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Les allégations portant sur un programme d’espionnage de la NSA visant les institutions européennes suscitent de très vives réactions
01-07-2013


Les révélations provenant des documents confidentiels de la NSA qu’Edward Snowden a rendu publics continuent de susciter de vives réactions dans l’UE. Après le premier scandale sur l’existence du programme Prism et la surveillance à grande échelle par la NSA de données informatiques et téléphoniques, puis sur le programme Tempora qui permettrait aux services de renseignement britanniques d’avoir accès aux câbles transatlantiques à fibres optiques par lesquels transitent les communications téléphoniques et Internet, c’est le Spiegel qui a livré de nouvelles allégations pendant le dernier week-end du mois de juin 2013.

Selon l’hebdomadaire allemand, les institutions européennes auraient été visées par un programme d’espionnage de la NSA. Micros et infiltration du réseau informatique interne de l’UE auraient permis de surveiller les représentations de l’UE à Washington, auprès de l’ONU, mais aussi le bâtiment où siège le Conseil européen à Bruxelles. Sans compter que selon ces documents fournis par Edward Snowden, les Européens sont explicitement désignés comme des "cibles à attaquer". Le Spiegel indique aussi que les Etats-Unis auraient mis sur écoute en moyenne 500 000 appels téléphoniques, courriels et messages textes en Allemagne par mois.

Jean Asselborn : il faut "tout entreprendre pour que l’Europe puisse réagir de façon coordonnée"

Demandes de clarifications et réactions indignées ont rythmé le week-end, la plupart des pays de l’UE réagissant au plus haut niveau à ces allégations.

Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, jugeait ainsi dès le 30 juin 2013 à midi, au micro de RTL France, que "si ces révélations s’avèrent exactes, c’est extrêmement grave, parce que cela affecte profondément la confiance de la diplomatie européenne avec les Etats-Unis". "C’est gravissime", ajoutait le ministre qui voit là "une remise en cause du fondement de la démocratie, c’est-à-dire de la protection des libertés fondamentales". Pour Jean Asselborn, si ces allégations sont vraies, cela signifie que les services de renseignements américains ne sont pas soumis à un contrôle digne d’une démocratie.

"Il faut que cela se vérifie, et si vraiment cela a eu lieu, alors il faut rétablir très, très vite la confiance entre les États-Unis et l’Union européenne", arguait le chef de la diplomatie luxembourgeoise qui n’estime pas pour autant qu’il serait dans l’intérêt des deux parties de remettre maintenant en question l’accord de libre échange que vont tenter de négocier UE et Etats-Unis dans les prochaines semaines.

"Je pense qu’il faut donner un signal clair depuis l’Europe, afin que les États-Unis contrôlent leur propre service secret, plutôt que les partenaires de l’Union européenne", expliquait Jean Asselborn qui appelait, si ces informations devaient se vérifier, à "tout entreprendre pour que l’Europe puisse réagir de façon coordonnée "

L’UE attend désormais “clarté et transparence de la part des ses partenaires et alliés”

Au niveau de la Commission, l’affaire semble prise au sérieux. "Compte-tenu de ces allégations, le président Barroso a ordonné aux services compétents de la Commission de procéder à un contrôle complet de la sécurité", a déclaré sa porte-parole, Pia Ahrenkilde-Hansen lors d'un point de presse.

Les demandes de clarification n’ont d’ailleurs pas tardé. Le service d’action extérieure (SEAE) a ainsi été chargé de contacter les autorités américaines afin de vérifier la véracité de ces informations. Le dimanche 30 juin, ces dernières ont répondu qu’elles allaient vérifier l’exactitude de ces informations aussi vite que possible. Entre temps, Catherine Asthon a pu s’entretenir avec le secrétaire d’Etat John Kerry, qui a expliqué que "chaque pays dans le monde qui est impliqué dans les affaires internationales, de sécurité nationale, exerce de nombreuses activités afin de protéger sa sécurité nationale et toutes sortes d'informations qui peuvent y contribuer". L’UE attend désormais “clarté et transparence de la part des ses partenaires et alliés”.

Le président américain lui-même a assuré depuis la Tanzanie, où il était en visite officielle le 1er juillet 2013, que les autorités américaines continuaient d’évaluer les allégations divulguées par le Spiegel et il a assuré que les Etats-Unis "communiqueront de manière appropriée avec leurs alliés"

Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, a fait part, dans une déclaration du même jour, de sa préoccupation et a confirmé que l’UE attendait des clarifications pleines et urgentes de la part des autorités américaines, prenant note de l’engagement pris par le président des Etats-Unis de veiller à fournir à ses alliés toutes les informations demandées.

Viviane Reding : "On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s'il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens"

"Entre partenaires, on n'espionne pas!", avait lancé le 30 juin 2013 Viviane Reding lors du grand débat citoyen qui s’est tenu à la Rockhal. Elle avait ajouté qu’on "ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s'il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens". Et elle avait appelé les Etats-Unis, auxquels elle s’est déjà adressée depuis le début de cette série de scandale autour de Prism, à dissiper ces doutes très rapidement. La porte-parole de la commissaire a confirmé que les demandes qu’elle a transmises au ministre américain de la Justice, Eric Holder, sont toujours sans réponse à cette date. Un groupe de travail mis en place entre l'UE et les Etats-Unis pour "échanger des informations sur les volumes de données collectées par Prism et les garanties pouvant être apportées par les Etats-Unis pour les citoyens de l'UE" doit se réunir fin juillet.

La question des négociations, à peine ouvertes, d’un accord de libre échange a vite pris le dessus dans les réactions.

Certes, la Présidence lituanienne du Conseil de l’UE, qui vient de s’ouvrir au 1er juillet 2013 et qui a fait des négociations de cet accord de libre-échange une priorité, a souligné, par la voix du ministre lituanien des Affaires étrangères, Linas Linkevicius, que "les bonnes relations politiques et économiques USA-UE ne doivent pas être endommagées" en raison "d'informations de presse ou de documents secrets que personne n'a vus".

Mais certains parlementaires européens n’ont pas mâché leurs mots pour signifier leur indignation. Le président du Parlement européen, Martin Schulz a d’ailleurs contacté l’ambassadeur américain auprès de l’UE pour "protester énergiquement" contre de telles pratiques, si elle devait s’avérer vraies, et il n’a pas manqué de souligner que cela portait "un rude coup à la confiance réciproque". Hannes Swoboda, le chef de file du groupe S&D auquel appartient le président du Parlement européen, a lui indiqué que, si cette information devait se confirmer, "l’UE devrait en tirer des conclusions lourdes de conséquence" dans le cadre du partenariat transatlantique. Et il évoque explicitement la possibilité de revoir la position de l’UE sur les négociations sur l’accord de libre échange qui viennent de commencer.

Du côté des libéraux et démocrates, Guy Verhofstadt, président de l’ALDE, dénonce une pratique "inacceptable", si elle devait être confirmée, et appelle les Américains à "s’expliquer avec leurs partenaires de l'UE sur cette affaire d'espionnage qui sape la confiance dans le partenariat stratégique à un moment crucial pour les relations transatlantiques". "Je ne vois pas comment un accord sur le commerce et l'investissement pourrait être conclu tant que le soupçon pèsera", ajoute-t-il, demandant que le Parlement européen lance "sa propre enquête comme il l'a fait il y a dix ans pour Echelon ".

Quant aux Verts, leurs coprésidents, Rebecca Harms et Daniel Cohn-Bendit, appellent à lancer immédiatement une commission spéciale du Parlement européen. "L'UE devrait annuler les accords Swift et PNR avec les Etats-Unis", exige Rebecca Harms qui estime aussi qu’avant d'entamer les négociations sur le futur accord commercial avec les États-Unis, il convient de "débattre des infractions du droit international provoquées par Prism et Tempora". "Ces derniers jours ont montré l'urgente nécessité d'avoir un accord international sur la protection des données", a-t-elle ajouté. Daniel Cohn-Bendit veut pour sa part proposer qu’Edward Snowden reçoive le prix Sakharov du Parlement européen.