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Economie, finances et monnaie
Dans sa Revue de stabilité financière 2013, la BCL constate l’amélioration de la situation sur les marchés financiers, mais observe qu’une forte incertitude persiste
14-05-2013


La Banque centrale du Luxembourg (BCL) a publié le 14 mai 2013 sa Revue de stabilité financière 2013. L’occasion pour la BCL de faire le point sur l’évolution de la situation au Luxembourg, mais aussi dans l’UE.BCL

La situation générale sur la plupart des marchés financiers s’est nettement améliorée, mais une forte incertitude persiste, note la BCL. Car si elle constate un certain nombre d’avancées et qu’elle se félicite de voir se resserrer les écarts de taux entre les pays de la périphérie et ceux du cœur de la zone euro, elle appelle à la prudence quant à l’évolution future des marchés financiers. "Dans un contexte de rendements très déprimés et compte tenu de la fragilité de l’environnement macroéconomique, les marchés restent à l’affût de la moindre détérioration à laquelle ils sont susceptibles de surréagir", indiquent en effet les auteurs de la Revue.

Les risques pour la stabilité financière dans l’économie luxembourgeoise demeurent contenus, estiment cependant les analystes de la BCL. Mais, préviennent-ils, la prudence s’impose malgré tout, notamment en raison d’une forte croissance de l’endettement des ménages au cours des dernières années et d’une forte concentration des crédits hypothécaires dans les bilans de quelques établissements de crédit.

L’UE a su franchir de nouvelles étapes et répondre aux derniers développements de la crise de la dette souveraine, constate la BCL

Dès son introduction, la BCL constate qu’en 2012, l’UE a "su franchir de nouvelles étapes et répondre aux derniers développements de la crise de la dette souveraine".

Du point de vue des auteurs de ce rapport, les mesures non-conventionnelles de politique monétaire décidées par le Conseil des gouverneurs de la BCE ont été "un puissant levier d’atténuation des risques extrêmes de dislocation du système financier de la zone euro" et ont "permis de réduire drastiquement les primes de risque souverain des pays les plus vulnérables".

Par ailleurs, la BCL met l’accent sur l’importance de la mise en place du mécanisme commun de supervision des banques, qui en "obviant aux possibilités d’arbitrage réglementaire, renforcera l’intégration du système bancaire européen, lequel a expérimenté, lors de la récente crise souveraine, une certaine fragmentation et un repli dicté par des considérations nationales".

Autre avancée majeure constatée par la BCL, le fait que le Mécanisme européen de stabilité (ESM ou MES) fournit désormais une assistance financière aux Etats membres, ce qui va "limiter les interactions négatives entre crise bancaire et crise de la dette souveraine".

Par ailleurs, note la BCL, la Commission européenne a activement contribué à l’élaboration de nouvelles normes en matière de fonds propres, de liquidité et de levier dans le cadre de l’élaboration de la directive européenne sur les "fonds propres réglementaires" (CRD IV) et du règlement y afférent (CRR).

La BCL évoque aussi les travaux poursuivis par le Comité européen du risque systémique (CERS) pour l’élaboration d’un cadre politique solide de supervision macro-prudentielle à la fois aux niveaux national et de l’UE. "De grands progrès ont été réalisés vers l’instauration d’un cadre général dans lequel la préservation de la stabilité financière est liée à un ensemble d’objectifs intermédiaires et à une liste d’instruments macro-prudentiels pour atteindre ces objectifs", salue la BCL. Les auteurs de la Revue relèvent aussi que les Etats membres sont appelés à mettre en œuvre dès juillet 2013 les mesures issues de la recommandation sur le mandat macro-prudentiel des autorités nationales, avec notamment la désignation de l’autorité chargée de la conduite de la politique macro-prudentielle.

Mais plusieurs facteurs de fragilité subsistent, met en garde la BCL

Mais au-delà de ces avancées dont elle ne déconsidère par l’importance, la BCL observe toutefois que subsistent "plusieurs facteurs de fragilité du système financier européen qui requièrent une réponse concertée des décideurs politiques et des régulateurs".

"La mise en place d’un mécanisme de redressement et de résolution, d’une part, et d’un système de garantie de dépôts, d’autre part, est une condition nécessaire pour l’achèvement du processus d’Union bancaire", estiment en effet les auteurs de la Revue qui considèrent, comme le ministre des Finances, Luc Frieden, l'indiquait à ses partenaires de l'Eurogroupe le 14 mai 2013, que "le couplage de ces deux piliers manquants avec le mécanisme commun de supervision serait une avancée cruciale pour l’intégration du système bancaire européen et un gage de sa stabilité".

Selon la BCL, dans un contexte de faible activité économique, les fragilités du système financier sont susceptibles de réapparaître si une dégradation des conditions macroéconomiques ou un ralentissement du rythme des réformes ravivait les tensions sur les marchés de la dette souveraine. Ainsi, les analystes de la BCL n’excluent pas une nouvelle intensification des pressions en cas de retard des réformes, d’une forte dégradation de la qualité des actifs des banques ou de nouvelles difficultés financières des pays déjà fragilisés.

Par ailleurs, les auteurs de la Revue estiment que la poursuite de la diminution de l’effet de levier des banques européennes peut affecter l’offre de crédit à l’économie réelle et ralentir la croissance.

Autant de raisons pour la BCL de mettre en garde les décideurs politiques contre "une interprétation trop optimiste des récentes améliorations sur les marchés financiers", car il s’agit désormais de "parvenir à briser le cercle vicieux entre les principaux risques systémiques et à garantir la soutenabilité de la dette publique en s’engageant à poursuivre les réformes structurelles, à réduire les déficits et à soutenir la croissance".

Les auteurs de la revue observent aussi que, si le remboursement de près de la moitié des LTROs contractées entre décembre 2011 et mars 2012 témoigne d’une amélioration de la confiance des marchés et des conditions de refinancement des établissements de crédit, une nouvelle dégradation de l’environnement macroéconomique est susceptible d’affecter la qualité des actifs et la profitabilité des banques. En effet, s’inquiètent-ils, la détérioration des perspectives macroéconomiques et une éventuelle correction des prix de l’immobilier dans certains pays européens font craindre de futures pertes de crédit découlant du secteur réel, ce qui alourdirait les prêts non-performants et les provisions pour pertes de crédit. L’inquiétude quant à la qualité des actifs est d’autant plus grande que la pratique du délai de grâce contribue à sous-estimer l’importance des crédits douteux et à retarder les restructurations nécessaires. A ce titre, cette pratique doit être surveillée de près, note la BCL.

La recherche excessive de rendement et de sécurité a conduit à l’accumulation de déséquilibres dans certains marchés importants du crédit et de la dette, observent encore les auteurs de la Revue. Bénéficiant de cette tendance, les rendements des obligations souveraines des principaux marchés ainsi que ceux des titres de créances des entreprises ont poursuivi leur baisse en-dessous de leurs moyennes historiques. Cependant, une modification de la prime de risque sur les marchés de la dette souveraine des Etats-Unis, du Japon, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, représentant à eux seuls près de la moitié de l’offre de dette publique, peut entraîner un brutal ajustement des taux d’intérêt mondiaux et avoir de sérieuses conséquences sur la stabilité financière, met en garde la BCL.

L’afflux de capitaux sur le marché de la dette des entreprises se produit en dépit d’une hausse de la probabilité de défaut, observe encore la BCL. Une correction de la perception des risques relatifs à ces pays et/ou à ces segments de marchés peut amener à une normalisation des rendements et entraîner une chute du prix des actifs concernés ainsi que des difficultés de refinancement pour les entreprises non-financières européennes, prévoit la BCL. Il appartiendra aux autorités de supervision de s’assurer au moyen de tests de résistance que les banques disposent des coussins de fonds propres nécessaires pour amortir les chocs résultant d’une normalisation des rendements ou d’une progression des taux d’intérêt.

Depuis le déclenchement de la crise financière, observent les analystes de la BCL, les banques ont réduit leurs expositions internationales, en particulier à l’égard des contreparties actives dans les pays périphériques de la zone euro. Malgré de récentes améliorations, cette évolution continue à peser sur l’intégration du marché unique. Les banques des pays en difficulté présentent encore des écarts de coûts de financement avec les banques des pays plus stables qui sont bien supérieurs aux niveaux d’avant-crise. Elles restent ainsi fortement dépendantes du financement émanant de leur banque centrale. Par conséquent, le recul de l’intégration financière amplifie les difficultés des banques à se financer dans les pays en crise, ce qui accroît le risque de ventes forcées d’actifs stratégiques et de pénurie de crédit à l’économie.

Plusieurs défis restent encore à relever, poursuit la BCL, pour qui les derniers développements à Chypre soulignent plus que jamais la nécessité de continuer à traiter les risques qui se manifestent tout en poursuivant les réformes et en renforçant la gouvernance de la zone euro. La BCL insiste donc sur la nécessité de finaliser rapidement l’accord sur le mécanisme commun de supervision des banques et de mettre en œuvre en temps voulu la directive sur la garantie de dépôt et celle sur le redressement et la résolution des banques.

Quid du Luxembourg ? Les risques semblent contenus, mais la BCL épingle quelques facteurs de risque

Etant donné sa très large ouverture, le poids important du secteur financier dans son économie et la prépondérance des économies de la zone euro dans ses marchés à l’exportation, il est, aux yeux des analystes de la BCL, logique de constater que la situation conjoncturelle au Luxembourg se soit détériorée au cours des derniers mois.

En dépit de ces sombres perspectives, les risques pour la stabilité financière dans l’économie luxembourgeoise demeurent cependant contenus au regard de la situation qui est rencontrée dans les pays européens en proie aux plus lourdes difficultés. Pour la BCL, cela tient notamment au fait que les établissements bancaires luxembourgeois ne sont pas soumis aux mêmes pressions que leurs homologues européens : d’une part, l’exposition des banques luxembourgeoises aux obligations émises par les Etats jugés les plus fragiles à l’heure actuelle demeure relativement limitée dans une perspective européenne et d’autre part, les banques luxembourgeoises sont peu exposées au risque d’une éventuelle dégradation de l’économie domestique, avec par exemple le total des prêts hypothécaires domestiques par rapport aux fonds propres qui est nettement plus faible qu’en moyenne dans la zone euro.

La BCL observe d’ailleurs que, d’après les résultats les plus récents de l’enquête sur les conditions d’octroi des crédits réalisée au sein de l’Eurosystème (Bank Lending Survey), les banques luxembourgeoises ont eu tendance à maintenir des conditions du crédit pour les entreprises moins restrictives que leurs homologues européennes au cours des derniers trimestres, ce qui atteste de leur plus grande résilience face aux turbulences liées à la crise.

La situation sur le marché immobilier résidentiel luxembourgeois semble de prime abord moins problématique que dans bon nombre d’autres pays européens, en dépit d’une croissance des prix qui a été particulièrement robuste au cours des dernières années, observe encore la BCL. En effet, même si les indicateurs simples de déséquilibre, tel que le rapport entre le niveau des prix et le revenu disponible des ménages, se dégradent tendanciellement depuis plus de dix ans, le développement d’autres facteurs a priori objectifs a contribué à la croissance vigoureuse des prix et de l’endettement durant la période récente. Les dernières années ont été caractérisées par une forte croissance démographique, alimentée notamment par un solde migratoire positif en nette augmentation, alors que dans le même temps l’offre de logements est demeurée relativement limitée et que le système fiscal en vigueur continue à encourager l’accès à la propriété par le biais de l’endettement.

Toutefois, la BCL épingle plusieurs facteurs de risque, en particulier dans le contexte actuel empreint d’une grande incertitude. En effet, l’endettement des ménages luxembourgeois, qui connaît depuis de nombreuses années une croissance nettement plus vive que celui des autres ménages européens, a continué d’augmenter fortement en dépit du creux conjoncturel traversé par l’économie domestique. Par ailleurs, cet endettement croissant s’est également accompagné d’une augmentation de la durée moyenne des emprunts hypothécaires lors des dernières années. Etant donné que les crédits hypothécaires accordés aux résidents sont concentrés aux mains d’un nombre très limité de banques domestiques - 5 banques détiennent plus de 85 % des crédits -, les établissements concernés pourraient rencontrer des difficultés conséquentes en cas d’augmentation brusque des défauts de paiement des ménages, s’inquiète la BCL qui imagine qu’un tel développement pourrait être provoqué par l’émergence d’un choc de revenu sévère, notamment en raison d’une nouvelle forte hausse du recours au chômage partiel affectant les ménages qui sont davantage contraints financièrement.

D’autre part, la majorité des crédits hypothécaires des ménages luxembourgeois étant assortis d’un taux d’intérêt variable, il y a un risque potentiel d’insolvabilité de certains ménages en cas de vive remontée des taux sur le marché monétaire, observent les analystes de la BCL qui jugent ces risques sont d’autant plus justifiés qu’il ressort des résultats de l’enquête SILC-EU réalisée par Eurostat que les difficultés financières des ménages liées au coût de leur logement sont relativement élevées au Luxembourg dans une perspective européenne. Par ailleurs, si pour une quelconque raison on devait assister à une correction majeure des prix à l’avenir, le risque de voir la consommation pâtir d’effets de richesse négatifs est élevé étant donné la forte prépondérance de l’immobilier dans la richesse totale des ménages.

La BCL note que cette situation n’est pas sans rappeler celle vécue par certaines économies européennes durant une bonne partie de la dernière décennie, lorsque la croissance robuste des prix immobiliers et de l’endettement des ménages semblait constituer une évolution parfaitement maîtrisable jusqu’à ce que les ravages causés par la crise démontrent que la situation était en réalité loin d’être soutenable. Certes, les auteurs de la Revue admettent que la situation sur le marché luxembourgeois est probablement moins problématique, notamment en raison de l’important stock d’actifs financiers qui est aux mains des ménages et qui relativise quelque peu leur niveau d’endettement élevé dans une perspective européenne, mais toujours est-il que la vigilance est de mise.