, de responsabilité et justice sociale, a conclu le député. Il a décliné les questions incontournables : il s’agit à ses yeux de ne pas hypothéquer l’avenir de la jeunesse, de renforcer les familles, d’inventer un policy-mix intelligent pour allier assainissement des finances publiques et croissance, d’établir un plan d’action compétitivité et de ne pas perdre de vue la question climatique. Mais il convient aussi de prendre en compte le fait que l’austérité est une impasse, comme le montre l’exemple espagnol, et qu’il faut veiller à préserver l’Etat social en le réformant pour en assurer la pérennité. Et garantir la cohésion sociale qui est condition à la paix, à la compétitivité de l’économie et au fonctionnement des institutions démocratiques.

Le député a aussi abordé la question de la gouvernance, soulignant la nécessité d’une meilleure efficacité par une plus grande cohérence entre les politiques, des procédures plus transparentes et plus rapides et une évaluation systématiques des politiques mises en œuvre. C’est dans ce contexte qu’il a abordé la question de l’adaptation des procédures budgétaires nationales aux nouvelles règles introduites par le semestre européen. Il s’agit selon Lucien Lux d’arriver à ce que le gouvernement, la Chambre, et ces deux acteurs ensemble, se donnent les moyens de respecter les nouvelles règles sans perdre pour autant le contrôle démocratique sur le budget au niveau national. La procédure budgétaire doit être adaptée de façon à impliquer plus fortement la Chambre pendant le premier semestre, au moment où le programme de stabilité et de croissance est élaboré.

Le discours du ministre des Finances Luc Frieden a placé le débat sur le budget sous le signe de la réduction du déficit et d’une UE où la croissance est en berne alors que les centres de gravité de l’économie globale se déplacent

Le discours du ministre des Finances Luc Frieden, qui a été prononcé le 12 décembre devant la Chambre, a placé le débat sur le budget sous le signe de la réduction du déficit, une tâche d’autant plus difficile que celle-ci a été abordée dans un cadre où il y a eu nécessairement différentes approches. « Mais il y a eu un vrai débat autour de la situation économique du pays », a admis le ministre, qui a placé ses réflexions sur le budget 2013 sous le signe des évolutions en cours au Luxembourg et en Europe. Une évolution faite de grands défis pour le Luxembourg et l’UE, qui, depuis 5 ans, « se traînent à travers plusieurs crises » que sont celles de l’économie, de la dette publique, des systèmes sociaux et de l’espace monétaire. Et ces crises ne seront pas passées de sitôt, pense le ministre. L’UE se situe pour lui dans un rond-point dans lequel elle tourne en cherchant à trouver la sortie.

La conviction profonde de Luc Frieden est que là où règnent la dette et le déficit, il n’y aura pas de croissance, mais du chômage. Le défi est de créer de la croissance tout en désendettant le pays et en réduisant le déficit. Sans finances publiques saines, rien de cela n’est possible.

En 2013, il n’y aura que très peu de croissance en Europe, a-t-il annoncé, et les efforts de stabilisation et les réformes structurelles menées dans les Etats membres ne porteront pas immédiatement leurs fruits. Pour le Luxembourg, qui est une économie très ouverte, cela aura des conséquences.

Quoiqu’il en soit, l’UE doit retrouver un lien avec les économies dynamiques des pays émergents, car le centre de gravité de la dynamique économique mondiale est en train de se déplacer. Pour lui, c’est un fait qui doit entrer dans les réflexions sur l’économie luxembourgeoise et européenne et le futur de son modèle sur le long terme.

Pour que la croissance revienne et pour éviter des inégalités au niveau global, les entreprises européennes doivent être compétitives et les gouvernements doivent veiller à ce que les inégalités sociales restent à un bas niveau et la croissance ne détruise pas l’environnement. Il leur faudra aussi pouvoir décider de manière rapide et efficace, car le monde bouge plus vite que les décisions ne sont prises. Cela ne relève pas de l’impossible pour le ministre, qui cite l’Irlande comme un exemple auquel l’on peut se référer.

La croissance au Luxembourg a été de 1,5 % en 2011, en 2012 elle sera au bout du compte de 0,5 % et en 2013, l’on prévoit 1 % de croissance, alors que le Luxembourg affichait dans le temps 4 à 6 % de croissance annuelle. L’emploi croîtra néanmoins en 2012 de 2 % en de 1,3 % en 2013, et il importe d’analyser dans quel secteur pour que l’on puisse orienter les demandeurs d’emplois et les jeunes en formation. Néanmoins, le chômage évoluera entre 6 et 6,5 %.

Le Luxembourg votera selon lui un budget 2013 qui "peut se montrer dans le contexte européen", car il reste dans les normes, même s’il affiche les effets de la crise. Avec un déficit de 1-1,5 milliards pour l’administration centrale et de 800 millions pour l’administration publique,  et  une réduction du déficit à 380 millions pour l’administration publique et d’un milliard pour l’administration centrale, les recettes augmentent plus vite que les dépenses, et les dépenses n’augmenteront pas aussi rapidement que la nouvelle norme européenne de 3,65 %.

Les dépenses sont importantes à cause de l’augmentation du nombre d’enfants dans les crèches, du nombre des chômeurs et des mesures en faveur des entreprises. S’ajoutent des investissements de l’ordre de 1,7 milliards sur les 14,1 milliards de dépenses de l’administration centrale, un taux d’investissement plus élevé que lors des budgets anticycliques de 2009 et 2010, et seulement moins que les investissements dans le budget de 2012.

Les mesures de réduction budgétaire seront ressenties par les particuliers, mais elles auront un  impact limité sur leur style de vie et limité dans le temps. Pour Luc Frieden, il est en tout cas faux de dire que le budget « va pas ponctionner les petits ». Au contraire, en liant l’économique, le social et le bon sens, un juste équilibre a été trouvé.

Reste que l’économie luxembourgeoise doit affronter quelques grands défis. Le premier est qu’elle est une économie très ouverte, ce qui implique que ce qui se passe à l’extérieur à un impact fort sur elle. Le deuxième est qu’elle n’est pas assez diversifiée et qu’il n’y pas d’espoir que sa diversification avance substantiellement malgré les grands efforts qui sont déployés. Finalement, les grandes firmes ne viennent pas au Luxembourg à cause de son marché intérieur, mais à cause de ses conditions-cadre qui leur permettent de bien vendre leurs biens ou services dans l’UE et le reste du monde.

Les conditions-cadres qu’il convient d’assurer aux firmes étrangères au Luxembourg sont résumées par le ministre en six points :

  • un bon rapport avec des autorités publiques capables de prendre rapidement des décisions qui concernent les entreprises désireuses d’investir ;
  • des frais de production concurrentiels, y compris les frais salariaux et sociaux ;
  • des infrastructures avec une bonne connexion à l’extérieur ;
  • la sécurité juridique et l’Etat de droit ;
  • du personnel bien formé sur place ;
  • une fiscalité avantageuse ;

Tous ces facteurs contribuent à attirer des entreprises et leur permettent de s’établir. Sur ces six points, le Luxembourg peut affirmer sa souveraineté et agir de manière offensive. Mais il n’en reste pas moins qu’il est moins concurrentiel qu’avant. Ce n’est pas de sa faute, pense le ministre, qui pointe avant tout les efforts intenses d’autres pays pour attirer des entreprises.

Il est donc nécessaire de revoir le dispositif luxembourgeois. Il ne s’agit pas pour lui de savoir si on le veut ou pas, mais de savoir ce qu’il faut faire et comment. Car à ses yeux, il ne peut y avoir de croissance au Luxembourg que par du capital étranger. Il faut donc pour lui une ouverture aux idées et au savoir-faire de ces firmes étrangères, et "une autre attitude n’est pas judicieuse". Tout comme il ne faut pas sous-estimer "les hitparades de la compétitivité", car ces classements constituent "un argument de vente", notamment pour des pays comme la Suisse, la Finlande ou la Suède qui sont "plus attractifs que le Luxembourg", de sorte qu’il "faut voir comment faire aussi bien sinon mieux qu’eux". Et sur ce point, la fiscalité des entreprises joue, pense le ministre, qui demande à ce que l’on fasse la différence entre la fiscalité des entreprises et celle des personnes physiques. 

Mais la diversification pour sortir le Luxembourg de sa dépendance du secteur financier ne se fera pas de sitôt alors que ce secteur représente 30 % de son PIB, de ses recettes et de son emploi. S’y ajoute que le secteur financier traverse lui aussi une mutation fondamentale sur trois points : plus de réglementation, une autre fiscalité et plus de surveillance.

Le secteur financier sera réglementé plus et plus uniformément dans le monde entier, et cela rendra les opérations plus chères, ce qui implique que la différence de la place s’établira ou non sur la qualité du service et l’éventail de l’offre de produits financiers.

La fiscalité se basera sur plus de transparence, le secret bancaire traditionnel appartenant à l’histoire depuis 2009, et la tendance est à une transparence totale vis-à-vis des autorités fiscales. Ainsi les relations d’affaires avec les USA ne seront possibles que si les pays partenaires acceptent leurs règles de transparence, et Luc Frieden est bien conscient que « nous avons besoin de ces relations avec la plus grande économie du monde ». Le tax-planning aura donc une grande incidence sur le Luxembourg, et l’actuelle discussion sur la taxation de l’e-commerce constitue un grand défi pour l’économie luxembourgeoise qui exporte des services.

En ce qui concerne la surveillance bancaire au niveau européen, le ministre pense que la moitié des banques de la place seront surveillées par la BCE, même si le travail de surveillance au jour le jour se fera à Luxembourg. Le Luxembourg essaie d’agir sur les futurs mécanismes de décision, et de faire en sorte qu’un Etat membre dispose d’une voix, surtout si le secteur financier joue un rôle disproportionné dans l’économie d’un pays. L’Union bancaire qui sera bientôt créée sera une union bancaire « imparfaite » selon Luc Frieden, mais elle aura des répercussions sur le Luxembourg. Pour arriver à des résultats dans son intérêt, le Luxembourg devra mettra en avant sa souveraineté. (Entretemps, le Conseil Ecofin a pris pendant la nuit du 12 au 13 décembre 2012 une décision à ce sujet. Ndlr)

Finalement, le ministre à demandé aux députés de procéder dès la réception de l’avis du Conseil d’Etat au vote de la transposition de la directive AIFM afin que le secteur financier puisse élargir l’éventail de ses produits et aller sur des marchés plus éloignés.

Pour conclure, le ministre a expliqué qu’il n’était pas contre une politique anticyclique, mais qu’il fallait néanmoins, sur la durée, réfléchir de manière structurelle sur l’évolution de la dette publique qui est de 7 milliards pour l’administration centrale. Pour l’instant, le Luxembourg bénéficie du triple A dont il est "fier", parce que ce triple A suscite la confiance des investisseurs étrangers et permet d’emprunter à un taux bas.

Le ministre est aussi pour une nouvelle culture des dépenses, mais l’idée d’une nouvelle culture des recettes lui inspire par contre une "grande prudence", car dans une économie  ouverte, il faut selon lui éviter un impact négatif d’une hausse des impôts sur l’emploi. Les nouvelles mesures fiscales qui touchent les personnes physiques n’auront selon lui pas trop d’incidence sur le style de vie des résidents, mais d’autres hausses d’impôt pour les personnes sont maintenant hors de question, car "l’avantage fiscal doit nous rester".

Luc Frieden ne voit donc pas de contradiction entre discipline budgétaire et croissance. Le déficit écarte les investissements, est-il convaincu, car il crée de l’incertitude sur l’évolution fiscale d’un pays.

L’examen annuel de croissance de la Commission européenne a expliqué où les dépenses devraient être prioritaires si elles veulent induire de la croissance : dans l’éducation et la R&D, dans la révision des politiques de l’emploi afin de les rendre plus efficaces, et dans les réformes des systèmes de pensions. "C’est ce qui se fait au Luxembourg", pense le ministre,  avec un mix de mesures en faveur de la croissance et de responsabilité sociale. Selon lui, il faudra aussi investir dans une administration moderne, et c’est aussi ce qui se fait au Luxembourg, où l’on investit beaucoup dans une administration fiscale qui permettra de mieux collecter les recettes. Dans ce sens, le budget 2013 est pour lui « un bon budget qui nous fera avancer », mais "le futur de la politique économique et financière du Luxembourg reste un défi énorme".

Le débat du 13 décembre 2012

Dans leurs réponses aux déclarations du rapporteur et du ministre des Finances, le 13 décembre 2012, les députés ne sont pas tous entrés sur le fond de la question de savoir comment articuler la politique budgétaire du Luxembourg avec les nouvelles exigences du semestre européen. Dans son compte-rendu, Europaforum.lu se concentre, vue sa ligne éditoriale, sur la partie des interventions qui ont abordé ce sujet.  

Pour Marc Spautz, qui a pris la parole au nom du CSV, les citoyens ne sont pas tous conscients que le pays est en train de changer profondément et qu’il faut qu’il revoie ses dispositifs de base. Il n’a pu que constater qu’il n’y a pas encore de reprise économique dans l’UE, et que cela affecte particulièrement le pays et aggrave la situation de ses finances publiques. Pour lui, le budget 2013 est un premier pas dans la bonne direction pour réduire l’écart entre recettes et dépenses. Mais, a-t-il aussi estimé, il faut éviter, malgré la consolidation budgétaire en cours, les répercussions sociales et les effets sur la consommation, de sorte qu’il s’est prononcé contre toute hausse de la TVA. Il a salué le projet de budget comme le résultat d’un juste équilibre entre la raison économique et la responsabilité sociale.

Quant à Claude Meisch (DP), il a surtout regretté que le gouvernement n’ait pas mis en place depuis plus longtemps une "raie stratégie de croissance"

Le président du LSAP, le député-maire Alex Bodry, fut plus disert sur la question des changements qui s’opèrent en Europe dans le champ économique et la politique budgétaire. Il fit d’emblée le constat que le Luxembourg se trouve dans un nouveau contexte à la fois en termes d’économie, de croissance, de concurrence et dans le domaine réglementaire, notamment avec le semestre européen et bientôt le mécanisme de surveillance unique (MSU).

Pour lui, le budget 2013 est le premier budget qui s’inscrit entièrement dans la nouvelle procédure européenne. Or, a-t-il remarqué, on ne parle pas beaucoup de cet aspect des choses et "on discute de ce budget comme si c’était un budget habituel, et pas un budget s’inscrivant dans le cadre du six-pack et du pacte budgétaire".

Dans ces textes, a-t-il rappelé, il y a des normes, auxquelles Luc Frieden avait fait allusion la veille. Un premier constat s’impose ici : le budget 2012 correspond à la norme de progression, alors que ce n’était pas le cas pour le budget 2012. Il faudra dorénavant aussi tenir plus compte du solde structurel qui tient compte de conditions exceptionnelles dans lesquelles un pays peut se trouver, ce que ne fait pas le solde budgétaire nominal. Pour Alex Bodry, "il est donc temps de sortir des vieux schémas mentaux". Cela implique, comme l’avait déjà demandé Lucien Lux, qu’il faut changer les procédures budgétaires à la Chambre, "ce qui n’a pas encore été fait, alors que nous commençons à procéder de fait autrement qu’avant". Pour lui, la Chambre doit être présente dès le début d’une année, être consultée et participer au débat, quand le plan budgétaire pour l’année suivante est élaboré avant d’être envoyé en mars à la Commission. Car, à ses yeux, il faut d’abord discuter des grandes lignes budgétaires, avant qu’elles ne soient communiquées pour un premier examen.

La politique budgétaire luxembourgeoise doit donc s’inscrire pour Alex Bodry dans la politique budgétaire européenne, même si son parti, le LSAP, est critique à l’égard de certains aspects de la politique européenne, trop fixée sur l’équilibre budgétaire, et pas assez sur la croissance et la compétitivité. Mais c’est ensemble seulement que les pays européens pourront sortir de la crise. Il faut donc éviter de mener des politiques budgétaires contradictoires. Mais il ne faudrait pas pour autant oublier la dimension sociale de l’Europe et les normes sociales minimales. Le défi de la légitimité démocratique du projet européen est lui aussi tous les jours une évidence. Alex Bodry défend une Europe avec des Etats forts, une croissance soutenue et une dimension sociale reconnue. Il s’oppose à des mesures qui réduisent la croissance, des mesures contre lesquelles le Statec a lui aussi mis en garde.

Selon Alex Bodry, le budget 2013 est un budget progressiste, car il prévoit  40 % de dépenses sociales, des dépenses compatibles avec la stratégie Europe 2020 et le pacte pour l’emploi et la croissance dans l’UE. L’on peut encore corriger à terme le budget du côté des recettes, mais non pas du côté des dépenses.

Tout budget d’austérité conduit au démantèlement de l’Etat providence, pense Alex Bodry. Il y a des choses qui changent dans le budget 2013, et à certains, il a donné l’impression d’être un budget d’austérité. Mais comparé à ce qui se passe dans d’autres pays, le président du LSAP est d’avis que ce n’est pas vrai. Le Luxembourg a l’indexation des salaires, et au cours des prochaines années, celle-ci se fera régulièrement en octobre ; il est un pays à salaire minimum, et ce dernier sera augmenté. Ce qui est unique en Europe.

Le déficit de l’administration devrait être réduit à zéro en 2014 selon le programme de stabilité luxembourgeois. Or, tout le monde s’accorde à dire, met en avant Alex Bodry, que cet objectif ne pourra pas être tenu pour l’échéance de 2014. Le Luxembourg n’est d’ailleurs pas le seul à être dans ce cas au sein de l’UE. Ce n’est pour lui pas un problème majeur, dans la mesure où le Luxembourg affiche toujours, dans un contexte de croissance faible, un solde structurel légèrement positif. Il s’agit donc de se redéployer mais sans tomber dans le catastrophisme.

Pour le député vert François Bausch, le budget du Luxembourg connaît des problèmes structurels, mais sa dette publique est modeste en comparaison avec celle des autres Etats membres de l’UE. La dépendance du secteur financier reste problématique pour la question des recettes, et à cause des nouvelles règles européennes sur la TVA, d’autres pertes sont en vue en termes de recettes sur l’e-commerce notamment. Pour lui, une réforme fiscale est nécessaire, et des budgets qui se concentrent sur les priorités que sont l’école, la recherche, le logement, la famille et les enfants.

Serge Urbany (Déi Lénk) a reproché au gouvernement de vouloir être dans le nouveau cadre budgétaire européen « plus catholique que le pape », et de vouloir imposer aux contribuables des mécanismes plus restrictifs que le cadre européen. Pourtant, celui-ci pousse selon lui d’ores et déjà les Etats à mener une politique sociale dégressive pour que ceux qui ont causé la crise s’en sortent sans trop de pertes aux frais des citoyens. Pour lui, l’UE essaie d’éviter par des mécanismes budgétaires que les Etats restent ou deviennent un facteur actif de redistribution et économique, et donc d’éviter qu’ils constituent des réserves ou contracte des dettes pour arriver à leurs fins. Le député de gauche est convaincu qu’aux budgets d’austérité suivront d’autres réformes, et qu’après la réforme du système des pensions, l’on s’attaquera aux allocations de chômage et à d’autres allocations.

Michel Wolter, le président du CSV, a quant à lui parlé d’une crise systémique qui frappe l’Europe, et il a aussi évoqué le déplacement du centre de gravité économique dans le monde, reprenant ici le diagnostic du ministre des Finances. Pour Michel Wolter, le rôle de l’Europe dans le monde ne deviendra pas plus important, tout au contraire, et l’Europe et ses Etats membres devront donc s’adapter à la nouvelle donne ou continuer à vivoter dans le déni de réalité. Le Luxembourg est pour lui « totalement dépendant » des investisseurs étrangers. Et il y a peu d’alternatives au secteur financier qui soient en mesure de produire autant de recettes budgétaires que ce dernier.

Les conclusions du ministre des Finances

A la fin du débat, Luc Frieden est intervenu brièvement. Comme il avait participé la veille et jusqu’au petit matin au Conseil Ecofin consacré au mécanisme de surveillance bancaire (LIEN) et qu’il n’avait pas dormi, il ne fit que quelques remarques. Avec le budget 2013, le Luxembourg s’adapte aux changements en cours et sera en mesure de les affronter avec des finances publiques saines et stables. Elles sont bonnes en comparaison avec celles des autres Etats membres et le pays peut continuer à bénéficier du triple A auprès des marchés. Mais comme la situation du pays peut changer, il faudra donc poursuivre l’effort entrepris en 2013 au cours des prochaines années.

La semaine budgétaire s’est achevée le 13 décembre avec le vote du budget qui a été adopté avec les 39 voix de la majorité parlementaire contre les 21 voix de l’opposition.