Les récents cas de fraude alimentaire, parmi lesquels la commercialisation de viande de cheval comme du bœuf, doivent amener l’Union à revoir le fonctionnement de la chaîne alimentaire, renforcer les contrôles et réviser la législation en matière d’étiquetage, selon une résolution non législative adoptée le 14 janvier 2014 par les députés européens. (Voir son résumé)
Le Parlement européen s’inquiète de la tendance à la hausse des fraudes alimentaires, qui reflète une faiblesse structurelle de la chaîne alimentaire. Selon les députés, la complexité et le caractère transfrontalier de la chaîne alimentaire, couplé au caractère principalement national des contrôles, sanctions et mesures d’application, augmente le risque de fraude.
"Tout d'abord, le manque de données comparables ne permet pas d'avoir une vision exacte du phénomène. Cependant, nous savons que des milliards d'euros sont en jeu. Le crime organisé a clairement des intérêts dans ce domaine", a déclaré le rapporteur Esther De Lange (PPE, NL). "Contrairement aux États-Unis, l'Union européenne ne dispose toujours pas de définition sur la fraude alimentaire et semble ignorer ce problème. Les cas de fraudes contaminent la situation de tous les agriculteurs, intermédiaires et individus qui respectent les règles et détruit la confiance des consommateurs en matière d'alimentation et d'information", a-t-elle ajouté. Son rapport d’initiative a été adopté par 659 voix pour, 24 contre et 8 abstentions.
Parmi les denrées alimentaires faisant souvent l'objet d'activités frauduleuses figurent l'huile d'olive, le poisson, les produits biologiques, les céréales, le miel, le café, le thé, les épices, le vin, certains jus de fruit, le lait et la viande. Il est dès lors essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les produits agro-alimentaires européens, au sein de l'Union et au-delà de ses frontières.
Les récents cas de fraude concernent entre autres la commercialisation de de viande de cheval comme du bœuf, de sel de voirie comme du sel alimentaire, l'utilisation d'alcool contenant du méthanol dans les spiritueux, l'utilisation de graisses contaminées à la dioxine pour la production d'aliments pour animaux, ou encore la mention erronée de l'espèce de poisson utilisée et l'étiquetage erroné des produits de la mer, rappellent les députés.
Le texte appelle à une définition harmonisée, à l’échelon européen, de la fraude alimentaire, et appelle la Commission européenne à renforcer l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV), qui mène les inspections. Il demande la création d’un réseau anti-fraude alimentaire européen et propose de généraliser les tests ADN afin d’éliminer toute fraude aux espèces.
Les députés demandent un meilleur contrôle des denrées alimentaires congelées, et une proposition législative sur un étiquetage obligatoire de la viande et du poisson. L’indication obligatoire du pays d’origine permettrait de garantir une meilleure traçabilité, estiment-ils, y compris pour tous les produits transformés à base de viande.
Les députés estiment que les États membres devraient fixer des sanctions en cas de fraude alimentaire équivalant au moins au double de l'estimation de l'avantage économique recherché, ainsi que des sanctions pénales en cas de mise en danger de la santé publique.
Le rapport constate que le droit européen ne comporte actuellement pas de définition de la fraude alimentaire et que les États membres observent des méthodologies différentes lorsqu'il s'agit de définir ce concept. Les députés appellent dès lors à une définition harmonisée à l'échelon européen.
Le rapport souligne la complexité et le caractère transfrontalier de la chaîne alimentaire. Pour les députés, une meilleure traçabilité des ingrédients et des produits tout au long de la chaîne alimentaire permettrait de lutter contre la fraude. Ils demandent qu’une plus grande attention soit accordée aux contrôles relatifs aux produits importés à partir de pays tiers et à leur conformité avec les normes de l'Union européenne.
Au niveau institutionnel, les députés approuvent la décision de la Commission de créer une équipe de lutte contre la fraude alimentaire et reconnaissent les efforts déployés par Europol pour combattre la fraude alimentaire. Ils invitent la Commission à envisager la création d'un laboratoire de référence de l'Union européenne pour l'authenticité des denrées alimentaires et saluent le projet de la Commission destiné à organiser une conférence sur la fraude alimentaire en 2014.
Les députés sont convaincus que les inspections inopinées indépendantes sont essentielles pour garantir l'application effective des normes en matière de sécurité alimentaire et d'étiquetage. Ils estiment, dès lors, que les inspections inopinées devraient être la norme. Ils appellent au passage la Commission à élargir le spectre des audits de l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) en vue d'y inclure la fraude alimentaire et demandent à l'autorité budgétaire d’accroître la capacité et les ressources de l'OAV et de l'équipe de lutte contre la fraude alimentaire de la Commission.
Les députés notent par ailleurs que les États membres rencontrent souvent des difficultés pour poursuivre en justice les exploitants du secteur alimentaire se livrant à des activités frauduleuses et évoluant dans un cadre européen transfrontalier, en raison de conflits de compétence. Ils déplorent en conséquence le fait que les États membres ne coopèrent pas systématiquement avec Europol dans les dossiers transfrontaliers de fraude alimentaire, mais travaillent de manière bilatérale.
Au niveau législatif, les députés estiment que les contrôles officiels devraient se concentrer non seulement sur les questions de sécurité alimentaire mais également sur la prévention de la fraude et du risque que les consommateurs soient induits en erreur. Ils se félicitent que la proposition de la Commission de réexaminer les contrôles officiels intègre des contrôles supplémentaires concernant la fraude alimentaire lorsque les autorités compétentes ont des raisons de soupçonner un exploitant de comportement frauduleux. Ils rejettent par ailleurs tout projet visant à déléguer aux opérateurs économiques les activités d'enquête qui incombent aux autorités publiques. De même, ils considèrent que tous les opérateurs commerciaux qui traitent, négocient ou stockent des matières premières, des ingrédients alimentaires ou des produits alimentaires intervenant dans la chaîne alimentaire humaine, y compris les négociants et les propriétaires d'entrepôts frigorifiques, devraient être enregistrés comme exploitants du secteur alimentaire et faire l'objet de contrôles.
Parallèlement, les députés appellent à une sensibilisation accrue et à un meilleur contrôle concernant l'étiquetage des denrées alimentaires congelées, et ce entre entreprises, d'une part, et entre entreprises et consommateurs, d'autre part. Dans le même ordre d’idées, les députés demandent à la Commission de présenter une proposition pour un étiquetage obligatoire de la viande et du poisson, qui spécifierait si les produits ont été congelés, à combien de reprises et pendant combien de temps.
Les députés indiquent que la mention, dans l'étiquetage, du pays d'origine permettrait aussi de garantir une meilleure traçabilité tout au long de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, de façon à rétablir la confiance du consommateur. Ils rappellent, à cet égard, que le Parlement a précédemment demandé que l'étiquetage de l'origine soit appliqué à la viande et aux produits transformés à base de viande, et que la Commission est actuellement en train d'élaborer un rapport sur l'étiquetage d'origine obligatoire pour la viande utilisée comme ingrédient. Ils prient la Commission de présenter rapidement son rapport et de poursuivre avec des propositions législatives visant à rendre obligatoire l'indication d'origine des produits transformés à base de viande, tout en tenant compte de ses analyses d'impact et en évitant des coûts et des charges administratives excessives.
Les députés soulignent également la nécessité de l'introduction de systèmes de certification électronique dans la chaîne alimentaire, susceptibles de réduire la probabilité de fraude découlant de certificats papier. Ils appellent en outre à la mise en place d’un registre européen centralisé des passeports d'équidés afin d'empêcher la délivrance frauduleuse de passeports en double.
En ce qui concerne la question du clonage animal, les députés s'inquiètent de l'absence de cadre législatif européen concernant la viande issue d'animaux clonés et appellent la Commission à présenter au plus vite, comme elle s'y était engagée, une proposition législative dans ce domaine.
En ce qui concerne la-responsabilité des entreprises, les députés appellent la Commission et les États membres à envisager d'imposer aux exploitants du secteur alimentaire l'obligation légale d'informer les autorités compétentes des cas de fraude alimentaire qui se produisent. Ils se disent convaincus que le secteur de la distribution a une responsabilité spéciale de garantir l'intégrité des produits alimentaires et d'exiger de ses fournisseurs une chaîne d'approvisionnement sûre.
Les députés sont convaincus qu'un changement de mentalité est requis de la part des autorités compétentes pour passer d'une approche administrative et vétérinaire à une approche policière. Ils appellent la Commission et les États membres à stimuler davantage les programmes de recherche et de développement aux niveaux européen et national, afin de concevoir et de mettre en œuvre des technologies et des méthodes permettant de détecter la fraude alimentaire, par exemple la technologie des capteurs, l'analyse des données et l'identification des produits, et à faire en sorte que les tests soient disponibles sur le marché à court terme.
Ils appellent la Commission à mettre en place de toute urgence un système électronique, fondé sur le système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux pour permettre l'échange rapide d'informations entre les États membres et la Commission dans les cas de fraude alimentaire. Ils appellent également à la création d'un réseau anti-fraude alimentaire qui renforcerait la coordination entre les différents organes européens (Europol, Eurojust, OAV) pour mieux prévenir et détecter les fraudes alimentaires.
Tout en saluant la proposition de la Commission de renforcer les sanctions en vue de contrebalancer à tout le moins l'estimation de l'avantage économique recherché par la violation de la législation, les députés considèrent que cette démarche n'est pas suffisamment dissuasive. Ils estiment que les États membres devraient fixer des sanctions en cas de fraude alimentaire équivalant au moins au double de l'estimation de l'avantage économique recherché par l'activité frauduleuse. Ils jugent même nécessaire, à titre de dissuasion supplémentaire, que les États membres fixent des sanctions encore plus lourdes, et notamment pénales, pour les cas de fraude dans lesquels la santé publique est délibérément mise en danger ou ceux portant sur des produits destinés à des consommateurs vulnérables. Ils proposent en outre qu'en cas de récidive, l'exploitant du secteur alimentaire se voie retirer son agrément.
Les députés regrettent que la Commission ne dispose pas d'une vue d'ensemble des différents systèmes de sanctions en cas de fraude alimentaire dans les États membres et du fonctionnement des régimes répressifs. Ils demandent enfin que l'intégralité de la chaîne soit transparente et accessible aux contrôleurs, à toutes les étapes de la production, du traitement et de la commercialisation à l'échelle européenne, afin que les produits alimentaires frauduleux puissent être rapidement identifiés à toutes les étapes de la production.