L’espace européen de la justice a pris une dimension un peu plus concrète le 27 octobre 2013, avec l’arrivée à expiration du délai imparti aux États membres pour transposer la directive relative au droit à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales. Présentée par la Commission européenne début 2010 et adoptée par le Parlement européen et le Conseil en quelques mois, celle-ci garantit aux citoyens le droit d'être interrogés, de prendre part aux audiences et de bénéficier d'une assistance juridique dans leur propre langue à tous les stades d'une procédure pénale, et ce devant toutes les juridictions de l'UE.
Première directive de l'Union relative aux droits des suspects dans le cadre des procédures pénales, cette législation européenne vise ainsi à garantir aux citoyens qui ont été arrêtés ou qui sont poursuivis pour avoir commis une infraction présumée le droit de bénéficier de services d'interprétation vers leur propre langue tout au long de la procédure pénale, notamment lorsqu'ils reçoivent des conseils juridiques.
La Commission européenne relève en effet quelques huit millions de procédures pénales dans toute l’UE chaque année. Alors que les Européens sont de plus en plus nombreux à se rendre dans d’autres Etats membres, la probabilité d’y avoir affaire à la justice a également largement augmenté. Le 9 mars 2010, la Commission avait donc franchi un premier pas en vue de la construction d’un espace judiciaire européen en adoptant une série de mesures visant à définir des normes européennes communes applicables à toutes les procédures pénales.
La directive établit ainsi des règles imposant aux pays de l'UE de fournir aux suspects des services complets d'interprétation et de traduction. Les frais liés seront à la charge de l'État membre, et non du suspect.
"À défaut de normes minimales communes pour garantir des procédures équitables, les autorités judiciaires ne seront guère incitées à extrader un justiciable pour qu'il soit jugé dans un autre pays. Les mesures prises par l'UE pour lutter contre la criminalité, telles que le mandat d'arrêt européen, risqueraient, dès lors, de ne pas être pleinement appliquées […]. La Commission a insisté sur le caractère fondamental des droits à la traduction et à l'interprétation pendant toute la durée d'une procédure pénale pour garantir le respect total, d'une part, des normes consacrées par la convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et, d'autre part, de la charte des droits fondamentaux", peut-on lire dans le communiqué publié par la Commission le 25 octobre 2013.
Vu la complexité pratique du dossier, et afin dès lors de donner aux autorités nationales le temps nécessaire pour mettre en place les informations traduites, les Etats membres ont disposé de trois ans pour transposer ces dispositions, au lieu des deux années habituelles. Désormais, la directive doit être une réalité dans la législation nationale des Etats membres, ce à quoi la Commission a déjà prévenu qu’elle veillerait.
"Nous pouvons qualifier ce moment d'historique pour la justice en Europe: le premier instrument législatif de l'histoire de la construction européenne relatif au droit des citoyens à un procès équitable va devenir une réalité tangible - à condition, toutefois, que les États membres s'acquittent des obligations qui leur incombent en vertu de cette directive", s’est félicitée Viviane Reding, la commissaire chargée de la justice.
"La Commission tient ainsi ses promesses quant au renforcement des droits des citoyens partout en Europe. J'attends donc des États membres qu'ils tiennent aussi les leurs. La Commission européenne présentera prochainement un rapport sur la transposition de la directive dans les États membres. Nous n'hésiterons pas à pointer du doigt ceux qui auront été défaillants; après tout, cette directive touche à l'essence même des droits des citoyens", a-t-elle poursuivi.
Le droit à la traduction et à l'interprétation inaugure une série de mesures en rapport avec le droit à un procès équitable visant à établir des normes européennes communes dans les affaires pénales. L'acte législatif correspondant a été suivi d’une deuxième directive relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, adoptée en 2012, puis d'une autre relative au droit d’accès à un avocat, adoptée en 2013.
Conformément à sa feuille de route, la Commission devrait élaborer des propositions portant sur une autre série de droits liés au droit des citoyens à un procès équitable, lesquelles devraient être présentées avant la fin de l'année 2013.