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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
La commission des libertés civiles du Parlement européen appelle les autorités hongroises à respecter les valeurs de l'UE
19-06-2013


Constitution hongroise (source: site du gouvernement hongrois)Les recommandations de la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen à la Hongrie et à la Commission européenne pour rapidement remédier aux violations de valeurs européennes clés et éviter les "deux poids, deux mesures", ont été énoncées dans un rapport adopté le 19 juin 2013. En cas de non-respect des valeurs européennes par les autorités hongroises, les députés demanderont aux autorités du Parlement européen d'envisager d'avoir recours à l'article 7, paragraphe 1, du traité de l'UE. Cette clause permettrait au Conseil des ministres de l'UE de déterminer s'il existe un risque réel de violation sérieuse des valeurs européennes et de suspendre le droit de vote de la Hongrie au Conseil.

"L'Union a des valeurs louables sur papier, qui doivent également être appliquées dans les faits. La commission des libertés civiles a affirmé aujourd'hui que les changements constitutionnels en Hongrie sont systémiques et que la tendance générale de ces modifications est incompatible avec l'article 2 du traité de l'UE", a déclaré le rapporteur Rui Tavares (Verts/ALE), après le vote.

Le rapport, adopté par 31 voix pour, 19 voix contre et 8 abstentions, rappelle que l'Union est fondée sur les valeurs énoncées dans l'article 2 du traité de l'UE : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit et le respect des droits de l'homme, y compris les droits des personnes faisant partie de minorités. La Commission européenne devrait mettre sur pied un mécanisme stable visant à contrôler le respect de ces valeurs dans tous les États membres, précise le texte.

Recommandations à l'intention des autorités hongroises

Le rapport appelle les autorités hongroises à retirer de la Constitution les dispositions déjà déclarées non constitutionnelles par la Cour constitutionnelle hongroise, à restaurer le droit de la Cour constitutionnelle et les prérogatives du Parlement dans le domaine budgétaire. Il exige aussi que le gouvernement hongrois réduise le recours aux lois cardinales de manière à ce que des domaines politiques tels que le droit de la famille, le droit social, la fiscalité et le budget restent du ressort de la législation ordinaire et des majorités. Le texte insiste aussi sur les principes d'inamovibilité et de mandat garanti des juges, afin de garantir l’indépendance du système judiciaire.

En ce qui concerne la loi sur les médias, les députés demandent aux autorités hongroises "d'assurer l'implication étroite et opportune de toutes les parties concernées, y compris de professionnels des médias, de partis de l'opposition, et de la société civile, dans tout nouvel examen de cette législation". Ils appellent également la Hongrie à agir davantage pour intégrer les communautés rom et à adopter une définition plus large de la "famille".

La commission LIBE a également demandé à ce que la Hongrie suive les recommandations de la commission de Venise en charge d’étudier les standards démocratiques dans les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.

Dans un avis rendu public le 14 juin 2013, celle-ci avait jugé sévèrement la nouvelle Constitution hongroise. Tout à fait à l’opposé du ton positif adopté par la Commission européenne le même jour, Commission qui avait laissé entendre que les points de contentieux ouverts avec Budapest sur trois aspects de la nouvelle Constitution pourraient ne donner suite à aucune procédure formelle, les autorités hongroises ayant signalé leur engagement à trouver une solution, la commission de Venise a jugé que subsistaient en Hongrie de sérieuses difficultés par rapport à l'état de droit. Elle avait notamment estimé que "la Constitution ne devrait pas être vue comme un instrument politique". Pour elle, la nouvelle Constitution met en danger le système constitutionnel de contre-pouvoirs : "Prises ensemble, ces mesures constituent une menace pour la justice constitutionnelle et pour la primauté des principes posés par la Loi fondamentale hongroise". La quatrième révision de la Constitution est pour la Commission de Venise "le résultat d'une vision instrumentale de la Constitution" par la majorité gouvernementale et "un signe de l'abolition de la différence essentielle entre le processus de décisions basé sur la Constitution et la politique ordinaire".

Article 7, paragraphe 1, du traité de l'UE

Les députés demandent à la Conférence des présidents du Parlement (qui réunit le président du Parlement européen et les chefs de file des groupes politiques) d'examiner la possibilité d'avoir recours à des mécanismes prévus dans le traité, notamment l'article 7, paragraphe 1 du traité de l' UE qui prévoit la suspension des droits de vote d’un Etat membre au Conseil, "au cas où les réponses des autorités hongroises ne répondraient pas aux exigences de l'article 2 du traité UE".

Cette partie du rapport a divisé les députés. Ceux du groupe libéral ALDE auraient préféré que le rapport recommande directement le lancement de la procédure de l'article 7 et n’ont pas caché leur déception à l’issue du vote, comme le démontre leur communiqué. "Le résultat du vote démontre seulement comment le groupe du PPE protège ses amis du parti aux frais des droits des citoyens et le manque de courage des socialistes de prendre une position ferme envers les violations des droits fondamentaux. De quelle autorité morale faisons-nous preuve dans le monde, si nous ne parvenons pas à défendre nos propres valeurs?" La plupart des libéraux ont néanmoins voté en faveur de la mouture finale du rapport.

Les députés du PPE – auquel le parti gouvernemental hongrois Fidesz est affilié - étaient pour 18 d’entre eux contre quelque mention que ce soit de l’article 7 et ils ont voté contre le rapport. L’eurodéputé luxembourgeois PPE Frank Engel et quatre de ces collègues penchaient par contre en faveur du compromis proposé par les Verts et les sociaux-démocrates. Finalement, ils se sont abstenus lors du vote.

Les Verts/ALE, le groupe du rapporteur, et les sociaux-démocrates du groupe S&D se sont en fin de compte dits satisfaits du résultat du vote en faveur du rapport. "Avec ce rapport, le Parlement européen a établi une liste très claire des recommandations invitant le gouvernement hongrois à se réaligner, une fois de plus, sur les principes européens de la démocratie et la primauté du droit", a expliqué le rapporteur Rui Tavares.

Mécanisme de Copenhague

Afin d'empêcher la violation de règles européennes à l'avenir, les députés demandent, une nouvelle fois, la création d'un "mécanisme de Copenhague" pour garantir le respect par tous les États membres des valeurs communes de l'UE et la continuité des critères d'adhésion à l'Union, plus connus sous le nom de "critères de Copenhague".

Ce mécanisme, qui pourrait prendre la forme d'une "commission de Copenhague" ou d'un groupe de haut niveau, devrait être indépendant de toute influence politique, travailler en étroite coopération avec d'autres organisations internationales et contrôler le respect uniforme des droits fondamentaux dans tous les États membres, affirme le texte.

Prochaines étapes

Le rapport sera mis aux voix en plénière lors de la session des 1-4 juillet 2013.

Réactions à Budapest

Le rapport, qualifié de "diktat de la gauche européenne", a été vivement dénoncé à Budapest par le parti de Viktor Orban, le Fidesz, qui est affilié au PPE. S'il est approuvé par le Parlement européen, ce texte "n'aura aucune conséquence légale, budgétaire ou économique pour la Hongrie", a prévenu le Fidesz. "Le document comprend de nombreuses fautes factuelles, des manipulations, des conclusions sans fondement et des demandes illégitimes envers le gouvernement hongrois", a-t-il déploré.