Le 28 mars 2013, l’OCDE a présenté sa dernière évaluation économique intermédiaire, dans laquelle ses économistes observent que l’activité économique mondiale se redresse mais que la crise persistante au sein de la zone euro retarde l’avènement d’une véritable reprise.
Cette évaluation, présentée à Paris par le chef économiste Pier Carlo Padoan, indique que la croissance des économies du G-7 devrait atteindre un taux annualisé de 2,4 % au premier trimestre de 2013 et de 1,8 % au second.
"L’économie mondiale a connu un accès de faiblesse à la fin de 2012, mais l’activité s’améliore actuellement dans les économies de l’OCDE", a déclaré Pier Carlo Padoan. Toutefois, en Europe, il faudra sans doute attendre un peu plus longtemps que dans d’autre régions pour connaître une reprise significative, estiment les services de l’OCDE. Dans un entretien qu’il a accordé au Quotidien, Pier Carlo Padoan envisage "un retour vers 2015 à un rythme de croissance soutenu".
Mais en attendant, l’OCDE constate de nouveau, au sein de la zone euro, une divergence entre la croissance en Allemagne, qui devrait se redresser fortement dans les deux premiers trimestres de 2013 et celle des autres pays qui restera molle, voire négative.
L’activité économique réelle ne reflète pas encore pleinement l’amélioration de l’attitude des marchés de capitaux, en particulier dans la zone euro, ce qui met en évidence le risque que les prix des actifs ne correspondent plus aux paramètres fondamentaux, notamment en ce qui concerne les titres de sociétés, observe l’OCDE.
De plus, dans la zone euro, la confiance des consommateurs reste médiocre. Alors que le commerce mondial s’est ralenti en 2012, le sous-emploi de la main-d’œuvre reste substantiel dans de nombreux pays de l’OCDE et la situation de l’emploi a continué de se détériorer dans la zone euro, contribuant ainsi au manque de confiance des consommateurs. Surtout en Europe, la montée de chômage de longue durée, avec plus de chômeurs passant de l'assurance-chômage aux prestations sociales moins généreuses, aggrave les risques de pauvreté et d’inégalité, souligne l’OCDE. Comme l’a confié Pier Carlo Padoan au Quotidien, l’emploi est bien "le problème le plus grave" aujourd’hui dans la zone euro.
Un peu plus tôt dans la semaine, la Commission européenne mettait sur la table sa revue trimestrielle sur l’emploi et la situation sociale dans l’UE. Il en ressortait qu’au quatrième trimestre 2012, l’emploi a régressé partout et le chômage n’a cessé d’augmenter, tandis que la situation financière des ménages est restée précaire. "L'emploi est à nouveau en repli depuis la mi-2011, des évolutions positives n'étant relevées qu'au niveau des temps partiels. Le taux de chômage a quant à luiencore progressé en janvier 2013, surtout au sein de la zone euro, à 26,2 millions pour l'ensemble de l'UE, ce qui représente 10,8 % de la population active. Le chômage concerne près d'un quart des jeunes actifs" résumait la Commission.
Certes, reconnaissent les économistes de l’OCDE, les pays de la zone euro progressent dans la voie du rééquilibrage. Même si la croissance de la zone euro a continué d’être décevante, le rééquilibrage tendanciel de l’économie est bien engagé, affirment-ils en soulignant toutefois que le processus n’est pas achevé.
L’OCDE note des "progrès considérables" accomplis vers la réduction des déficits budgétaires structurels et dans la plupart des pays de la zone euro, la majeure partie de l’ajustement budgétaire nécessaire après la crise ayant déjà été entreprise.
Autre motif d’espoir, les réformes structurelles, notamment en Espagne, en Grèce, en Irlande, en Italie et au Portugal, constituent une base solide pour un redressement de la compétitivité et une augmentation de l’emploi lorsque la demande se redressera.
Enfin, augurent les économistes de l’OCDE, les coûts immédiats de ces ajustements devraient être réduits par une amélioration de l’offre de crédit dans les pays débiteurs et des réformes structurelles qui favorisent un rééquilibrage de l’activité et la demande des économies excédentaires.
Pour autant, comme l’autonomie de la croissance n’est pas totalement assurée, les économistes de l’OCDE estiment nécessaires des initiatives audacieuses des pouvoirs publics pour soutenir l’activité dans toutes les grandes économies de l’OCDE. En effet, dans nombre de pays, la demande subit toujours de forts vents contraires résultant du mouvement de désendettement du secteur privé, du nécessaire assainissement budgétaire et du grippage de la distribution du crédit bancaire.
L’OCDE préconise des mesures de stimulation monétaire. Au sein de la zone euro, la transmission de l’assouplissement monétaire à l’économie réelle est grippée, constatent en effet les économistes de l’OCDE. La zone euro reste vulnérable à des risques de forte détérioration parce que le cercle vicieux entre fragilité du système bancaire et charges de la dette publique n’a pas été totalement éliminé.
Pour l’OCDE, il est essentiel de rétablir le mécanisme de transmission du crédit. L’OCDE préconise donc de progresser rapidement vers la surveillance commune des banques avec un système pour la résolution des banques insolvables et le financement, dans le cadre d’un processus de rétablissement de la bonne santé des banques.
"Dans la zone euro, il y a encore une certaine marge pour assouplir davantage la politique monétaire, compte tenu de la faiblesse de la demande et d’une inflation bien en deçà de l’objectif de la BCE, tandis que de nouvelles mesures sont nécessaires pour réparer le mécanisme de transmission de la politique monétaire", est-il ainsi indiqué dans cette évaluation. Les taux directeurs sont certes déjà très faibles, mais, pour les économistes de l’OCDE, il y a encore un peu de marge pour les réduire davantage.
La BCE peut aussi adapter son message en annonçant des critères selon lesquels elle fera évoluer ses taux à l'avenir, en tenant compte aussi des indicateurs d'activité, a précisé Pier Carlo Padoan au Quotidien. "Ce n'est pas dans le mandat de la BCE d'avoir un objectif de croissance, mais elle peut le faire savoir dans son langage à elle", a-t-il glissé.
Quant aux réformes structurelles engagées, elles devraient être poursuivies pour renforcer les perspectives de croissance, plaide l’OCDE qui estime que dans la zone euro, il est possible de limiter des réglementations restrictives sur les marchés de produits qui freinent la concurrence et pèsent sur l’investissement, de même que la réglementation et les obstacles institutionnels à l’activité de la main-d’œuvre doivent être réduits. Mais il convient aussi d’améliorer les programmes destinés à aider les chômeurs à trouver un emploi.
Pier Carlo Padoan a précisé au Quotidien que, selon lui, les pays en excédent doivent contribuer davantage à la croissance que les autres. "L'Allemagne peut faire plus, c'est dans son intérêt national, ce n'est pas un cadeau à l'Europe", estime-t-il, imaginant qu’elle pourrait, à court terme, "faciliter une progression des salaires en ligne avec la productivité, ce qui renforcerait la consommation des ménages", et qu’elle pourrait "accélérer la libéralisation du secteur des services", ce qui accroîtrait selon lui l'investissement et donc la croissance.
Enfin, et c’est là un des messages qui a eu le plus d’écho dans la presse, même si un effort d’assainissement est jugé nécessaire dans de nombreux pays de la zone euro, le ratio moyen de la dette publique au PIB de la zone est inférieur à celui d’autres grandes économies de l’OCDE et il augmente de façon plus progressive, est-il observé. Les mesures d’assainissement devraient être choisies en vue d’obtenir le meilleur compromis entre leurs effets sur la croissance à court terme, sur la croissance à long terme et les inégalités. En particulier, les groupes les plus défavorisés doivent être protégés afin d'atténuer l'aggravation des tensions sociales dans un contexte de taux de chômage élevés dans de nombreux pays, souligne l’OCDE.
En clair, dans la zone euro, les engagements actuels en faveur d’un assainissement budgétaire structurel doivent être respectés, tout en permettant aux stabilisateurs automatiques de fonctionner pleinement. "Cela implique de ne pas respecter les objectifs de déficit nominal", est-il clairement précisé. L’économiste en chef a ainsi expliqué au Quotidien que beaucoup de pays étant actuellement en récession, les objectifs nominaux de réduction des déficits ne peuvent pas être respectés dans le court terme, ce qui n’est pas pour autant une raison pour abandonner l'objectif structurel de réduction des déficits.
Un appel que l’on peut aussi mettre en lien avec le constat que la Commission européenne fait dans sa revue trimestrielle sur l’emploi et la situation sociale, à savoir que les effets négatifs des restrictions budgétaires et des hausses d’impôts sur l’emploi et le niveau de vie sont de plus en plus visibles dans certains États membres. "Cette édition met en évidence les effets des récentes coupes dans les dépenses publiques sur l'emploi et la situation sociale dans un certain nombre d'États membres. Ces coupes ont eu un impact sur l'emploi à la fois direct (emploi dans le secteur public) et indirect (recul de la demande globale). Les réformes intervenues en matière fiscale et de prestations sociales, de même que les baisses de salaires dans la fonction publique, ont mené à un recul significatif des revenus réels des ménages, mettant à rude épreuve la catégorie des faibles revenus", résume la Commission à ce sujet.