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Emploi et politique sociale
Sommet social tripartite : Les décideurs politiques de l’UE entre les syndicats qui pointent l’urgence sociale et les organisations patronales qui mettent en avant la compétitivité
14-03-2013


José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy © Conseil de l'Union européenneLe 14 mars 2013, en amont du Conseil européen de printemps, le sommet social tripartite a réuni les partenaires sociaux, la présidence du Conseil et la Commission, afin de discuter des moyens de sortir de la crise ainsi que de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Il s'est tenu en parallèle à une manifestation contre l'austérité et pour l'emploi des jeunes qui a réuni 15 000 personnes dans les rues de Bruxelles à l'appel de la Confédération européenne des syndicats.

La Commission et le Conseil ont reconnu l'urgence sociale, décrite par la Confédération européenne des syndicats, que le fort taux de chômage démontre. "Aucun  responsable européen ne peut se montrer satisfait d'une situation dans laquelle on compte 26 millions de chômeurs", a ainsi déclaré le Premier ministre irlandais dont le pays assure la présidence du Conseil, Enda Kenny à la sortie de la rencontre.

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy dit, dans sa déclaration, que "nous ne pouvons pas fermer les yeux sur l'urgence sociale dans certains de nos pays". Néanmoins, dans un premier temps, ce n'est pas la situation économique qui pourra y remédier. "Une fois la stabilité de retour, cela prendra du temps avant qu'elle ne se traduise par un accroissement de la confiance, de l'investissement, d'une relance de la croissance et de l'emploi. Et quand la croissance reprend, cela prend aussi du temps avant que l'impact positif se fasse ressentir sur l'emploi."

Pour répondre au défi à court terme, Herman Van Rompuy a rappelé que plusieurs instruments ont été développés, nommant l'Initiative et la Garantie pour la jeunesse, consistant à garantir une offre d'emploi, de stage ou de formation, dans les quatre mois suivant l'inscription au chômage de tout jeune de moins de 25 ans. Il a ainsi rappelé la décision d'y allouer six milliards d'euros, prise par le Conseil des 6 et 7 février 2013, en faisant remarquer que cette mesure inclue au Cadre financier pluriannuel est intervenue au milieu d'un "exercice de coupes budgétaires". De même, a-t-il compté au nombre de ces mesures à court terme la récente communication sur un pacte sur les investissements sociaux, centré sur le capital humain et la formation continue tout au long de la vie.

"Le modèle social européen reste un atout important et un avantage compétitif", a-t-il déclaré. Pour ce qui est des mesures sociales à moyen terme, la stratégie Europe 2020 doit aider à "trouver des mécanismes pour réduire les inégalités sociales". Elle compte ainsi parmi ses objectifs la réduction de la pauvreté et du décrochage scolaire ainsi que la hausse du taux d'emploi. Hermann Van Rompuy laisse entendre qu'il serait possible d'aller plus loin dans la zone euro, avec le développement d'indicateurs qui "aideraient à mieux prendre en considération la dimension sociale dans les décisions et les réformes économiques".

Le président du Conseil européen rappelle qu'il s'est entretenu sur ce point avec le Comité économique et sociale puis avec le Conseil des affaires sociales et de l'emploi, à l'occasion d'une réunion informelle tenue le 28 février 2013. Ainsi, le sommet social tripartite constitue une nouvelle étape dans cette démarche. Les partenaires sociaux ont d'ailleurs présente le résultat d'un travail en commun sur le chômage des jeunesses et la formation continue.

Toutefois, cette politique de réaction à l'urgence sociale, n'est qu'un des quatre piliers qui constituent la "stratégie forte" appliquée par l'UE, a expliqué Herman Van Rompuy. En premier lieu, il y a la restauration et le maintien de la stabilité financière, "première condition pour regagner la confiance des consommateurs et des entreprises". Viennent ensuite la restauration des finances publiques durables par la consolidation fiscale et les efforts structurels. Sur ce dernier point, Herman Van Rompuy précise : "Après tout, le manque de confiance est l'une des causes de la stagnation économique. Tout n'est pas lié à la soi-disant "austérité". "Enfin, le dernier pilier consiste à " renforcer notre potentiel à travers plus de compétitivité, pour préparer la croissance à long terme", via des mesures concrètes pour approfondir le marché unique". Le prochain Conseil européen devrait dans ce contexte parler d'énergie, d'innovation, d'agenda numérique et de compétitivité industrielle, a-t-il précisé.

Le président de la Commission européenne évoque des progrès de compétitivité mais constate que "dans certains cas, nous avons atteint les limites de ce qui est socialement acceptable"

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a dit que la situation de l'UE progressait "sur différents fronts mais pas sur tous les fronts". Il y a eu des progrès en termes de stabilité financière et de consolidation budgétaire, grâce à la baisse des taux d'intérêt sur les dettes souveraines et l'avancement des réformes en faveur de la compétitivité. Barroso trouve également " impressionnant " le rétablissement de la balance des paiements de pays tels que la Grèce, de l'Espagne, de l'Irlande et du Portugal, précisant qu'il ne s'agit pas seulement d'une conséquence de la chute de la demande intérieure mais aussi d'une hausse des exportations. "Cela signifie que la compétitivité s'améliore", en déduit-il.

Malgré tout, "les perspectives de croissance restent extrêmement inquiétantes" et "le chômage atteint des niveaux inacceptables", constate-t-il. La réponse passe, selon lui, par des "politiques compréhensives".  "Nous sommes tous d'accord que nous devons donner la priorité à l'emploi et à la croissance, la question est comment y parvenir. Je crois que l'implication active des partenaires sociaux dans la gouvernance économique européenne aux niveaux européen et locaux, est la clé de tous nos efforts pour atteindre une reprise créatrice d'emplois et une croissance. "

Il faudrait ainsi se concentrer sur la poursuite d'une consolidation différenciée, favorable à la croissance, en restaurant le fonctionnement normal de prêts à l'économie, en  promouvant la croissance et la compétitivité, en luttant contre le chômage et les conséquences sociales de la crise et en modernisant l'administration publique. A ce titre, le président de la Commission européenne a regretté la mise en application “trop lente” du Pacte pour l'économie et l'emploi adopté par le Conseil européen en juin 2013.

“Dans certains cas, nous avons atteint les limites de ce qui est socialement acceptable, et c'est une source d'inquiétude pour nous tous", a-t-il par ailleurs dit, en reprenant les termes qu'il avait employés la veille devant le Parlement européen. Comme Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso a cité la réponse que constitue la Garantie pour la jeunesse tout en soulignant la nécessité de s'attaquer à d'autres problèmes sur le marché du travail, et notamment "une inadéquation  très important en termes de compétences" entre l'offre et la demande. C'est le cas notamment dans la construction, et plus spécifiquement dans la branche liée aux obligations en termes de protection du climat et d'énergie, mais aussi dans le secteur des technologies de l'information, au sujet duquel la Commission a lancé le 4 mars 2013 une "Grande coalition en faveur de l’emploi dans le secteur du numérique".

Le commissaire pour l'emploi, les affaires sociales et l'inclusion, László Andor, a souligné qu'"approfondir l'Union économique et monétaire signifie également construire sa dimension sociale". "Assurer que les représentants des travailleurs et des employeurs sont complètement impliqués dans le processus de décision est la clé pour l'appropriation de cette politique et pour une bonne coordination politique", a-t-il aussi déclaré

Du côté des partenaires sociaux

Les syndicats

Ignacio Fernandes Toxos (CES) et Bernadette Ségol (CES) © Conseil de l'Union européenneLe 5 mars 2013, dans une prise de position sur la prise en compte de la dimension sociale de l'UEM, la Confédération européenne des syndicats (CES) avait porté le débat sur la finalité de la construction européenne : " Notre engagement vis-à-vis du processus d'intégration européenne repose sur le fait que l'Europe n'est pas une zone de libre-échange mais un espace dont l'objectif est le progrès économique et social. "

Dans un communiqué intitulé "Le Conseil européen doit répondre à l'urgence sociale", diffusé en amont de ce dernier le 14 mars 2013, la CES expliquait que cet engagement " a fait naître des attentes légitimes auprès des travailleur(e)s qui sont de plus en plus nombreux à penser que l'Europe fait partie du problème et non de la solution ".

"L'austérité est un échec. Elle n'a pas réussi à réduire les déficits, elle a un effet social et économique dévastateur. (…) Avec la crise, les modèles sociaux sont attaqués. Partout en Europe, le travail se précarise, les licenciements sont facilités, les salaires sont revus à la baisse", avait déclaré la secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, demandant un plan d'investissement équivalent à, annuellement, au moins 1% du PNB européen.

A l'issue du sommet social, Bernadette Ségol, a émis le message d'alerte, qu'elle estime "urgent", visant à prévenir que, dans différents pays, "le doute surgit sur ce qu'incarne l'Union européenne". Il faut "apporter de l'espoir" aux gens, alors que "les réformes structurelles ne font que mettre la pression sur des personnes qui ont déjà payé les effets de la crise", a averti la secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol.

Les organisations patronales

Markus J. Beyrer (Businesseurope) © Conseil de l'Union européenneDu côté patronal, les positions sont tout autres. Ils demandent la poursuite de la cure de réformes qui permettent le renforcement de la compétitivité. Pour la fédération des employeurs, Businesseurope, il n'y aurait “pas de temps à perdre". Le directeur général de Businesseurope, Markus Beyrer a mis en garde contre un possible "dérapage" dans l'actuelle "phase critique de redressement". "Il y a des signes d'amélioration mais nous marchons sur une glace fine. L'opinion peut rapidement revirer si les doutes sur la capacité à poursuivre les réformes nécessaires dans l'UE émergent de nouveau. Le Conseil européen et la Commission doivent garantir que le Semestre européen renforce l'application de réformes structurelles pour soutenir la croissance et l'emploi", avait d'ailleurs déclaré le président de Businesseurope Jürgen R. Thumann, avant la réunion.

Markus Beyrer, pense que, pour mettre fin aux souffrances des entreprises et des citoyens, la Commission et le Conseil doivent “recentrer le curseur sur la compétitivité”, en développant le Marché unique, " en l'utilisant comme un sautoir pour accéder aux marchés globaux " et en soutenant la réindustrialisation de l'Europe.

Prenant la parole durant le sommet social tripartite, la président de l'Association européenne des petites et moyennes entreprises et de l'artisanat (UEAPME), Gunilla Almgren, a souligné que l'actuelle panne économique est liée “au manque de demande interne ", " conséquence de mesures d'austérité insuffisamment contrebalancées par des réformes structurelles". "Les compagnies dépendant de la demande locale sont celles qui ont souffert le plus. L'Europe ne sortira pas de la récession avant que les compagnies privées ne réinvestissent sur notre marché. C'est pourquoi les mesures de soutien à la croissance sont si importantes et ne peuvent être différées", a-t-elle constaté.

Appelant à un meilleur équilibre entre les mesures de croissance et réformes structurelles, Gunilla Almgren a défendu l'idée de l'introduction d'une clause de "conditionnalité", qui soumettrait le soutien financier européen apporté à un Etat membre à l'application avérée des réformes décidées en commun sur son territoire. 

L'UEAPME reconnaît par ailleurs la nécessité d'atteindre davantage de convergence entre Etats membres en termes de politique sociale et de l'emploi. "Il nous semble logique de compléter une gouvernance économique et une surveillance budgétaire plus fortes avec un emploi et une vigilance sociale plus grands pour les pays de la zone euro", a en effet déclaré Gunilla Almgren.

Le président du Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des services publics (CEEP), Hans-Joachim Reck a, quant à lui, à partir de son point de vue spécifique, souligné que les dépenses favorables à la croissance, avec une perspective à long terme, étaient essentielles pour l'Europe. Les investissements dans l'éducation, la recherche et le développement, ainsi que l'énergie doivent être la priorité pour créer l'emploi et une croissance soutenable.

De même, il a souligné que les coupes ou limitations de dépenses publiques sont considérés par les fournisseurs de service public comme le plus obstacle aux investissements, entravant ainsi la croissance pour les douze mois suivants."