A la sortie du Conseil Affaires générales du 4 février 2013, Jean Asselborn n’a pas manqué d’exprimer son inquiétude quant à d’éventuelles coupes supplémentaires risquant d’affecter les dépenses administratives de l’UE dans le cadre des négociations qui sont en train de se préparer sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 en vue du Conseil européen des 7 et 8 février 2013.
Les syndicats de la fonction publique européenne avaient pour leur part lancé un appel à la grève et à la mobilisation en amont du Conseil européen, leur inquiétude allant grandissante au fur et à mesure que se précisent les négociations des prochains jours.
Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission en charge notamment de l’administration, était lui aussi présent à ce Conseil Affaires générales. Appelant à l’équilibre dans des négociations qui ne vont pas se jouer qu’entre Etats membres, mais aussi avec le Parlement européen, il a pointé lui aussi la question des dépenses administratives et a invité les Etats membres "à ne pas s’enflammer et à ne pas briser le moteur européen".
La Commission a déjà procédé à des coupes de 8 milliards d’euros dans son budget administratif, et elle a proposé 1 milliards de coupes supplémentaires, à quoi s’ajoute la proposition du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, de faire une coupe supplémentaire de 0,5 milliards d’euros, résumait le commissaire à l’issue du Conseil. "Nos propositions impliquent la suppression de 2500 postes dans les cinq prochaines années, ce qui est plus que tout le personnel de la Cour de Justice !", concluait-il.
Le même jour, dans les médias allemands, une polémique enflait au sujet des salaires des fonctionnaires européens, dont, rapportaient les rédactions, plusieurs milliers gagneraient plus que la chancelière allemande.
Le lendemain, 5 février 2013, plusieurs grands quotidiens allemands se sont saisis du sujet, tentant de faire la part des choses. La Süddeutsche Zeitung publiait notamment un entretien avec le commissaire Šefčovič qu’ont pu rencontrer Javier Caceres et Cerstin Gammelin.
Le commissaire commence par y démentir les informations selon lesquelles plusieurs fonctionnaires européens gagneraient plus que la chancelière. "De telles comparaisons font de beaux titres, mais sont la plupart du temps erronées sur le plan méthodologique", explique le commissaire qui rappelle que les grilles de salaires de l’UE correspondent à celles des organisations internationales et des services diplomatiques des Etats membres, et sont en partie même inférieures.
Lorsque les journalistes évoquent la volonté de certains chefs d’Etat et de gouvernement de procéder à une coupe de 15 milliards d’euros dans le budget 2014-2020 de l’administration, le commissaire réagit vertement : "on peut faire nos paquets, fermer et rentrer à la maison". Comme il le rappelle à la rédaction de la Süddeutsche Zeitung qui veut connaître la marge de manœuvre dont il dispose, la moitié des 63 milliards d’euros proposés dans cette rubrique budgétaire doit servir à payer des engagements fixes, à savoir les pensions ou les contrats à long terme portant sur les infrastructures, autant d’éléments sur lesquels Maroš Šefčovič n’a aucun moyen d’agir.
Quant aux salaires, ils s’élèvent chaque année à 4,5 milliards d’euros. Faire une coupe de 15 milliards d’euros reviendrait donc quasiment à ne payer personne pendant trois ans, ce qui est "absolument impossible". Le commissaire rappelle aussi qu’il est prévu d’économiser, entre 2004 et 2010, neuf milliards d’euros. Sans oublier que la méthode de calcul des salaires reflète l’évolution de la fonction publique dans huit pays et que toute nouvelle méthode devrait rencontrer l’aval des 27 et du Parlement européen.
Maroš Šefčovič rappelle à cette occasion qu’il a présenté en 2011 un paquet de réformes qui n’a toujours pas été approuvé par le Conseil. Et lorsque les deux journalistes lui disent que Bruxelles semble en faire peu alors que beaucoup de pays sont en train de procéder à d’importantes réformes de leurs administrations, le commissaire les invite à considérer les raisons qui poussent un certain nombre de pays à des modifications drastiques : "les gouvernements ont laissé traîner pendant des années les réformes de l’administration et la crise les contraint maintenant d’agir". Au contraire, la fonction publique européenne a déjà accompli d’importantes réformes, et elle continue, raconte le commissaire. "Nous allons supprimer 2500 postes, nous allons porter le temps de travail hebdomadaire à 40 heures (contre 37 actuellement, ndlr), l’âge de départ à la retraite va passer à 65 ans, et même 67 pour ceux qui le souhaitent", explique le commissaire. Il ajoute à la liste le fait que les salaires payés en fin de carrière vont être réduits en partie, et ce jusqu’à 45 %, tandis que les salaires de début de carrière vont être réduits dans certains domaines de 18 %. Et le commissaire confie aussi être en train de voir comment économiser sur les voyages annuels dans le pays d’origine des fonctionnaires et sur les jours fériés.
Pour autant, Maroš Šefčovič s’interroge sur la portée de ces décisions à long terme en termes de compétences. "Dans quelques années, 60 % des hauts fonctionnaires actuels partiront à la retraite", prévoit-il, ce qui va modifier l’équilibre européen au sein des institutions. En effet, constate le commissaire, le nombre de candidats des anciens Etats membres ne cesse de réduire : le nombre de candidats allemands est 2/3 en-dessous celui qui est escompté, pour les candidats français, c’est la moitié du nombre attendu.
Le commissaire explique le phénomène par la concurrence, puisque les institutions européennes ciblent les mêmes profils que les Nations Unies, la Banque mondiale, le FMI ou des cabinets d’avocats internationaux. "Nous avons besoin de bons spécialistes que peuvent aussi priser les grands groupes internationaux ou les grandes banques en leur offrant des salaires absolument incomparables", constate encore Maroš Šefčovič. Or, il s’agit selon lui de "recruter les meilleurs que nous pouvons avoir".
Maroš Šefčovič s’inquiète de la difficulté qui va s’ensuivre pour respecter un certain équilibre géographique entre les 27 parmi les personnes recrutées. Il dit ainsi avoir récemment dû prendre des décisions difficiles en raison de la surreprésentation d’une certaine nationalité dans le personnel des institutions. Invité à préciser laquelle, il a expliqué qu’il s’agissait de ressortissants belges, et il estime que ce phénomène laisse présager ce qui va advenir : à savoir que les institutions ne vont attirer des candidats ne venant que des pays dans lesquels elles ont leur siège respectif.
Là où le commissaire admet que des économies pourraient être faites, c’est en revanche sur le fonctionnement des agences de l’UE, qui emploient 8000 agents pour un budget de plus de 700 millions d’euros par ans. "Dans certains agences, 80 personnes siègent au Conseil d’administration", indique Maroš Šefčovič qui explique avoir proposé de créer des conseils d’administration de six, sept personnes en donnant à la Commission un droit de veto en cas de mauvaise gestion. Mais, confie-t-il aux journalistes, les Etats membres ont peur pour les agences qu’ils accueillent sur leur territoire.
Le commissaire évoque aussi les coûts du voyage mensuel à Strasbourg, où sont organisées les sessions plénières du Parlement européen. Lorsque les journalistes lui demandent combien l’UE pourrait économiser si le Parlement européen n’avait qu’un seul siège, il répond "au moins 200 millions d’euros par an".