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Compétitivité - Economie, finances et monnaie
La FEDIL propose des moyens de lutter contre la désindustrialisation
09-10-2012


Le 9 octobre 2012, le président et le directeur de la Fédération des industriels luxembourgeois (FEDIL), Robert Dennewald et Robert Soisson, tenaient une conférence de presse avant de faire part de leurs réflexions pour éviter la désindustrialisation qu'illustre la fermeture programmée des usines d'ArcelorMittal à Rodange et Schifflange.

Robert Dennewald : "Trop d'industrie comme dans les années 60, trop de banques comme dans les années 90, apportent une grande dépendance et avec cela une grande vulnérabilité."

Robert DennewaldRobert Dennewald a commencé par souligner l'importance décroissante, décrite par les chiffres nets, de l'industrie dans l'économie nationale. Alors qu'en 1992, elle représentait 15,3 % (21,8 % en incluant la construction) du PIB, en 2010, elle ne représentait plus que 8,1 % de la création de richesses (13% construction incluse). La crise entamée en 2008 a rapidement fait baisser les effectifs de 37 800 personnes à 36 400 en 2012.

Ce "recul net" doit toutefois être relativisé. D'abord parce que le secteur des services est plus grand au Luxembourg que dans beaucoup d'autres pays, en raison de la place financière et des institutions européennes. Ensuite, il s'agit également d'un "phénomène en partie statistique" : l'externalisation a fait basculer les activités telles que le transport, de nettoyage, de sécurité dans la catégorie des services.

Néanmoins, la désindustrialisation qui touche les pays voisins, les pays européens et les Etats industriels doit inquiéter. "Nous devons nous préoccuper car nous avons besoin dans notre économie, aujourd'hui comme jadis, d'un secteur industriel fort." Robert Dennewald ne manque pas d'arguments. A l'origine de 20 % des exportations, des deux tiers de la recherche, l'industrie, quand elle crée un emploi, en crée un autre dans le secteur des services, dit-il. De plus, les emplois créés dans l'industrie ont pour caractéristique appréciable d'offrir "une grande variété de postes pour les ingénieurs, techniciens, artisans mais aussi pour les gens qui n'ont pas de diplôme et sont prêts à faire une formation dans l'entreprise". De même, l'implantation de ces emplois a l'avantage d'être "géographiquement diversifiée".

Robert Dennewald souligne qu'un manque de diversification n'est pas dans l'intérêt stratégique du pays : "Trop d'industrie comme dans les années 60, trop de banques comme dans les années 90, apportent une grande dépendance et avec cela une grande vulnérabilité."

Un Haut comité pour le développement de l'industrie pour redorer son image

L'industrie est arrivée à un "point critique" de son développement. Il faut la préparer à deux défis : la globalisation et l'évolution démographique.

Or, dans ses efforts pour éviter la désindustrialisation, la politique européenne laisse la FEDIL dubitative. La Commission a reconnu que l'Europe a besoin d'un important tissu industriel, pour pouvoir à l'avenir engendrer de la croissance et des emplois, en lançant en novembre 2010 une politique industrielle intégrée. La FEDIL a apprécié ce "bon jalon" mais désespère d'autant plus du manque de cohérence suscitée par la lutte contre le changement climatique. "D'un côté viennent de la Commission des idées intéressantes pour faire perdurer l'industrie, de l'autre côté, elle la pénalise avec une règlementation sur le CO2 qui encourage les délocalisations et non la production", juge Robert Dennewald. Il faudrait au contraire mener "une politique climatique intelligente" qui stimule l'innovation et la compétitivité dans l'industrie.

Au niveau national, le "nouveau souffle" de l'industrie pourrait venir d'une initiative conjointe du ministère de l'Economie et de la FEDIL : la création d'un Haut comité pour le développement de l'industrie.

"Nous ne pouvons pas nous cacher derrière les décisions européennes, pour justifier nos manquements. Nous devons faire nos devoirs à la maison", a déclaré Robert Dennewald. Ce dernier déplore qu'au niveau national, le coût salarial unitaire ne contribuerait pas à l'investissement dans les unités de production existantes et encore moins à en attirer de nouvelles. "Nos entreprises nous disent que dans notre voisinage immédiat les coûts salariaux dans l'industrie sont entre temps passés sous ceux de l'industrie luxembourgeoise", fait-il savoir. Le directeur de la FEDIL, Nicolas Soisson, estime que ces coûts sont 20 à 30 % trop élevés. "Nous n'obtiendrons pas de nouveaux investissements au Luxembourg si nous ne sommes pas prêts à reconsidérer le développement de nos salaires", prévient-il. Répondant à une question de journaliste, Robert Dennewald a dit comprendre les employeurs industriels qui demandaient actuellement à leur personnel dans des entreprises en difficulté des réductions de salaires.

A ce problème de compétitivité s'ajouterait celui ayant trait à la longueur des procédures, qui empêche également les investissements, et celui du manque de terrains. Il n'y a pas assez de zones d'activités pour implanter des entreprises tandis que le prix des terrains est trop élevé. "Il est parfois plus intéressant de vendre le terrain que de maintenir l'activité", confie le président de la FEDIL. Ce dernier voit aussi dans le manque d'attache au pays de l'actionnariat et du management une explication au déclin industriel. Or, cette situation n'est pas contrecarrée par un esprit d'entreprise "en perdition" et l'image négative dont jouit l'industrie dans le pays.

Le gouvernement envoie un "mauvais signal qui nuit à la croissance économique et à la création d'emplois"

Nicolas SoissonDans le projet de budget pour 2013, il n'y a que le maintien des dépenses en recherche pour satisfaire la FEDIL. Pour le reste, le gouvernement enverrait un "mauvais signal qui nuit à la croissance économique et à la création d'emplois". La FEDIL déplore le recul de 8 % des investissements, principalement dans les infrastructures publiques ainsi que la hausse de l'imposition des entreprises par l'augmentation de l'impôt de solidarité (+ 6 %) et la création d'une imposition minimale pour les entreprises. Sur ce dernier point, Nicolas Soisson fait part de son désarroi : "A l'avenir, les entreprises qui n'ont pas de revenus devront aussi payer des impôts, ce qui est pour nous difficile à concevoir."

La FEDIL regarde encore avec inquiétude la progression du déficit, en hausse de 4,7 milliards d'euros entre 2008 et 2012 (auxquels s'ajouterait 1,2 milliards en 2013), et de l'endettement, passé de 7,6 % du PIB en 2006 à 21,4 % en 2012. La FEDIL s'étonne que le gouvernement n'ait pas essayé pour 2013 de redresser les barres. Certes, il a fait les mesures prévues dans le Pacte de stabilité en avril 2012. "Mais ça ne suffit pas, au vu du sérieux de la situation", pense Nicolas Soisson.

Ce dernier décèle pourtant "un énorme potentiel d'épargnes" dans le fonctionnement de l'Etat, puisque les dépenses de fonctionnement devraient augmenter de 4,7 % entre 2012 et 2013 dont une hausse de 4,6 % pour les salaires. De même, la sécurité sociale, en vue du développement démographique, nécessite des réformes. Et si les cotisations augmentaient davantage, "nous perdons alors l'unique atout que nous avons encore", dixit Robert Dennewald.

Ce dernier estime caduc "le business model du Luxembourg fait de niches fiscales et de cotisations basses qui a permis d'attirer investissements et emplois" et permis de pratiquer "une politique sociale très généreuse". Il appelle en conséquence à un "nouveau modèle d'entreprise" pour faire face aux défis posés par l'évolution démographique et la globalisation. Celui-ci devrait avoir "l'efficacité et l'innovation" pour valeurs cardinales et connaître un vaste champ d'application auquel l'Etat n'échapperait pas.

Ce modèle "vaut pour notre système éducatif, notre système social, le fonctionnement de notre Etat et aussi le fonctionnement de notre marché du travail", estime le président de la FEDIL. "Nous ne pouvons pas ignorer les lois économiques. Cela vaut particulièrement pour le développement de nos salaires qui doivent s'orienter vers le développement de notre productivité. Ainsi seulement la désindustrialisation peut être freinée et maintenir l'attractivité du Luxembourg."