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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Le Parlement européen, soutenu par la Commission européenne et la présidence du Conseil, exige que les États membres respectent le droit à la libre circulation dans l'UE
16-01-2014


Parlement européenLe Parlement européen s'est vigoureusement élevé le 16 janvier 2014 contre toute volonté des Etats membres d'entraver la libre circulation des travailleurs au sein de l'UE, après les polémiques suscitées, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne, sur un prétendu afflux de Bulgares et de Roumains après la levée, le 1er janvier 2014, des dernières restrictions que neuf Etats membres, dont le Luxembourg, maintenaient depuis 2007 à l'encontre de ces travailleurs.

Le Parlement a adopté une résolution formulée par les groupes PPE, S&D, ADLE, Verts/ALE et GUE/NGL, dans laquelle il "conteste avec vigueur la position adoptée par certains dirigeants européens, qui demandent que la libre circulation des citoyens soit modifiée et restreinte". Il appelle les Etats membres à "ne pas exercer de discrimination" à l'encontre des travailleurs migrants, sous couvert de "prétendues tentatives d'abus des systèmes de sécurité sociale". "Aucun des Etats membres dénonçant cette charge n'a été en mesure de présenter les preuves demandées par la Commission", soulignent les parlementaires.

Dans sa résolution, le Parlement européen conteste fermement la position de certains dirigeants de l'UE appelant à des changements et à des restrictions en matière de liberté de circulation, dans une résolution adoptée ce jeudi. Les restrictions temporaires appliquées aux travailleurs roumains et bulgares ont expiré le 1er janvier 2014.

Les députés demandent aux pays de l'UE de s'abstenir de prendre des mesures à l'encontre de ce principe et rejettent les propositions visant à limiter le nombre de migrants de l'UE, les jugeant contraires au Traité.

Ils constatent qu'à l'approche des élections européennes, la liberté de circulation est un thème de campagne de certains partis politiques et que ce débat peut conduire à une augmentation du racisme et de la xénophobie. Ils soulignent également que quelques dirigeants politiques de haut-niveau ont récemment fait plusieurs déclarations visant à miner la liberté de circulation.

La mobilité des travailleurs stimule l'économie européenne

La résolution se réfère aux récentes études de la Commission affirmant que les travailleurs mobiles sont des contributeurs nets aux économies et aux budgets des pays d'accueil.

Même si seulement 2,8% de tous les citoyens de l'UE vivent dans un autre pays que le leur, ils représentent néanmoins un élément clé du succès du marché intérieur et stimulent l'économie européenne, souligne le texte adopté.

Selon la Commission, qui a aussi travaillé sur la question, les citoyens mobiles représentent une très faible part des bénéficiaires de prestations spéciales relevant à la fois de la sécurité sociale et de l'assurance sociale avec moins d'1 % de l'ensemble des bénéficiaires (citoyens de l'UE) dans six pays (Autriche, Bulgarie, Estonie, Grèce, Malte et Portugal), entre 1 et 5 % dans cinq autres pays (Allemagne, Finlande, France, Pays-Bas et Suède) et plus de 5 % en Belgique et en Irlande. Plus de 14 millions de citoyens de l'Union résident de façon stable dans un État membre autre que leur État d'origine et, en 2012, plus des trois quarts (78 %) étaient en âge de travailler (entre 15 et 64 ans), contre 66 % des ressortissants des États membres. En moyenne, le taux d'emploi des citoyens mobiles de l'Union est supérieur à celui des ressortissants nationaux (67,7 % contre 64,6 %). Le taux d'inactivité global, parmi les citoyens mobiles à l'intérieur de l'Union, a aussi diminué entre 2005 et 2012 pour passer de 34,1 % à 30,7 %.

S'attaquer à la fraude sociale sans discrimination

Dans leur résolution, les députés demandent aux États membres de ne pas discriminer les travailleurs mobiles, associant à tort la liberté de circulation des travailleurs à des soi-disant objectifs d'abus des systèmes de sécurité sociale.

Ils rappellent que la responsabilité de lutter contre la fraude sociale incombe aux États membres, que ces abus soient commis par leurs citoyens ou ceux d'autres États membres.

Le débat au Parlement

Lors du débat consacré à cette question le 15 janvier 2014, le secrétaire d'État grec aux Affaires étrangères, Dimitrios Kourkoulas, dont le pays exerce la présidence du Conseil, a estimé qu'à "l'heure où le populisme et la xénophobie montent, il faut que les déclarations officielles se fondent sur les faits, pas sur les impressions et les idées reçues". Pour lui, il ne faut pas confondre libre circulation des citoyens européens et immigration en provenance des pays tiers. "Le droit de s'établir est tout à fait différent des droits donnés aux immigrants des pays tiers" et "la majorité des migrants se déplacent pour travailler, pas pour profiter des prestations sociales", a estimé le ministre grec.

La commissaire européenne aux Droits fondamentaux Viviane Reding s'est également montrée très ferme: "Nous devons répéter encore et encore que tous les citoyens de l'UE ont le droit de se déplacer librement, sans exception". Comme elle le fait désormais depuis des mois, elle a rappelé les faits observés par la Commission et fondés sur les statistiques envoyées par les États membres. Et ces faits infirment les préjugés. Pour elle, le vrai défi réside dans le fait que "l'on doit sans cesse affirmer clairement que tous les citoyens européens ont droit à la libre circulation, qu'elle est liée au fait d'être citoyen européen" et que "cela bénéficie aussi aux économies vers lesquelles ces personnes déménagent".

Quant aux abus, que l'exécutif européen ne nie pas, la Commission a en partie répondu aux demandes en publiant, lundi 13 janvier, un premier guide à destination des États membres sur les tests de résidence habituelle, a rappelé Laszlo Andor, commissaire aux Affaires sociales. Il a dit que, pour l'instant, aucun État membre n'avait apporté de preuves venant accréditer la thèse des abus et le fait que des gouvernements puissent décider de remiser au placard des rapports démontre la manipulation du sujet, a même dit le commissaire en référence au rapport enterré pour le moment par les conservateurs britanniques.

"Dans la grande majorité des Etats membres, les migrants sont des contributeur nets au système de protection sociale du pays hôte", a-t-il conclu.

Les principaux partis - y compris les conservateurs allemands - se sont démarqués des propos phobiques qui sont notamment tenus sur les Roumains et les Bulgares.

"Il est temps que cesse le débat ridicule en Grande-Bretagne, tout comme dans d'autres Etats membres", a ainsi plaidé, au nom du groupe PPE, Marian-Jean Marinescu. Dans ces pays où sévissent des dérives "électoralistes", les "statistiques montrent que dans très peu de temps ils risquent de rester sans main d'œuvre, et que sans migration, l'économie s'effondrera", a-t-il raillé. Il faut "dire la vérité et ne pas raconter des histoires", a-t-il encore lancé en direction de Londres.

Pour le chef de file des élus S&D, Hannes Swoboda, le problème, "ce sont les gouvernements nationaux qui laissent les gens se faire exploiter avec des salaires indécents". "Il y a eu des cas d'abus", a-t-il admis, "mais il revient aux Etats membres de lutter contre cela". Il est aussi d’avis que les États membres feraient mieux de se préoccuper des vrais problèmes comme la pauvreté et le chômage dans l'UE. La libre circulation par contre "n'est pas un problème, c'est un droit" pense  Hannes Swoboda, pour qui on ne peut pas "avoir seulement un marché de biens et de services".

Pour la députée libérale roumaine Renate Weber, il est « inadmissible de contester ce droit fondamental » de la libre circulation qui devrait faire l'objet d'une évaluation pour vérifier que tous les États membres le respectent.

La Verte Rebecca Harms a de son côté exigé que les responsables politiques cessent de verser de l’huile sur le feu, parlant d’un faux débat.

Du côté du groupe CRE, qui compte dans ses rangs les conservateurs britanniques, on s'est montré attaché à la libre circulation. Le Britannique Timothy Kirkhope a admis que depuis 30 ans, le Royaume-Uni avait beaucoup profité de l'arrivée de migrants. Aujourd'hui, « on peut examiner comment fonctionne la libre circulation, mais il ne faut pas ni détruire ce principe, ni pointer du doigt » des coupables.

Les attaques les plus virulentes et les plus xénophobes contre les travailleurs roumains et bulgares sont venues des rangs europhobes. Le député britannique UKIP Gerard Batten a déclaré que la Grande-Bretagne s’était attendu à des gens "compétents, travailleurs et respectueux de la loi", mais l'Union européenne "nous a donné des criminels, des drogués, des alcooliques, des mendiants, des vagabonds et des profiteurs".

La Commission européenne soutient la libre circulation des personnes en publiant un mémo utile

En vue du débat au Parlement européen, la Commission européenne a publié un mémo très utile qui rappelle quelques chiffres fondamentaux. Le mémo aborde des questions comme le cadre juridique de la libre circulation, explique ce que sont «la libre circulation des travailleurs» et «la libre circulation des citoyens», deux choses qu’il ne faut pas confondre.  Elle répond à la question de «qui peut bénéficier de la libre circulation ».

Le mémo contient un chapitre « Assistance et prestations sociales » et explique qui peut bénéficier de l’assistance sociale. Ainsi, l’on apprend que des citoyens de l’UE économiquement non actifs ont, dans les faits, peu de chances de pouvoir bénéficier de prestations d’assistance sociale. En effet, pour acquérir un droit de séjour, il aurait fallu qu’ils démontrent préalablement aux autorités nationales qu’ils disposaient de ressources suffisantes. Les autorités nationales doivent évaluer chaque situation individuelle en tenant compte d’un certain nombre de facteurs (montant, durée, nature temporaire de la difficulté, charge globale pour le système d’assistance national). Si, au terme de cette évaluation, les autorités concluent que la personne concernée est devenue une charge excessive, elles peuvent annuler son droit de séjour. Après cinq ans, seuls les citoyens de l’Union ayant acquis un droit de séjour permanent peuvent bénéficier de l’assistance sociale dans les mêmes conditions que les ressortissants de leur État membre d’accueil. Aucune dérogation n’est autorisée par la législation de l’Union.

Le mémo répond aussi à la question de savoir qui peut bénéficier de la sécurité sociale. Les travailleurs (salariés ou indépendants) et les personnes à leur charge relèvent du système de sécurité sociale de l’État membre d’accueil dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, car ils contribuent, comme tout travailleur national, par leurs cotisations et leurs impôts, au financement public des prestations. Pour les citoyens européens qui résident dans un autre État membre sans y exercer d’activité professionnelle, la règle de l’État d’emploi, par principe, ne s’applique pas, puisque ces personnes ne travaillent dans aucun État membre. En vertu de la législation de l’Union sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l’État membre de résidence est alors responsable de la couverture sociale de ces citoyens pour autant qu’une vérification rigoureuse de la résidence habituelle prouve qu’il existe dans leur cas un lien réel avec ledit État. Les critères stricts utilisés lors d’une telle vérification garantissent que les citoyens sans emploi ne peuvent bénéficier de la sécurité sociale d’un autre État membre sans avoir auparavant véritablement transféré leur centre d’intérêt dans cet État (par exemple en y ayant fait venir leur famille).

Le mémo explore aussi les conséquences de la mobilité des citoyens de l’Union sur les systèmes nationaux de sécurité sociale. Selon les chiffres communiqués par les États membres et une étude publiée en octobre 2013 par la Commission européenne, dans la majeure partie de l’Union, les citoyens d’autres États membres n’ont pas plus largement recours aux prestations sociales que les ressortissants de leur pays d’accueil. Ils ont moins de chances de percevoir des allocations de logement ou des allocations familiales dans la plupart des pays visés par l’étude.