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Mandat d’arrêt européen – La Croatie propose de se mettre en conformité le 15 juillet 2014, ce qui est un "délai injustifié" pour Viviane Reding qui propose des sanctions
04-09-2013


croatie-drapeauAlors que fin août 2013, les tensions entre la Commission européenne et la Croatie semblaient devoir bientôt s’achever avec la promesse croate de transposer intégralement la législation sur le mandat d’arrêt européen dans un délai court, la vice-présidente de la Commission européenne et commissaire en charge de Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, Viviane Reding, a finalement dû signifier le 4 septembre 2013 à la Croatie, que d’accord avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, elle allait proposer à la Commission européenne de décider de sanctions au titre de l’article 39 du traité d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne afin que la Croatie remplisse ses engagements, "sans délai injustifié". Cet article autorise la Commission européenne à prendre "des mesures appropriées" s’il y a "de graves manquements ou un risque imminent de graves manquements" dans la transposition de la législation européenne. Ce que la Croatie, en mentionnant la date du 15 juillet 2014, pour sa mise en conformité avec le droit européen, se voit reprocher.

Pour rappel, le 28 juin 2013, quelques jours avant son adhésion, la Croatie avait amendé l’Acte d'entraide judiciaire en matière pénale avec les Etats membres de l’UE, de telle sorte que les crimes survenus avant août 2002 n’entreraient pas dans le champ d’application de la législation sur le mandat d’arrêt européen. Cet amendement mettait notamment Josip Perkovic, à l’abri d’une extradition vers l’Allemagne. Ce dernier est soupçonné d’avoir commandité, dans ses fonctions de responsable de la branche croate des services de renseignement yougoslaves (UDBA), l’assassinat d’un dissident croate, Stjepan Djurekovic, en Bavière en 1983. La Commission européenne était d’autant plus surprise de la situation croate que jamais une quelconque dérogation n’avait été demandée par la délégation croate lors de la négociation du traité d’adhésion.

Le gouvernement croate avait d’abord laissé passer le délai du 23 août 2013, que lui avait fixé, dans une lettre du 29 juillet 2013, la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, avant de lui faire savoir comment il comptait corriger ce manquement à la transposition complète de la législation européenne.

Le 27 août 2013, sous la pression de la Commission européenne, la Croatie semblait finalement avoir donné une garantie sérieuse en promettant l’adoption de l’amendement étendant aux crimes commis avant le mois d’août 2002 le champ d’application de la législation sur le mandat d’arrêt européen. Dès lors, seul le délai d’adoption de l’amende de l’Acte de coopération judiciaire pouvait encore poser problème.

Dans un bref courrier au ministre croate de la Justice, Orsat Miljenić, en date du mercredi 28 août 2013, Viviane Reding s’était ainsi à la fois réjouie de "ce développement constructif" tout en enjoignant son interlocuteur de lui faire parvenir un calendrier de la procédure législative à venir avant la fin de la semaine en cours.  

Selon le gouvernement croate, une modification de la Constitution est nécessaire pour adapter les délais de prescription croates aux délais européens

Or, dans la lettre qu’il lui a adressée le 2 septembre 2013, le ministre croate a fait savoir à Viviane Reding que l’amendement ne devrait entrer en vigueur que le 15 juillet 2014.

"La discussion autour de cet acte a ouvert une question d’une immense importance sociale dans la République de Croatie, traitant des crimes commis dans le passé, et particulièrement des assassinats politiques", explique d’abord Orsat Miljenić pour mieux aborder l’obstacle législatif qui s’oppose à la poursuite des auteurs de crimes, à savoir les délais de prescription croate : "A nos yeux, il n’est pas acceptable que les auteurs de tels crimes soient actuellement protégés par le délai de prescription, tandis qu’ils ont bénéficié de la protection contre des poursuites pénales par le régime de l’époque." Toutefois, "ce problème peut uniquement être résolu par un amendement à la Constitution, étant donné que dans de nombreux cas, le délai de prescription s’applique déjà", explique le ministre.

Ainsi, à l’amendement à l’Acte de coopération judiciaire qu’il entend déposer dans les deux prochaines semaines, s’ajoute la nécessité d’adopter un amendement à la constitution et d’éventuelles adaptations de l’organisation judiciaire, pour expliquer le délai du 15 juillet 2014. Cet amendement à la Constitution "ne permet pas seulement la poursuite pénale des auteurs de ces crimes devant les organes judiciaires croates mais permet également une application complète du mandat d’arrêt européen", précise le ministre, qui juge "également possible que l’amendement à la Constitution soit suivi d’autres changements du système pénal, ce qui inclut des amendements à d’autres actes légaux, et non au seul Acte sur la coopération en matière judiciaire avec les Etats membres de l’Union européenne".

Pour Viviane Reding, une demande de dérogation durant les négociations sur l’adhésion "aurait au moins prolongé, sinon empêché l’adhésion pendant un temps considérable"

Dans sa réponse à la lettre du ministre croate de la Justice, datée du 4 septembre 2013, Viviane Reding se dit "un peu surprise d’apprendre que l’amendement va prendre dix mois" avant son application. "Nous ne parvenons pas à voir en quoi mettre l’Acte en conformité avec la législation européenne et en particulier avec les obligations liées à l’accession de la Croatie à l’UE devrait être couplé à l’adoption d’amendements constitutionnels. Ce n’est ni une condition imposée par la décision-cadre sur le mandat d’arrêt européen ni un sujet invoqué quand l’Acte a été adopté", explique Viviane Reding, tout en soulignant que le président Barroso avait déjà rappelé ce point dans un entretien téléphonique en date du 30 août 2013.

La limitation actuelle à l’application du mandat d’arrêt européen reste à ses yeux "une violation claire des obligations croates vis-à-vis de la législation européenne qui fut acceptée durant les négociations d’adhésion et qui forment la base pour l’accueil de la Croatie dans l’UE".

"Durant les négociations, il était très clair que l’acceptation pleine et sans conditions par la Croatie de l’acquis européen en matière de justice et d’affaires intérieures était une condition préalable à la possibilité de devenir membre", poursuit la vice-présidente de la Commission. Or, durant ces négociations, la Croatie n’a demandé ni dérogation ni "opt-out". "Il était connu que de telles requêtes auraient au moins prolongé, sinon empêché l’adhésion pendant un temps considérable. Cela doit être également vu dans le contexte de la demande politique explicite de la Croatie d’éviter d’être soumise à un mécanisme de coopération et de vérification, comme il en a été discuté durant les négociations d’adhésion", rappelle également Viviane Reding.

"Nous reconnaissons votre engagement à mettre l’Acte de coopération judiciaire en ligne avec les obligations croates envers les traités. Ce pas doit être réalisé sans condition et rapidement. Le mettre en lien avec un amendement constitutionnel constituerait un délai injustifié", met en garde Viviane Reding, qui prévient de son intention, d’un commun accord avec le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de proposer à la Commission européenne, "dans les prochains jours", de prendre des mesures appropriées pour "remédier à la violation sans délai injustifié".

Dans une interview au portail internet croate Danas, le 19 août 2013, Viviane Reding avait évoqué comme possibles sanctions l’introduction d’un mécanisme spécifique de surveillance, la suspension d’instruments de soutien financier ou encore l’ajournement des discussions sur l’entrée de la Croatie dans l’espace Schengen.