Principaux portails publics  |     | 

Éducation, formation et jeunesse - Emploi et politique sociale
Aides pour études supérieures – Le tribunal administratif luxembourgeois suit l’arrêt de la Cour de justice de l’UE et juge que la loi du 26 juillet 2010 est contraire au principe communautaire de non discrimination en raison de la nationalité
16-10-2013


Tribunal administratifLe 14 octobre 2013, le tribunal administratif luxembourgeois a rendu un premier jugement dans le dossier concernant les aides pour études supérieures. Il concerne quatre affaires de principe concernant des enfants dont l’un des parents a travaillé en tant que travailleur frontalier depuis plus de 5 ans au Grand-Duché au moment de l’introduction de leur demande. Le tribunal a jugé que la loi du 26  juillet 2010, en imposant une clause de résidence pour l’octroi d’une bourse d’études, est "contraire au principe communautaire de non discrimination en raison de la nationalité".

"L’exigence d’une condition de résidence étant, en effet, et toujours selon la jurisprudence de la Cour, plus facilement remplie par les nationaux", dit le tribunal administratif

Citant l’arrêt rendu le 20 juin 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne suite à sa demande de décision préjudicielle formulée le 12 janvier 2012, le tribunal administratif juge que "la clause de résidence, considérée seule, c’est-à-dire à l’exclusion de la prise en compte d’autres critères de rattachement ("dans la mesure où elle fait obstacle  à la prise en compte d’autres éléments potentiellement représentatifs du degré réel de rattachement du demandeur de ladite aide financière à la société ou au marché du travail de l’Etat membre concerné") constitue une discrimination indirecte entre les personnes qui résident dans l’Etat membre concerné et celles qui, sans résider dans cet Etat membre, sont des enfants de travailleurs frontaliers exerçant une activité dans ledit Etat membre, contraire au principe communautaire de non discrimination en raison de la nationalité". Le tribunal administratif rappelle par ailleurs que "l’exigence d’une condition de résidence [est], en effet, et toujours selon la jurisprudence de la Cour, plus facilement remplie par les nationaux".

Suivant en cela la Cour de justice de l’Union européenne, le tribunal administratif luxembourgeois annule donc la décision du Centre de Documentation et d'Information sur l'Enseignement Supérieur (CEDIES) qui avait refusé d’accorder une aide financière pour études supérieures à un enfant de travailleur frontalier depuis plus de cinq ans au Luxembourg.

Une deuxième audience le 18 novembre 2013

Une seconde audience est prévue le 18 novembre 2013 pour le cas des enfants dont le parent n’a pas travaillé pendant cinq ans sans interruption au Grand-Duché au moment de l’introduction de la demande. "Il y a lieu de disjoindre les différents recours, afin de permettre au tribunal de tenir compte notamment de leurs différences procédurales", précise le tribunal administratif dans son jugement.

Pour cause, le 17 juillet 2013, dans sa réponse à une question parlementaire du député Déi Lénk, Serge Urbany, la ministre de l’Enseignement supérieur, Martine Hansen, avait fait savoir qu’elle entendait appliquer rétroactivement, aux dossiers pendants devant le tribunal administratif, le délai de cinq ans de travail ininterrompus au Luxembourg introduit le 9 juillet 2013 dans la réforme de la loi du 26 juillet 2010, à la suite de la publication de l’arrêt rendu le 20 juin 2013 par la Cour de justice de l’UE.

Cette clause de cinq années de travail avait justement été suggérée par la CJUE dans son arrêt. La Cour de justice estimait en effet qu’ "afin d’éviter le risque de voir apparaître un 'tourisme des bourses d’études', invoqué par l’ensemble des gouvernements ayant présenté des observations devant la Cour et de s’assurer que le travailleur frontalier contribuable et cotisant au Luxembourg présente des liens suffisants avec la société luxembourgeoise, il pourrait être envisagé de subordonner l’octroi de l’aide financière à la condition que le travailleur frontalier, parent de l’étudiant ne résidant pas au Luxembourg, ait travaillé dans cet État membre pendant une période minimale déterminée". Elle évoquait un délai possible de cinq années, comme celui nécessaire pour obtenir un droit de séjour permanent, en l’absence duquel, en vertu de la directive 2004/38 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, l’Etat d’accueil n’est pas tenu d’octroyer une "aide d’entretien aux études".

Les syndicats satisfaits… en partie

"Le tribunal administratif luxembourgeois donne gain de cause aux salariés frontaliers", s’est réjoui le syndicat chrétien LCGB, dans un communiqué de presse diffusé le 16 octobre 2013. "Cette décision signifie que tous les étudiants, dont les parents, travailleurs frontaliers, avaient une ancienneté supérieure à 5 années au Luxembourg et avaient introduit un recours devant cette juridiction, auront le droit de percevoir la bourse sous l’empire de l’ancienne loi."

Le syndicat prévient par ailleurs qu’il "poursuivra ses actions" afin que la future loi sur les aides financières pour études supérieures "permette à la fois un traitement équitable de tous les salariés et retraités, tout en conservant un système qui reste basé sur le principe d’autonomie de l’étudiant et maintenant le niveau des aides financières pour études supérieures".

Quelques heures après le communiqué de presse du LCGB, le syndicat indépendant OGBL, rappelant qu’il a introduit lui-même plus de 250 recours, s’est lui aussi manifesté pour célébrer ces "premiers succès pour les enfants de frontaliers".

"Le tribunal administratif vient de tirer (…) les conséquences de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne du 20 juin 2013, qui avait déclaré que le principe de libre-circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté s’oppose à la clause de résidence ayant figuré dans l’ancienne loi du 26 juillet 2010 sur les bourses d’études", constate le syndicat dans son communiqué de presse.

L’OGBL est par ailleurs d’avis que "le gouvernement devrait également octroyer des bourses rétroactivement à toutes celles et tous ceux qui ont rempli les conditions sans avoir déposé de recours auprès du tribunal administratif", hypothèse déjà exclue par la ministre de l’Enseignement supérieur, Martine Hansen, dans sa réponse à une question parlementaire du député Déi Lénk, Serge Urbany, du 17 juillet 2013.