Principaux portails publics  |     | 

Agriculture, Viticulture et Développement rural
Obliger les exploitants agricoles à donner de la visibilité aux aides communautaires à l’investissement est pour la Centrale paysanne discriminatoire à leur égard et relève de la chicane bureaucratique
25-02-2013


La Centrale paysanne s’est fâchée, lit-on dans l’édition du Lëtzeburger Bauer du 22 février 2013, après l’envoi par le Ministère de l’Agriculture à la mi-février 2013 d’une lettre circulaire à plusieurs centaines d’exploitants agricoles, dans laquelle il demande aux bénéficiaires d’aides communautaires à l’investissement de mettre en œuvre des mesures d’information et de publicité concernant ces aides.

De Letzeburger Bauer, organe hebdomadaire de la Centrale Paysanne LuxembourgeoiseIl est en fait demandé aux bénéficiaires d’une aide, dans le cadre d’un investissement mobilier ou immobilier cofinancé par l’UE, qui dépasse les 50 000 euros, d’apposer sur l’objet en question – il peut s’agir d’une construction, d’une installation ou d’une machine – un panneau avec la mention "L'Europe investit dans les régions rurales". Si l’investissement dépasse les 500 000 euros, un panneau bien visible doit être dressé sur le lieu même de l’investissement. Ce panneau doit indiquer la raison de l’investissement et doit rester sur place pendant 7 ou 10 ans, selon qu’il s’agit d’un investissement mobilier ou immobilier. Le tout est basé sur le règlement communautaire.

La Centrale paysanne indique qu’il s’agit d’une obligation qui découle du règlement (CE) no 1698/2005 du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et du règlement d’exécution qui y est lié. L’idée est d’optimiser la transparence de l’action communautaire dans l’espace rural, d’améliorer la gestion financière des fonds publics et de renforcer le contrôle des fonds utilisés, tout comme d’éviter les distorsions de concurrence entre les bénéficiaires. Le tout est censé être conforme à la protection des données personnelles, une question sur laquelle les exploitants agricoles luxembourgeois réagissent régulièrement de manière sensible. La dernière proposition de la Commission européenne, qui date du 25 septembre 2012 et qui vise à imposer de nouvelles règles relatives à la publication d'informations sur les bénéficiaires des fonds agricoles européens, a par exemple incité en octobre 2012 la Centrale paysanne à dénoncer "une violation de la sphère privée de l’exploitant agricole et une discrimination d’une certaine catégorie de citoyens".

Dans le cas présent, la Centrale paysanne met en exergue que les règlements en question n’avaient pas encore été mis en œuvre au Luxembourg – "selon elle, une manière de procéder sensible et raisonnable" - et c’est précisément cela qui a été relevé et critiqué, voire "montré en épingle" par la Commission européenne "lors d’un des innombrables contrôles des exploitations, de l’administration et des procédures administratives". La Centrale paysanne considère que l’administration nationale a été obligée d’agir et d’imposer de nouveau aux exploitants "des prescriptions déraisonnables et éventuellement nuisibles".         

La Centrale paysanne est d’avis qu’il "ne faut pas surévaluer cette affaire", mais elle ne peut pas non plus ne pas réagir. Elle l’a fait en adressant au ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, une lettre, dans laquelle elle expose ses griefs. Elle reprend l’argument que les agriculteurs, vignerons et maraîchers sont discriminés, quand ces derniers sont obligés de prendre des mesures d’information et de publicité sur les aides qu’ils reçoivent, comme elle l’avait déjà fait dans le cadre de la polémique sur la publication d'informations sur les bénéficiaires des fonds agricoles européens. Pour la Centrale paysanne, ces aides sont légalement dues. Point. Elle ne croit pas non plus que ces mesures de publicité puissent contribuer à la transparence et au contrôle des dépenses, puisqu’elles n’indiquent ni la raison de ces investissements, ni leur montant exact, alors que selon la Centrale paysanne, le cofinancement de l’UE ne représente qu’une partie "infiniment réduite" de l’investissement total. Les agriculteurs veulent éviter que les citoyens aient l’impression que l’UE a fourni l’intégralité d’un investissement, ce qui "pourrait de nouveau nuire de manière injustifiée à l’image de l’agriculture dans l’opinion publique".

Si l’apposition de ces panneaux ne peut être contournée, la Centrale paysanne verrait d’un bon œil que le Ministère de l’Agriculture aide les exploitants en mettant à leur disposition le matériel de publicité. Mais, signale-t-elle non sans malice, les règlements en question ne prévoient pas de sanction en cas de non-exécution de la mesure. Tout cela montre selon la Centrale paysanne que cette obligation de faire de la publicité relève d’abord de la chicane bureaucratique et est contraire à l’esprit de simplification administrative censé souffler sur les politiques européennes.