Le 24 février 2014, les syndicats luxembourgeois FNCTTFEL et SYPROLUX ont organisé, en gare de Luxembourg, une manifestation contre le 4e Paquet ferroviaire, à la veille du débat et du vote au Parlement européen sur cet ensemble de six textes. Symboliquement, ils ont bloqué, en fin d’après-midi, le départ des trains, pendant dix minutes, afin de signifier aux voyageurs que la libéralisation du transport des voyageurs aura aussi des conséquences pour eux. Le lendemain 25 février 2014, les deux syndicats devaient participer à une autre manifestation devant le Parlement européen à Strasbourg, à l’appel de la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF).
Depuis que la Commission européenne a présenté son 4e Paquet ferroviaire le 30 janvier 2013, l’opposition syndicale n’a jamais faibli. Cet ensemble de six textes législatifs organise notamment la libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs, en encourageant et facilitant les appels d’offres pour les services de transport public ferroviaire, mais en prônant également la séparation entre la gestion des infrastructures et celle de l’exploitation, notamment en durcissant les conditions imposées aux compagnies ferroviaires intégrées.
Si les Etats membres devaient garder la possibilité d’accorder, sous certaines conditions, des contrats de service public directement, le pouvoir adjudicateur devrait justifier en quoi une attribution directe serait efficace en matière de ponctualité des services, de rapports coût-efficacité, de fréquence des opérations ferroviaires et de satisfaction des consommateurs. Dans tous les cas, les compagnies intégrées qui parviendraient à se maintenir seraient soumises à une pression "qui va extrêmement augmenter", estimait le syndicat FNCTTFEL, dans son appel à manifestation. C’est notamment ce point qui a suscité les plus fortes réprobations au Luxembourg, tant du côté des syndicats que des employeurs, comme l’a montré une table ronde le 8 octobre 2013, De même, l’eurodéputé luxembourgeois et membre de la commission Transports du Parlement européen, Georges Bach (PPE), oppose la petite taille du pays et du réseau à cette volonté de séparation.
De manière plus générale, les syndicats craignent des réductions du personnel et une détérioration des conditions de travail au détriment de la sécurité. Ils prédisent également que l’ouverture à la concurrence aura à terme pour conséquences le maintien des lignes les plus rentables ou bien la disparation, au mieux le renchérissement pour les voyageurs du prix de l’usage des lignes les moins rentables.
Durant la manifestation du 24 février 2014, les responsables des deux syndicats ont chacun fait une brève allocution, rapportée dans les colonnes du Luxemburger Wort. Le Président du Syprolux, Fernand Heinz a ainsi martelé que "la séparation de l’infrastructure et de l’exploitation nuit au chemin de fer, aux employés et au pays". "Nous ne permettrons pas que des structures fonctionnant convenablement soient détruites à travers un monstre de Bruxelles qui écrase tout sur son passage. Notre avenir est en jeu", a pour sa part dit le président de la FNCTTFEL, Guy Greivelding, en rappelant que la libéralisation dans le secteur ferroviaire avait déjà détruit un million d’emplois dans l’UE ces vingt dernières années.
Lors de son vote, le 17 décembre 2013, la commission Transport (TRAN) du Parlement européen aurait certes "partiellement adouci" certaines dispositions, souligne l’ETF, dans son appel à la mobilisation, mais elle aurait"dans l’ensemble, confirmé l’approche de la Commission". Les modifications saluées par la Fédération européenne consistent dans le renforcement du volet social du règlement européen OSP (Obligations de service public) qui obligerait les autorités compétentes à mettre en place des normes sociales dans le cadre des appels d’offres et/ou à transférer le personnel en cas de changement d’opérateur.
L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach, avait, lors du vote de décembre 2013, salué ces nouvelles dispositions sociales mais avait lui aussi jugé le texte adopté par la commission TRAN insuffisant, le qualifiant de "mi-figue, mi-raisin". Il avait notamment critiqué "l’approche irréaliste et complètement illusoire de la Commission européenne qui essaie d’imposer un seul modèle pour tous les États membres, selon le principe "one size fits all". "En tant qu’ancien cheminot, je connais très bien la réalité dans ce secteur et je sais que ces idées ne peuvent pas se traduire dans la réalité, surtout dans les petits et moyens États membres comme le Luxembourg", avait-il ajouté.
L’appel de l’ETF au Parlement européen demande le "respect du droit des États membres à organiser leurs services publics de transport de la meilleure manière possible au vu des besoins spécifiques de leurs citoyens et régions", mais aussi la garantie du droit fondamental à la grève auquel la commission TRAN aurait porté atteinte en introduisant, ce même 17 décembre 2013, la question du service minimum en cas de grève (sous forme de considérant).