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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Ententes : la Commission européenne inflige des amendes d’un montant de 1,71 milliard € à de grandes banques qui ont participé à des cartels dans le secteur des produits dérivés de taux d’intérêt
04-12-2013


almunia-amendes-banques-cartelsLa Commission européenne a infligé le 4 décembre 2013 des amendes d’un montant total de 1.712.468.000 € à 8 institutions financières internationales ayant pris part à des ententes illicites sur les marchés des produits dérivés financiers couvrant l’Espace économique européen (EEE). Quatre de ces institutions ont participé à une entente concernant des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en euros. Six d’entre elles ont participé à une ou plusieurs ententes bilatérales portant sur des produits dérivés de taux d’intérêt libellés en yens japonais. Une telle collusion entre concurrents est interdite par l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et par l'article 53 de l'accord EEE. Les deux décisions ont été adoptées au titre de la procédure de règlement des affaires d'entente par transaction appliquée par la Commission;  les entreprises concernées ont bénéficié d'une réduction d'amende de 10 % pour avoir accepté de régler le litige par voie de transaction. Voir également le MEMO/13/1090.

Joaquín Almunia, vice-président de la Commission chargé de la politique de concurrence, s’est exprimé en ces termes: "Ce qui est choquant, dans les scandales du LIBOR et de l'EURIBOR, ce n'est pas seulement la manipulation des indices de référence, qui mobilise les régulateurs financiers du monde entier, mais aussi la collusion entre des banques qui sont censées se faire concurrence. La décision d’aujourd’hui est un signal fort qui montre la détermination de la Commission à lutter contre ces cartels dans le secteur financier et à les sanctionner. La transparence et une saine concurrence sont indispensables pour que les marchés financiers fonctionnent correctement, au service de l’économie réelle plutôt que des intérêts de quelques-uns."

La Commission européenne n'avait jamais jusqu'ici infligé des amendes pour un montant cumulé aussi élevé dans des cas d'entente et abus de position dominante, a aussi souligné Joaquín Almunia, au cours de la conférence de presse.

Les produits dérivés de taux d’intérêt (contrats à terme, futures, swaps et options, par exemple)  sont des produits financiers qui sont utilisés par les banques ou les entreprises pour gérer le risque de fluctuation des taux d’intérêt. Ces produits sont commercialisés dans le monde entier et jouent un rôle clé dans l’économie globale. Leur valeur résulte du niveau d’un taux d’intérêt de référence, tel que le taux interbancaire pratiqué à Londres (LIBOR) - qui est utilisé pour différentes devises dont le yen japonais (JPY) - ou le taux interbancaire offert européen (EURIBOR) pour l’euro. Ces indices correspondent à la moyenne des prix offerts quotidiennement par un certain nombre de banques qui sont membres d’un panel. Ils sont censés refléter le coût des prêts interbancaires dans une devise donnée et servent de base pour divers produits financiers dérivés. Les banques d’investissement se font concurrence pour la négociation de ces produits dérivés. Les niveaux de ces taux de référence sont susceptibles d’affecter soit les flux de trésorerie qu’une banque reçoit d’une contrepartie, soit le flux de trésorerie dont elle est redevable à la contrepartie dans le cadre de contrats sur produits dérivés de taux d’intérêt.

L’entente sur les produits dérivés de taux d’intérêt en euros

L'entente sur les produits dérivés de taux d'intérêt en euros a fonctionné entre septembre 2005 et mai 2008. Les parties à la procédure de transaction sont Barclays, la Deutsche Bank, RBS et la Société Générale. L'entente avait pour objectif de fausser l’évolution normale des composants du prix pour ces produits dérivés. Des traders de différentes banques discutaient des soumissions de leur banque pour le calcul de l'EURIBOR ainsi que de leurs stratégies de négociation et de fixation des prix.

L'enquête de la Commission a commencé par des inspections surprises en octobre 2011 (voir MEMO/11/711). La Commission a ouvert une procédure en mars 2013. Aucune amende n'a été infligée à Barclays, qui a bénéficié d'une immunité d'amende au titre de la communication sur la clémence de 2006 pour avoir révélé l'existence de l'entente à la Commission. La Deutsche Bank, RBS et la Société Générale ont vu leurs amendes réduites pour avoir coopéré à l’enquête dans le cadre du programme de clémence de la Commission. Ces entreprises ont bénéficié d'une réduction d'amende supplémentaire de 10 % pour avoir accepté de régler le litige par voie de transaction avec la Commission.

Dans le cadre de la même enquête, une procédure a été ouverte à l'encontre du Crédit Agricole, de HSBC et de JPMorgan et l’enquête se poursuivra dans le cadre de la procédure normale (sans transaction) en matière d'ententes.

Les ententes sur les produits dérivés de taux d’intérêt en yens

Dans le secteur des produits dérivés de taux d'intérêt en yens, la Commission a mis à jour 7 infractions bilatérales distinctes d'une durée de 1 à 10 mois commises entre 2007 et 2010. L’entente consistait notamment en des discussions entre les traders des banques participantes à propos de certaines soumissions LIBOR en JPY. Les traders concernés ont aussi échangé, à plusieurs occasions, des informations commercialement sensibles relatives soit aux positions de négociation, soit à de futures soumissions LIBOR en JPY (et, pour une des infractions, à certaines soumissions futures pour l'Euroyen TIBOR - Tokyo interbank offered rate). Les banques impliquées dans une ou plusieurs des infractions sont UBS, RBS, la Deutsche Bank, Citigroup et JPMorgan. Le courtier RP Martin a facilité une des infractions en utilisant ses contacts avec un certain nombre de banques du panel LIBOR en JPY qui n’ont pas participé à l’infraction, dans le but d’influencer leurs soumissions LIBOR en JPY.

La Commission a ouvert une procédure en février 2013. UBS a bénéficié de l’immunité totale d’amende au titre de la communication sur la clémence de la Commission de 2006 pour avoir révélé l'existence des infractions à la Commission. Citigroup a également bénéficié d’une immunité totale pour sa participation à une infraction bilatérale. En coopérant à l’enquête, Citigroup, la Deutsche Bank, RBS et RP Martin se sont vu accorder une réduction d'amende par la Commission au titre du programme de clémence de la Commission. Les entreprises ont aussi bénéficié d'une réduction d'amende de 10 % pour avoir accepté de régler le litige par voie de transaction avec la Commission.

Dans le cadre de la même enquête, la Commission a aussi ouvert une procédure à l’encontre du courtier en liquidités ICAP. Cette enquête se poursuit dans le cadre de la procédure normale (sans transaction) en matière d'ententes.

Les amendes

Les amendes ont été fixées sur la base des lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes de 2006 (voir IP/06/857 et MEMO/06/256).

En fixant le niveau des amendes, la Commission a pris en compte la valeur des ventes des produits en cause réalisées par les banques dans l'EEE, l'extrême gravité des infractions, leur portée géographique et leur durée.

L’entente sur les produits dérivés de taux d’intérêt en euros

Les amendes infligées pour l'entente sur les produits dérivés de taux d’intérêt en euros sont les suivantes:

Participants

Durée de la participation

Réduction en application de la communication sur la clémence (%)

Amende (€)

Barclays

32 mois

100%

0

Deutsche Bank

32 mois

30%

465.861.000

Société Générale

26 mois

5%

445.884.000

RBS

8 mois

50%

131.004.000

 

Barclays a bénéficié d’une immunité totale pour avoir révélé l’existence de l’entente et a ainsi évité une amende d'environ 690 millions € pour sa participation à l'infraction.

Les ententes sur les produits dérivés de taux d’intérêt en yens

UBS, RBS, la Deutsche Bank, JPMorgan, Citigroup et RP Martin ont été impliquées dans une ou plusieurs des infractions aux règles de concurrence de l’UE.

Les amendes infligées pour l'entente sur les produits dérivés de taux d’intérêt en yens sont les suivantes:

Participant

Durée de la participation par infraction

Réduction en application de la communication sur la clémence (%)

Amende (€)

UBS (5 infractions)

1 mois, 8 mois, 5 mois, 10 mois, 1 mois

100% pour toutes les infractions

0

RBS (3 infractions)

8 mois, 5 mois, 3 mois

25% pour une infraction

260.056.000

Deutsche Bank (2 infractions)

10 mois, 2 mois

35%, 30%

259.499.000

JPMorgan (1 infraction)

1 mois

 

79.897.000

Citigroup (3 infractions)

1 mois, 2 mois, 3 mois

35%, 100%, 40%

70.020.000

RP Martin (1 infraction)

1 mois

25%

247.000

 

UBS a bénéficié d’une immunité totale pour avoir révélé l’existence des ententes et a ainsi évité une amende d'environ 2,5 milliards € pour sa participation à cinq des sept infractions. Citigroup a bénéficié d’une immunité totale pour une des infractions auxquelles elle a participé, évitant ainsi une amende d'environ 55 millions €.

Informations générales sur les produits concernés

Les produits dérivés sont des contrats négociés sur les marchés financiers qui sont utilisés pour transférer les risques. Ils servent de mécanisme de garantie contre les fluctuations de prix et réduisent la volatilité des flux de trésorerie des entreprises, ce qui permet d'établir des prévisions plus fiables, d'abaisser les exigences de capital et d’accroître la productivité du capital. Les produits financiers dérivés se sont érigés, ces dernières années, en pilier essentiel du système financier international et constituent un outil indispensable à la gestion des risques et aux investissements.

Les produits dérivés de taux d'intérêt de base les plus courants sont les contrats de garantie de taux, les swaps de taux d'intérêt, les options sur taux d'intérêt et les contrats à terme de taux d'intérêt. Les produits dérivés de taux d’intérêt peuvent être négociés de gré à gré ou, dans le cas des contrats à terme de taux d’intérêt, négociés en bourse. Leur valeur résulte d’un taux d’intérêt de référence.

Les produits concernés par l’entente sur les produits dérivés de taux d’intérêt en euros sont les produits dérivés de taux d'intérêt en euros liés à l'EURIBOR et/ou au taux moyen pondéré au jour le jour de l’euro (TEMPE). Les produits concernés par les ententes sur les produits dérivés de taux d'intérêt en yens sont les produits dérivés de taux d'intérêt en yens liés au LIBOR en JPY (ainsi que, pour une des infractions, l'Euroyen TIBOR).

L’EURIBOR, le LIBOR en JPY et l'Euroyen TIBOR sont des taux d’intérêt de référence destinés à refléter le coût des prêts interbancaires en euros ou en yens japonais respectivement. Ces indices de référence sont largement utilisés sur les marchés monétaires internationaux et sont basés sur les prix offerts quotidiennement par les banques du panel concerné à l’agent de calcul concerné.

Le 18 septembre 2013, la Commission a publié une proposition de règlement concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers tels que le LIBOR ou l'EURIBOR (voir IP/13/841). Les mesures prévues visent à contribuer à restaurer la confiance dans l’intégrité des indices de référence à la suite des scandales du LIBOR et de l’EURIBOR.

Informations générales sur la procédure de règlement appliquée par la Commission

Il s'agit des deux premières décisions concernant des ententes dans le secteur financier depuis le début de la crise financière en 2008. L’application des règles en matière d’entente est une priorité absolue pour la Commission, en particulier dans le secteur financier. Les décisions adoptées dans le cadre des ententes sur les produits dérivés de taux d'intérêt en euros et en yens indiquent aux banques le type de comportement à éviter si elles veulent se conformer aux règles de concurrence de l’UE.

Les décisions d'aujourd'hui sont les huitième et neuvième décisions de règlement par transaction depuis l'instauration de cette procédure en juin 2008 (voir IP/08/1056 et MEMO/08/458). Elles constituent l’un des règlements d'affaires d'entente par transaction les plus rapides qu'ait décidés la Commission, démontrant tout le potentiel de la procédure de transaction en termes de gains d'efficacité. Dans le cadre d'une procédure de règlement des affaires d'entente par transaction, les entreprises qui ont participé à une entente reconnaissent leur participation à l’infraction et leur responsabilité en la matière. Cette procédure se fonde sur le règlement (CE) n° 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence et permet à la Commission de mettre en œuvre une procédure simplifiée et de réduire ainsi la durée des enquêtes. Cette procédure est bénéfique pour les consommateurs et les contribuables car elle réduit les coûts, bénéfique pour l'application des règles en matière d'ententes et d'abus de position dominante car elle libère des ressources pour le traitement d'autres infractions présumées, et bénéfique pour les entreprises elles-mêmes car ces dernières tirent parti d'un processus décisionnel plus rapide et d'une réduction d'amende de 10 %.

La Commission avait déjà conclu des transactions dans des affaires d'ententes concernant les DRAM (voir IP/10/586), les phosphates utilisés dans l'alimentation animale (voir IP/10/985), les poudres à lessiver (voir IP/11/473), le verre pour les tubes cathodiques (voir IP/11/1214), les compresseurs pour réfrigérateurs (voir IP/11/1511), les produits de gestion de l'eau (voir IP/12/704) et les faisceaux de fils électriques (voir IP/13/673).

Les réactions des banques

La Deutsche Bank, qui doit à elle seule payer 725 millions d’euros, a réagi en soulignant que la décision de la Commission se rapportait "à des pratiques passées individuelles" et qu'elle avait déjà constitué les réserves nécessaires pour s'acquitter de l'amende.

La Société Générale, visée uniquement dans l'enquête sur l'Euribor, a été condamnée à une amende de 446 millions d'euros. Elle a réagi elle aussi en rappelant qu'elle avait passé une provision pour litiges de 200 millions d'euros au troisième trimestre, portant sa provision collective totale à 700 millions fin septembre. Selon la Société Générale, "les faits répréhensibles concernent essentiellement un salarié" qui "a agi à l'insu de sa hiérarchie et du management de la banque".

L'affaire du Libor a déjà donné lieu à de très grosses amendes dans différents pays. UBS a ainsi déjà dû payer un milliard de francs suisses, RBS 600 millions de dollars et Barclays environ 450 millions de dollars.

La banque néerlandaise Rabobank, qui a obtenu récemment des accords à l'amiable pour payer 774 millions d'euros dans trois pays pour manipulation du Libor, n'a pas été soumise à l'amende car "elle n'était pas impliquée dans les activités de cartel, selon notre enquête", a expliqué M. Almunia.