Principaux portails publics  |     | 

Budget de l'Union européenne - Traités et Affaires institutionnelles
Les implications de la proposition de la Commission européenne pour le prochain budget européen 2014-2020 sont contestées par les syndicats
11-07-2011


2014-2020 : le nouveau cadre financier de l'UELa proposition de la Commission européenne concernant le prochain budget de 2014 à 2020 sera certainement à l’origine de nombreuses discussions durant les prochains mois au sein des institutions européennes. Parmi les points importants de cette proposition, la Commission propose de réformer une nouvelle fois le statut des fonctionnaires européens. L’objectif est de pouvoir effectuer des économies et de geler la part du budget européen attribuée à l’administration européenne. Cela se traduit par la diminution des effectifs de 5 %, une augmentation du temps de travail légal de 37,5 à 40 heures, une augmentation de l’âge de départ à la retraite de 63 à 65 ans où encore la mise en place pour les tâches administratives et de secrétariat, d’un personnel contractuel à la place des postes de fonctionnaires statutaires.

La Commission veut opérer un remaniement profond de la fonction publique européenne. Les fonctionnaires européens ont commencé à réagir à travers leurs syndicats et il semble d’ores et déjà que la proposition provoquera une gronde générale, notamment au Luxembourg, où se situe une partie de l’administration des institutions européennes et où travaillent 11 000 personnes dans différentes institutions. 

Les propositions de la Commission

L’idée de base est d’adapter les institutions européennes à l’"environnement économique actuel ". La Commission veut ainsi aller dans le même sens que la plupart des administrations publiques des Etats membres qui ont, elles aussi, mis en œuvre une politique de rigueur en ce qui concerne les effectifs et les salaires des fonctionnaires. Selon la Commission européenne, les propositions ont pour but d’entraîner des économies supérieures à un milliard d’euros d’ici à 2020. En voici les principales grandes lignes :

  • Une réduction du personnel de toutes les catégories dans toutes les institutions de 5 % sur la période 2013-2017, grâce aux départs à la retraite et à la limitation de la conclusion de nouveaux contrats.
  • Une augmentation de la durée obligatoire de travail hebdomadaire pour tout le personnel de toutes les institutions de 37 heures et demie à 40 heures sans compensation salariale.
  • L’accès aux grades les plus élevés conditionné par la réussite d'une procédure de sélection.
  • L'augmentation de l’âge normal de départ à la retraite de 63 à 65 ans. La possibilité pour le personnel de travailler volontairement jusqu’à 67 ans va être facilitée et rendue plus attrayante.
  • Les tâches de secrétariat et les tâches administratives de même nature dans les institutions ne seront plus accomplies par des fonctionnaires statutaires, mais par du personnel contractuel. A l'avenir, le personnel pour ce type de fonctions sera recruté en tant qu’agent contractuel, avec la possibilité d’obtenir des contrats de durée indéterminée.
  • Afin de clarifier le débat sur les conditions de travail destinées à favoriser la vie de famille, la possibilité pour chaque institution d’établir des arrangements flexibles de travail sera expressément prévue dans le Statut des fonctionnaires.

À cela s’ajoute aussi une proposition pour la modification de la méthode d’ajustement des salaires et pensions. A partir du 1er janvier 2013, les huit Etats membres de référence retenus pour refléter l'évolution du pouvoir d'achat des fonctionnaires nationaux – un des éléments clés de la méthode – seront rejoints par la Suède et la Pologne. Une nouvelle clause d’exception permettra aux institutions de réagir de manière appropriée à une crise économique lors de l'adaptation annuelle. Cette méthode sera accompagnée d'un nouveau prélèvement de solidarité de 5.5 %, applicable à compter du 1er janvier 2013 jusqu’au 31 décembre 2020.

Cette proposition de remaniement de la méthode d’ajustement des salaires et pensions est aussi un sujet sensible. En effet, celle-ci fait suite à une affaire où le Conseil par le biais d’un règlement, avait modifié la proposition d’adaptation des rémunérations de la Commission pour tenir compte de la crise économique et financière. Le taux d’adaptation avait été revu à la baisse par le Conseil (et donc par les Etats membres), malgré la proposition de la Commission. Celle-ci avait introduit un recours en annulation devant la Cour de Justice de l’Union européenne car elle estimait que le statut des fonctionnaires instaurait une méthode d’adaptation des rémunérations automatique qui ne laissait pas de marge d’appréciation au Conseil lui permettant d’écarter la proposition de la Commission. La Commission avait obtenu gain de cause et les articles du règlement en cause avaient été annulés même si leurs effets ont été maintenus.

Les syndicats réagissent aux propositions de la Commission

Dans une interview accordée au journal luxembourgeois "Le Quotidien", le 7 juillet 2011, le vice-président de la Fédération de la fonction publique européenne(FFPE), Pierre-Philippe Bacri, exprime ses inquiétudes et ses regrets par rapports à cette proposition de réforme. Celle-ci n’engendrerait pas de réelles économies et ne ferait qu’encourager le "démontage de la fonction publique" européenne, souligne t-il.

En 2004, les fonctionnaires européens ont été soumis à une première réforme de leur statut particulièrement profonde. L’âge de la retraite a été augmenté à 63 ans avec la possibilité d’aller jusqu'à 65 pour un certain nombre de fonctionnaires. Le salaire d’entrée ont été baissés et de très nombreuses fonctions ont été remplacées ensuite par des postes concédés à des agents contractuels. Le vice-président de la Fédération de la fonction publique souligne donc que les fonctionnaires avaient "déjà commencé à faire des efforts" et ce bien avant la crise financière. 

Philippe Bacri dénonce aussi le fait que les fonctionnaire sont constamment pointés du doigt par le grand public comme étant non seulement extrêmement bien payés mais aussi bénéficiaires de très nombreux avantages, notamment au niveau des impôts. Les fonctionnaires ne sont pas "mieux lotis que les autres" dit-il, en se référant notamment aux fonctionnaires internationaux des organisations comme l'ONU ou OTAN, aux cadres d'entreprises multinationales ou encore à des fonctionnaires nationaux en poste dans les pays étrangers. "L'effort drastique fait en 2004  a été un peu passé sous silence" et les statuts des fonctionnaires sont selon ses propos les "cibles d’une opération politique".

Le vice-président du FFPE fait remarquer que l’une des mesures les plus sensibles est celle de la réduction du nombre de postes, qu’il qualifie de "dramatique". La catégorie des assistants risque en effet d’être supprimée et remplacée par des contractuels. Implicitement, un scindement entre le bas de l’échelle et les fonctionnaires en résulterait dû notamment à une différence de statut et à des salaires éloignés.

Cristiano Sebastiani, président du comité central du personnel de la Commission Européenne, s’est exprimé lors d’un discours à Bruxelles, le 30 juin 2011, sur la réforme des statuts des fonctionnaires européens et sur ses conséquences vis-à-vis de l’attractivité de la fonction publique européenne. Pour lui, "il est clair que cela (la réforme) visera à éliminer le caractère multiculturel et multinational de toute une catégorie de personnel car les salaires qui sont proposés ne permettent pas d’être attractifs". Il va même plus loin en parlant d’" un choix politique que la Commission doit assumer sans se cacher derrière des économies"."Nous (les fonctionnaires européens) sommes capables de démontrer que nous pouvons faire beaucoup mieux en matière d’économie sans pour autant saboter la fonction publique européenne" s’exclame-t-il par la suite.

Les syndicats des fonctionnaires européens ne sont pas forcément scandalisés par toutes les propositions de réforme de leur statut, comme l’a exprimé Robert Kiar, président du comité du personnel à Luxembourg dans une interview au journal "Le Quotidien", le 7 juillet 2011. En effet, il perçoit l’augmentation du temps de travail de 37,5h à 40h qui est proposée, comme "une adaptation sur le papier". "En réalité nous travaillons plus de toute façon. Nous devrons bien compenser la perte globale de salariés" poursuit-il.

Pour avoir une échelle de ce que représentent les fonctionnaires européens, il faut savoir qu’il existe environ 50 000 fonctionnaires européens à travers l’Europe pour 500 millions d’habitants. À titre de comparaison, il existe 50 000 fonctionnaires en France rien que pour la ville de Paris ou encore 60 000 fonctionnaires pour la ville de Birmingham au Royaume-Uni. Une partie des syndicalistes européens se questionnent quant à la logique d’une réforme qui prône une diminution des effectifs des fonctionnaires de l’UE alors que d’un autre coté l’élargissement européen se poursuit avec le futur accueil de nouveaux Etats membres.

Un impact pour le Luxembourg ?

tours_alcideUne partie des institutions européennes se trouvent au Luxembourg. Pour cette raison une partie du budget destiné à financer l’administration européenne est versée aux institutions européennes au Grand-Duché. Le budget alloué à l’administration européenne représente un peu plus de 5 % du budget total de l’UE. Sur ces 5 %, la moitié est destinée aux salaires des fonctionnaires ainsi qu’à leurs pensions.

Pour permettre une illustration chiffrée, Eurostat a publié des données datant de 2009. Ces chiffres montrent que les institutions installées à Luxembourg ont perçu une enveloppe de 1,27 milliard d’euros de la part de l’UE. La somme totale prévue pour le financement de l’administration européenne a atteint les 7,6 milliards d’euros. Une partie de cette enveloppe est par la force des choses chaque année réintroduite dans le circuit économique luxembourgeois, grâce aux nombreux prestataires de services (télécom, électricité, service de nettoyage et de sécurité, restauration, logement, etc..) qui travaillent pour les institutions européennes basées à Luxembourg.

Les fonctionnaires ainsi que les agents contractuels réunis représentent une population de 11 000 personnes (sans compter leurs partenaires, famille ou entourage). En additionnant les quelques 4 418 élèves des écoles européennes à Luxembourg qui sont pour la plupart des enfants de fonctionnaires, les fonctionnaires publics européens et leurs familles et apparentés représentent une population avoisinant les 30 000 individus qui sont en grande partie résidents à Luxembourg.

La masse salariale des personnes travaillant pour les institutions européennes a un impact non-négligeable sur l’économie locale. Ainsi, toute diminution des effectifs pourrait probablement avoir des conséquences sur l’économie locale au Grand-duché. Dans cet ordre d’idée, avec une résolution datant du 6 juillet 2011 - qui est le fruit d’une réunion de l’assemblée générale interinstitutionnelle - les syndicats des différentes institutions européennes ont alerté la Commission, sur le fait que "l'attractivité du site de Luxembourg est gravement compromise en matière de conditions d'emploi et d'intégration du personnel, et que des mesures de vérification et correctives doivent être entreprises".

De plus, au point 128 de la résolution du Parlement européen, adoptée le 8 juin 2011, concernant ces mesures de restrictions budgétaires, une volonté apparaît pour regrouper le Parlement européen dans une seule et même ville. À terme, cela pourrait signifier en théorie le départ du secrétariat du Parlement européen de Luxembourg vers Bruxelles. Mais au-delà de la théorie, il y a les traités, et dans les traités, Luxembourg est le siège du secrétariat général et de ses services, et les réunions du Parlement européen se tiennent à Bruxelles et Strasbourg.