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Institutions européennes - Traités et Affaires institutionnelles
Sous la pression de la Commission européenne, la Croatie s’est engagée à transposer intégralement la législation sur le mandat d’arrêt européen
28-08-2013


mina-andreevaLe 26 août 2013, la Commission européenne a menacé la Croatie de sanctions pour ne pas avoir transposé intégralement la législation sur le mandat d’arrêt européen. Le 28 juin 2013, trois jours avant son entrée dans l’Union européenne, la Croatie avait en effet adopté une loi permettant l’application des mandats d'arrêt européens aux seuls crimes commis après 2002. De ce fait, les crimes qui avaient pu être commis à l’époque yougoslave et durant la guerre serbo-croate (1991-1995) étaient exclus.

Cette loi avait été aussitôt baptisée par les médias croates de "loi Perkovic", du nom d’un de ses principaux bénéficiaires, ancien responsable de la branche croate des services de renseignement yougoslaves (UDBA), recherché par l’Allemagne dans le cadre d’une enquête sur l’assassinat d’un dissident croate, Stjepan Djurekovic, survenu en Bavière en 1983. Josip Perkovic est suspecté d’être le commanditaire de ce qui fut un des 22 assassinats commis sur des Croates émigrés en Allemagne dans les années 70 et 80. Le refus de la Croatie d’extrader Josip Perkovic aurait d’ailleurs été la raison de l’absence de la chancelière allemande, Angela Merkel, aux cérémonies d’adhésion de la Croatie.

La Croatie s’exposait à ces sanctions, en vertu de l’article 39 de son traité d’adhésion. Dans une lettre qu’elle avait adressé au gouvernement croate le 29 juillet 2013,  la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, avait enjoint le nouvel Etat membre de mettre sa législation en règle avec le droit européen avant le 23 août 2013. Parmi les sanctions envisagées étaient évoquées une réduction de l’accès de la Croatie aux fonds européens, la mise en place d’un mécanisme de surveillance spécifique, tel qu’imposé à la Bulgarie et à la Roumanie, ou encore un report de l’entrée de la Croatie dans  l’espace Schengen.

"Ce n'est pas une question mineure pour nous. Le mandat d'arrêt européen est au cœur de la coopération judiciaire en Europe", a déclaré Mina Andreeva, porte-parole de la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire européenne en charge de la Justice, Viviane Reding, lors d’une conférence de presse le 26 août 2013, trois jours après l’échéance du délai. La porte-parole a également évoqué la "rupture de confiance" que provoquait cette situation. La Commission européenne prévoyait de discuter de la situation lors de sa réunion du 4 septembre 2013. Elle voulait également que le Conseil Justice et affaires intérieures du mois d’octobre se saisisse du sujet.

La Croatie discriminée ?

Dans un premier temps, le gouvernement croate avait réagi avec indignation à la sortie de la Commission européenne. Son ministre de la Justice, Orsat Milijenic, avait ainsi estimé qu'il était "hautement inapproprié" de critiquer un Etat membre sur la base de plaintes "inexactes et infondées". "La Croatie n'essaie pas d'éluder le mandat d'arrêt, elle le respecte, mais elle requiert que le sujet soit traité par le Conseil européen", avait pour sa part déclaré le Premier ministre croate, Zoran Milanovic, en réponse à la Commission européenne, selon des propos rapportés par l’Agence Europe

Le social-démocrate Zoran Milanovic déplorait que la législation européenne ne soit pas appliquée de manière uniforme par tous les États membres et évoquait une discrimination de la Croatie vis-à-vis de pays tels l’Autriche, la France et l’Italie, qui ont pu obtenir des dérogations en vertu desquelles le mandat d'arrêt européen ne s'applique pas chez eux à des crimes perpétrés avant 2002, année de l’adoption de ce mécanisme.

Néanmoins, la Commission européenne a rétorqué que seuls les pays qui ont négocié l’élaboration de ces règles européennes pouvaient accéder à une dérogation et que la Croatie n’avait par ailleurs pas abordé le sujet lors des négociations de son traité d’adhésion à l’UE. Tous les États ayant adhéré à l'UE postérieurement à la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen ont dû appliquer telle quelle la législation européenne. C’était d’ailleurs dans cette logique que Vesna Pusic, la ministre croate des Affaires étrangères, partenaire démocrate-libérale de la coalition au pouvoir, avait jugé dès le 22 août 2013, que la Croatie devait modifier la loi Perkovic.

La pression de la Commission européenne et le risque de dissensions au sein de la coalition croate, seront vraisemblablement parvenus à faire plier le gouvernement. Dans un courrier daté du 28 août 2013, le ministre croate de la Justice, Orsat Miljenić, a accepté de modifier la loi contestée, selon les confidences faites le même jour par la porte-parole de Viviane Reding, à l’agence dpa. L’agence Europe a indiqué pour sa part que "le président de la Commission, José Manuel Barroso, a reçu des garanties similaires du Premier ministre croate, Zoran Milanovic". La Commission, par la voie de Mina Andreeva, a néanmoins maintenu la pression, demandant à la Croatie de désormais "traduire rapidement ses intentions politiques en prenant les initiatives requises", sans quoi des sanctions seraient prises dès les premières semaines de septembre.